Les forces syriennes ont annoncé avoir pris le contrôle de la province de Soueïda qui abrite la plus importante communauté druze du pays, après une opération militaire, qui a suivi des affrontements avec des factions locales druzes, qualifiées de « groupes de hors-la-loi ».
Les forces syriennes sont entrées dans la ville de Soueïda après des confrontations sanglantes qui ont causé la mort de dizaines de citoyens de la communauté des Druzes, ainsi que des membres de l’autorité affiliés à Damas.
Des affrontements avaient éclaté dimanche entre les groupes druzes et des tribus bédouines sunnites locales, dont les relations sont tendues depuis des décennies, et ont fait depuis une centaine de morts.
Les forces gouvernementales ont acheminé des renforts dans la région, disant vouloir y rétablir la sécurité.
Mais selon des témoins, des groupes druzes et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), les forces gouvernementales ont épaulé les combattants bédouins et ont pris lundi le contrôle de plusieurs localités qui étaient tenues par les druzes aux abords de Soueïda.
Exécutions, pillages et maisons brûlées
Les habitants de la ville, terrorisés, ont rapporté de nombreuses exactions depuis l’entrée des troupes gouvernementales et de leurs alliés : exécutions, pillages et maisons brûlées.
L’OSDH a affirmé que 12 civils druzes avaient été « exécutés » sur place mardi par les forces gouvernementales après la « prise d’assaut » d’une maison d’hôtes de la ville.
Une vidéo non authentifiée circulant sur les réseaux sociaux montrait au moins 10 personnes en civil couvertes de sang à l’intérieur de la maison d’hôtes, certaines allongées au sol. Des photos de cheikhs druzes et des meubles vandalisés étaient éparpillés autour d’elles.
« Les forces gouvernementales sont entrées dans la ville sous prétexte de rétablir la sécurité (…) mais malheureusement elles se sont livrées à des pratiques sauvages », a affirmé à l’AFP Rayan Maarouf, rédacteur en chef du site local Suwayda 24, parlant de « dizaines » de civils tués.
Cheikh al-Hejri fustige « une campagne barbare »
Mardi, à la suite de contacts entre les autorités et les notables de Soueïda, le ministère de la Défense a proclamé un cessez-le-feu et annoncé l’entrée des troupes dans la ville même.
Jusque-là, Soueïda, qui compte quelque 150.000 habitants, était tenue par des combattants de plusieurs factions druzes.
Les principaux chefs religieux druzes, au nombre de trois et dont les positions sont parfois divergentes, avaient appelé en matinée les combattants à ne pas opposer de résistance et à remettre leurs armes.
Mais l’un d’eux, l’influent cheikh Hikmat al-Hejri, a par la suite fait volte-face, lorsque les forces gouvernementales n’ont pas respecté leur promesse d’entrer pacifiquement à Soueïda. Il a appelé les combattants à « faire face à la campagne barbare » des forces de sécurité.
Les conditions des groupes druzes à Damas
Les nouvelles autorités islamistes, qui ont pris le pouvoir après avoir renversé Bachar al-Assad en décembre, avaient exigé la dissolution de tous les groupes armés et leur intégration au sein des forces du ministère de la Défense.
Les deux groupes armés druzes les plus importants, le Mouvement des hommes de la dignité et la Brigade de la Montagne, formés pendant la guerre en Syrie (2011-2024) pour garder leur bastion de Soueïda à l’écart des combats avaient annoncé en janvier être prêts à se plier à la décision des nouvelles autorités de s’intégrer au sein des forces armées.
Ils avaient cependant demandé à « constituer une entité militaire et sécuritaire formée des fils de Soueïda » qui contrôlerait la ville sous l’égide des autorités.
« L’Etat a tardé à appliquer l’accord », a affirmé à l’AFP le porte-parole du Mouvement des hommes de la dignité, Bassem Fakhr.
Tentatives israéliennes pour rallier les druzes
Les druzes sont estimés à environ 700.000 en Syrie, soit environ 3% de la population. Cette communauté ésotérique issue d’une branche de l’islam est considérée avec méfiance par le courant extrémiste sunnite dont sont issues les nouvelles autorités dirigées par Ahmad al-Charaa, précise l’AFP.
Depuis la chute de Bachar al-Assad, Israël, par l’entremise des figures de cette communauté qui y vivent, a multiplié les gestes d’ouverture entre les druzes syriens.
Il leur a envoyé des colis humanitaires et autorise des délégations de dignitaires religieux à se rendre en Israël en pèlerinage, malgré l’état de guerre entre les deux pays.
En mars, Israël a argué vouloir défendre les druzes à la suite d’escarmouches dans la banlieue de Damas mais ces propos avaient été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie.
Raids israéliens: 5 tués parmi les forces de sécurité
Depuis lundi, l’aviation israélienne bombarde des positions des forces syriennes dans la région de Soueïda et à Deraa. « Nous ne permettrons pas que du mal soit fait aux druzes en Syrie. Israël ne restera pas les bras croisés », a argué le ministre israélien de la Défense, Israël Katz.
Raids israéliens sur le siège de la 12e Brigade de l’armée syrienne à Deraa
10 raids ont été perpétrés, dont un raid à l’entrée ouest de la ville de Soueïda, selon la télévision syrienne. Certains raids ont détruits de véhicules, des chars et des pièces d’artillerie mobiles des forces du régime ainsi que les voie de leur acheminement, selon le porte-parole de l’armée israélienne. 5 élements des forces de sécurité internes syriennes auraient péri.
« Nous agissons pour empêcher le régime syrien de leur nuire (aux druzes, ndlr) et pour garantir la démilitarisation de la zone adjacente à notre frontière avec la Syrie », ont déclaré conjointement mardi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ministre de la Défense.
Selon les médias israéliens, des druzes vivant en « Israël » ont bloqué ce mardi des routes menaçant de se retirer de l’armée israélienne en raison des évènements en Syrie.
Le porte-parole de l’armée israélienne a indiqué que « des dizaines de citoyens israéliens ont franchi la barrière frontalière avec la Syrie depuis la région de Majdal Chams », assurant que l’armée œuvre pour les ramener.
Ces « citoyens » sont de druzes et ils étaient armés, selon le média israélien Israel Hayom.
Liban : mettre fin à l’humiliation des minorités
Au Liban, le guide spirituel de la communauté druze le Cheikh Aql Nasreddine al-Gharib, a condamné les crimes commis contre les habitants de Soueïda.
Gharib a mis en cause l’absence de l’État, rappelant les symboles de la Grande Révolution syrienne, notamment le Sultan Pacha al-Atrash, face aux terroristes engagés par les États-Unis et Israël.
Il a souligné que les attaques contre les mosquées et les églises, et peut-être plus tard contre Khalwat, constituent une atteinte systématique à l’identité et à l’histoire de la résistance syrienne. Il a appelé à la fin de l’humiliation des minorités arabes et à une position nationale unifiée pour protéger le pays de la fragmentation et du déclin.
De son côté, le dirigeant druze et ancien chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, a annoncé avoir été informé d’un accord visant à retirer l’armée syrienne et à transférer la sécurité aux entrées du gouvernorat de Soueïda.
Il a appelé la population de Soueïda à se méfier des incitations israéliennes et de leurs tentatives de semer la discorde, soulignant la nécessité d’une solution politique, garantie par l’État syrien.
Joumblatt a insisté sur la nécessité de se réconcilier avec les tribus bédouines et de remettre les armes dans le cadre d’un règlement global.
Source: Divers