Les fabricants d’armes ont toujours regardé avec attention le Brésil, marqué par une forte criminalité et d’importants contingents de forces de l’ordre. Ils ont désormais ont un allié de poids qui peut leur faire espérer de juteuses affaires : le président pro-armes Jair Bolsonaro.
L’ex-capitaine d’armé, en fonction depuis début janvier, a déjà assoupli les règles de détention d’armes pour les « gens bien » et compte bien lever les restrictions à l’égard des investissements étrangers dans le secteur de la Défense et de la Sécurité, un marché estimé à 200 milliards de réais (55 milliards de dollars), selon des chiffres officiels.
« Pendant des années, rien n’a bougé ici pour nous. Mais nous sommes aujourd’hui vraiment optimistes sur des changements dans un futur proche », explique à l’AFP Martin Neujahr, de la société suisse RUAG Ammotec, venue présenter des munitions de haute-précision au Salon de la défense et de la sécurité (LAAD) qui se tient pendant quatre jours à Rio de Janeiro.
Quelque 450 entreprises brésiliennes et étrangères participent au salon, le plus grand d’Amérique latine, où sont notamment exposés mitrailleuses, lance-grenades à propulsion, technologies de « détection de cibles », drones de surveillance…
Le vice-président brésilien, le général Hamilton Mourao, a inauguré le salon mardi, en présence du ministre de la Défense, Fernando Azevedo e Silva, et de son homologue de la Justice et de la Sécurité, Sérgio Moro. Le gouverneur de Rio, Wilson Witzel, qui a reconnu la semaine dernière que la police de l’Etat faisait appel à des snipers pour abattre à distance des suspects armés, a fait également le déplacement.
« Depuis son élection, le président brésilien défend une plus grande ouverture à l’égard de l’investissement étranger », souligne Robert Muggah, de l’Institut Igarape, un groupe de réflexion basé à Rio. « Mais l’armée se montre plus réticente et défend l’importance stratégique des grands groupes nationaux », parmi lesquels le fabricant d’armes Taurus et celui de munitions CBC qui dominent le marché local, rappelle-t-il.
« Un énorme marché »
L’intérêt des sociétés étrangères pour le Brésil (209 millions d’habitants) n’est pas surprenant : le pays est rongé par une criminalité endémique et les forces de l’ordre comptent plus de 1,6 million membres, selon le site spécialisé Global Firepower.
Mais des mesures protectionnistes en faveur des fabricants locaux, notamment des incitations fiscales et des subventions, ont toujours douché leurs espoirs. Au début de l’année, le chef de gouvernement Onyx Lorenzoni a toutefois affirmé que le gouvernement était en train d’examiner comment ouvrir le secteur.
Les visiteurs du salon, dont des policiers et des membres de clubs de tir, se montrent enthousiastes à l’idée de pouvoir acheter des armes fabriquées à l’étranger, qu’ils jugent plus performantes que celles produites localement.
« Je suis venu voir les nouveautés. J’espère que le marché brésilien va finir par s’ouvrir et que les gens bien au Brésil vont pouvoir avoir le droit de détenir et de porter des armes », confie à l’AFP Edgar Silva, un tireur amateur qui admire les produits de l’entreprise allemande Walther.
Le Brésil est le troisième exportateur mondial d’armes de petit calibre et de munitions, avec des ventes annuelles atteignant 500 millions de dollars, selon Robert Muggah. Entre 2014 et 2018, il a également représenté 27% des importations d’armes en Amérique du Sud, selon l’Institut international de recherche de la paix de Stockholm (SIPRI).
Les fabricants brésiliens et étrangers espèrent tous plus de dépenses de la part du gouvernement en matière de Défense (30 milliards de dollars en 2018).
« Le Brésil est très important pour nous », confirme ainsi le représentant d’un fabricant européen qui se dit convaincu que l’élection de Jair Bolsonaro va doper le marché. « Le président Bolsonaro comprend l’importance d’avoir une défense forte et une sécurité publique adéquate », renchérit Luiz Monteiro, directeur des relations institutionnelles de l’entreprise Condor Non-Lethal Technologies.
Présent parmi une dizaine d’entreprises israéliennes, le fabricant de drones Aeronautics Group espère qu’un rapprochement entre Brésil et Israël favorisera ses affaires. « C’est une bonne opportunité d’être ici » au moment où le président Bolsonoro achève une visite officielle de trois jours en Israël, assure Dany Eshchar, responsable du marketing et des ventes.
« C’est un énorme marché pour nous, nous considérons le Brésil comme les Etats-Unis d’Amérique latine. »
Source: AFP