« On ne règle pas un problème en utilisant le système qui l’a engendré. Ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut les résoudre. » A. Einstein
There is not alternative : Je ne changerai pas de cap
En mars 2018, retraite, code du travail, chômage, défense des services publics dont la SNCF furent au centre des manifestations et des grèves. Celle des cheminots fut au centre du mécontentement social.
Trois mois après, la consultation entre le gouvernement et les syndicats déboucha sur une fin de non-recevoir sur l’essentiel des revendications. A savoir, l’ouverture du transport ferroviaire à l’entreprise privée avec son corollaire le démantèlement du statut des cheminots. Concernant le Code du travail et les retraites, le gouvernement fût également inflexible. Une inflexibilité présidentielle qui entraîna le premier ministre E.Philippe à énoncer, sans sourciller, une aberration: «le recours aux ordonnances permettra une large concertation.» (1) Sans commentaire!
Et face au mécontentement social exprimé par le mouvement des Gilets Jaunes, dès le 21 novembre, le président, toujours inflexible, déclara qu’il ne veut pas: «changer d’avis, en assumant ses positions et actions…» (2)
C’est le fameux «thère is not alternative» de l’ancienne premier ministre britannique M.Thatcher que E. Macron traduit en français par:«je ne céderai rien.»
Etat souverain, oui! Mais à condition d’obéir à l’oligarchie financière
Quand le candidat E.Macron clame que sa « volonté de transgression est très forte», tel un adolescent voulant prouver qu’il est plus courageux que les autres, E.Macron annonça sa détermination pour la mise à mort de l’exception française. Services publics, Protection sociale et médicale, Education nationale, bref, le bien commun, doivent se soumettre aux normes définies par la Commission de Bruxelles et le FMI. Normes connues sous le vocable d’ajustements structurels contenus dans le Traité européen de Lisbonne, signé en 2002 par la France.
Aussi, il ne faut pas se leurrer, la volonté jupitérienne de transgression qui anime le président français est imposée par la Commission de Bruxelles, le FMI, la BM et l’OMC.
Cependant, il faut reconnaître que la pensée présidentielle est cohérente. Une pensée que le candidat E.Macron a énoncée sans détour dans les termes suivants : «notre solidarisme a joué à plein, avec pertinence et force. Mais ce qu’on appelle la solidarité ne se vit, en France, qu’avec l’appui de l’Etat providence, celui des trente glorieuses…Le modèle français dispose de solides bases solidaristes, mais il n’en est pas moins installé dans une approche corporatiste… Cette démarche convenait fort bien à des partenaires sociaux corporatistes… En réalité, il est assez injuste…(3)
Les barbarismes « solidarisme, solidariste » accolés à corporatiste ne sont nullement innocents. Ces barbarismes servent à disqualifier, dans une première étape, le système social français. Afin de mettre en place, dans une deuxième étape, les réformes nécessaires pour son démantèlement, en affirmant qu’ «il existe une autre et véritable solidarité, une justice sociale qui se construit par la mobilité individuelle…» (3)
L’actuel Président français incarne la synthèse politique de la cohabitation et de l’alternance gauche-droite avec l’inflexibilité en plus. C’est la nouveauté dans la gouvernance de la France sous l’œil vigilant de la Commission de Bruxelles et du FMI.
Et pour préciser le fond de sa pensée, E.Macron n’a pas peur de la caricature en affirmant que la France est divisée en deux: «la France des nomades heureux et la France des sédentaires qui subissent.»(3)
Traduction: l’heureux est flexible et s’adapte au moule idéologique du néo-libéralisme.
Tandis que le sédentaire, pauvre s’entend, refuse ou n’a pas les capacités de prendre la forme du moule tout spécialement conçu pour lui. Et donc il est responsable de ce qu’il subit!
Il faut souligner que les salaires sont soumis à cette flexibilité et cette mobilité. Vers le bas, évidemment. Ce qui nous amène à la situation sociale et politique actuelle.
La «France silencieuse » porte des Gilets Jaunes
Tout d’abord, le mouvement social des Gilets Jaunes a démontré, à qui veut bien comprendre, que la France «nomade-sédentaire » est une vue de l’esprit d’un président qui confond sa propre vision du réel avec le réel.
En effet, une partie de la France réelle est constituée de travailleurs pour qui la transition entre la fin d’un mois et le suivant est devenue un chemin de croix. Cette France, le président l’a rencontrée dans son périple mais ne l’a pas entendue. Et pour cause, c’est à elle de s’adapter et d’accepter la vérité présidentielle.
Depuis le 17 novembre, elle lui répond: pouvoir d’achat et dignité. Comme réponse, le chef de l’exécutif s’est installé dans une posture qui traduit l’arrogance, le mépris et la démagogie.
Arrogance: je ne changerai pas de cap! Propos qui fait écho au fameux: je suis le seul responsable, qu’ils viennent me chercher!
Mépris parce que, face à l’anxiété et à la difficulté sociale pour faire la ‘’transition entre les deux bouts’’, il répond: transition énergétique et changement de pédagogie parce que le peuple n’a pas compris. Ce qui signifie qu’il possède la vérité…Bien sûr, celle de l’oligarchie financière. Sans oublier, fainéants, les riens…
Démagogie: illustrée par le « selfie » avec le braqueur, pour faire peuple…
Enfin, je ne peux taire le cynisme d’un président qui veut sauver la planète tout en participant à un crime contre l’humanité au Yémen et à la destruction d’un Etat souverain, la Syrie. Tout en fermant les yeux sur la violence sociale et militaire dont est victime le peuple palestinien, vivant sous le régime d’un apartheid. Mais là, l’auteur du crime est l’État d’Israël donc il faut se taire.
Quant à la Libye, le président avoue que l’Etat français « a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions? Des États faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes » (4). Mais pour autant il ne tire pas de leçon concernant la Syrie et le Yémen…Que conclure?
Quant aux députés de la République en marche, sans peur du ridicule, récitent les théories de la communication en utilisant « les éléments de langage » qui servent à travestir la réalité!
Alors que faire?
Tandis que le président, après avoir, tel un commandant de compagnie de CRS, partagé le repas avec ses hommes puis visité, à la dérobade et sous les huées, la préfecture de Puy-En-Velay, son premier ministre annonce la suspension puis la suppression de la hausse, entre autres, des taxes de carburants…Tout ça pour ça..!
Enfin, suite à la réforme des lycées, les élèves désertent les classes et bloquent les lycées. Les étudiants font de même…
Cela dit, je ne peux taire une intuition, la force du mouvement des Gilets Jaunes réside dans sa seule « légitime revendication » (5), débattue dans des assemblées, sans dirigeant au sens traditionnel du terme. Ce mouvement rend plus visible le mur idéologique dressé par l’oligarchie financière…
Mais quel est son devenir politique?
C’est chose aisée de trouver les mots pour dénoncer les violences physiques et les dégradations matérielles. Il n’en est pas de même concernant la violence économique et sociale que subit un peuple et dont l’auteure est une nouvelle féodalité, l’oligarchie financière. Une violence qui se traduit tout d’abord par une colère muette qu’opportunistes et politiciens récupèrent en faisant oublier qu’ils ont participé dans un passé encore présent à sa naissance.
Il faut tout d’abord démonter leurs discours politiques, puis démontrer les voies à suivre. D’où la difficulté…En effet, les problèmes graves et urgents qui se posent au peuple français exigent une vision à long terme, à même d’insuffler un élan d’espérance pour une émancipation collective. Le mouvement des Gilets Jaunes en est-il un des balbutiements?
Par Mohammad El Bachir
Source : Réseau international