La décision du président américain sortant Barack Obama de décapiter la branche d’Al-Qaïda en Syrie, le front al-Nosra, a mis la puce à l’oreille de certains observateurs, étonnés d’un tel revirement de position juste après la victoire de Donald Trump, et trois mois avant son départ prévu pour le mois de janvier prochain.
Surtout que les Américains n’ont eu de cesse de rejeter la proposition des Russes de séparer le front al-Nosra des autres milices en action, qualifiées de « modérées » par Washington et ses alliés, il est difficile de croire qu’ils veuillent leur donner raison et renoncer aux services ques les miliciens takfiristes leur procurent.
Le 11 novembre dernier, Obama avait ordonné au Pentagone de trouver et de liquider les chefs du groupe terroriste rebaptisé front Fateh al-Sham. La mise en exécution de cette décision impliquera « des ressources supplémentaires de reconnaissance », dont des drones.
Loin des raisons affichées d’une telle évolution, dont entre autre la crainte « qu’une partie de la Syrie ne devienne la base d’Al-Qaïda, à proximité de l’Europe méridionale », selon l’article du Washington Post, les réelles intentions d’Obama restent à scruter.
Il est certes bien clair qu’à travers cette décision Washington élargit son champ d’intervention en Syrie, avec le même prétexte : combattre le terrorisme. Sachant que le bastion du front al-Nosra se trouve la province d’Idleb presque totalement occupée depuis 2014. Sans compter d’autres poches syriennes où est signalée sa présence, notamment dans le sud syrien.
Cette décision intervient au moment même où les avions américains dans le cadre de la Coalition internationale commencent à intervenir régulièrement dans la province de Raqqa, avec pour motif l’éradication de Daesh. Dans les cas précédents, l’intervention américaine était plutôt intermittente.
À la lumière de cette perception, il fait croire que la décision d’Obama nourrit aussi le prétexte classique pour lequel l’intervention sera interminablement justifiée : en plus de la lutte contre Daesh, s’ajoute la lutte contre le front al-Nosra.
De même, une telle immixtion élargie anticipe la possibilité que le prochain locataire de la Maison blanche ne concède la scène syrienne à la Russie. Surtout que certains indices chez Donald Trump étayent une telle supposition.
C’est du moins l’avis de Yahia Dbouk, chroniqueur du journal libanais al-Akhbar, selon lequel la décision d’Obama ne constitue certainement pas de recul par rapport à sa stratégie initiale.
« Il s’agit d’une alternative modifiée… qui fait en sorte qu’Al-Qaïda reste en Syrie afin de l’utiliser comme moyen de pression plus efficace et plus crédible pour pousser le président syrien Bachar al-Assad à capituler de son plein gré », a-t-il écrit.
Dbouk s’est arrêté sur le fait que la décision concerne exclusivement les dirigeants du Nosra et en exclut ses membres.
« Avec le Nosra sans direction, ses éléments seront amenés à rejoindre les rangs d’autres groupuscules, qu’il sera impossible de prendre pour cible lorsque Trump accèdera au pouvoir », explique Dbouk. Et de conclure : « au lieu de réaliser la demande des Russes de séparer le Nosra des modérés, Obama tente de rallier le premier aux derniers ». En quelque sorte, il les sauve.
Dans la forme, Dbouk estime que la « solution créative préconisée par Obama » est sans doute de préserver Al-Qaïda en tant qu’individus et qu’effectifs efficaces dans la lutte contre le pouvoir syrien, tout en se targuant de l’avoir liquidé, car ayant éliminé ses dirigeants. Ce qui devrait servir entre autre à redorer le legs politique qu’il va laisser après son départ.
Un legs profondément éclaboussé par les enfreintes à ses promesses électorales de circonscrire les interventions américaines dans la monde.
La Syrie, l’Irak et la Libye en constituent un exemple flagrant.