Les nouvelles autorités syriennes ignorent les massacres et les violations commis contre les civils, tout en s’abstenant de contrôler les factions extrémistes qui sévissent en Syrie contre les minorités.
Plus de 8.000 Syriens ont perdu la vie au cours des sept derniers mois, suite à la chute du régime de Bachar el-Assad et à la dissolution des forces de sécurité et de police, ainsi que de l’armée, par le nouveau gouvernement d’Ahmad al-Charaa (ex Abou Mohamad al-Joulani), selon le quotidien libanais al-Akhbar.
Les chiffres avancés par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) font état de « 517 citoyens alaouites tués depuis les massacres de mars 2025 » qui ont coûté la vie à plus de 2000 alaouites dans le littoral syrien. « Des crimes impunis sur fond de déni officiel et de complicité des médias », selon cette ONG qui siège au Royaume-Uni.
Brigades des Ansar al-sunna
Cette situation d’une précarité sécuritaire sans précédent, est accompagnée par la montée en puissance de factions extrémistes qui ont acquis une influence considérable, leur permettant de commettre des massacres en toute impunité, parfois motivées par la vengeance, d’autres purement sectaires.
Elles commettent des enlèvements continus (notamment de femmes), des assassinats quotidiens, des déplacements de la population et un changement démographique visantprincipalement la communauté alaouite, dans le littoral syrien où réside sa majeure partie, ainsi qu’à Homs et Hama.
Ces horreurs sont revendiquées ouvertement par l’un des groupuscules qui se sont formés après l’annonce de la dissolution de Hayat Tahrir al-Sham, ex-front al-Nosra, branche armée d’Al-Qaïda, une fois ayant conquis le pouvoir. Saraya Ansar al-Sounna (SAS), (Brigades des partisans de la sounna), prône ouvertement les massacres des minorités ou leur expulsion. C’est ce groupe qui a revendiqué l’attaque contre la chapelle Mar Elias à Damas.
Des crimes sectaires et des assassinats
Mercredi, pour la première fois depuis la chute de Bachar al-Assad, un religieux chiite a été tué. Rassoul Chahoud a été retrouvé mort d’une balle à proximité de la ville de Homs, a révélé l’OSDH.
Toujours à Homs, un citoyen syrien, Nabil Khadour et son épouse ont été tués après avoir porté plainte auprès des services de sécurité pour le vol de leur maison, ont rapporté les médias.
« Le mois de juin a été sanguinaire en Syrie », fait remarquer l’OSDH qui a recensé 105 victimes, dont 33 à Homs, 24 à Hama, et 16 à Lattaquié.
Selon cette ONG « la nature des crimes et des assassinats ciblés laisse présager une dangereuse escalade des assassinats politiques et sectaires, impliquant des groupes affiliés aux services de sécurité et d’autres groupes armés locaux aux liens suspects ».
« L’utilisation fréquente de motos et d’armes silencieuses a également été observée, tout comme des enlèvements et des opérations de torture se terminant par des exécutions, témoignant d’un haut degré d’organisation et de préméditation », précise l’OSDH.
En marge des crimes sectaires, l’ONG constate aussi une hausse importante des crimes en général. Ils sont commis pour diverses raisons : divergences familiales, tribales, par vengeance…
Elle a recensé 10 assassinats le 9 juillet dans plusieurs régions syriennes. Dont celui d’un entrepreneur de puits de pétrole, retrouvé sans vie trois jours après son enlèvement à Deir Ezzor et d’un druze dans le village de Aarna à Jabal al-Cheikh dans la province de Damas.
Kidnappings de femmes alaouites et impunité
A Tartous, sur le littoral syrien, les habitants ont été surpris d’apprendre la libération d’un homme qui avait kidnappé une jeune femme, rapporte al-Akhbar.
Alors que l’agence Reuters a recensé des dizaines de cas de kidnappings de femmes alaouites et chrétiennes, le membre du Comité tripartite pour la Paix civile Anis Aayrout a lancé des déclarations controversées jurant par Dieu pendant une interview télévisée qu’il n’y avait pas d’opérations d’enlèvement dans le littoral syrien où vit la majorité de la communauté alaouite à laquelle appartenait l’ex-président syrien.
L’ONG Amnesty International a incité les autorités syriennes à publier les résultats complets de leurs enquêtes sur les massacres du littoral et à veiller à ce que les responsables soient tenus de rendre des comptes.
Expulsions et changement démographique
En même temps, les campagnes d’expulsion de cette communauté battent leur plein. Le village Arzé dans la province de Hama a été vidé de ses habitants alaouites et son nom a été changé pour devenir New Khattab.
Dans la province de Lattaquié, où sont installés des miliciens armés étrangers, ces derniers sèment la terreur et imposent des couvre-feux faisant fuir les habitants des villages et localités où sont réinstallés de nouvelles familles dans le cadre d’un changement démographique qui ne cache pas son nom.
Confiscation des terres agricoles
Dans le gouvernorat de Hama, les habitants du village Maan ont été contraints par la force de signer un accord d’investissement avec une société agricole inconnue baptisée « Iktifaa » qui dit être affiliée au gouvernement. Selon l’OSDH, en fonction de cet accord, ils ont dû concéder entre autres 40% de leurs terres agricoles plantées de pistachiers.
Les éléments des factions armées réclament leur part de ces terres qui ont été offertes aux miliciens étrangers.
Arrêtés, pour avoir éteint les incendies
Alors que les incendies ravagent depuis le 30 juin les forêts principalement dans les gouvernorats de Lattaquié et de Tartous, sans que les 80 équipes des pompiers ne parviennent à les circonscrire, des sources locales ont révélé que les forces de sécurité ont arrêté des jeunes qui s’étaient portés volontaires pour éteindre le feu dans la région al-Haffa. Ils ont été accusés « sans preuve », selon l’OSDH, de vouloir allumer le feu. « Les habitants assurent que leur arrestation a été motivée par l’appartenance sectaire, d’autant plus que certaines des personnes arrêtées sont des Alaouites », rapporte-t-elle.
D’autres jeunes qui se rendaient pour le même motif vers une autre forêt située à proximité de la région Cheikh Houssamo ont été contraints de battre en retraite après des menaces.
SAS : Des incendies contre « les Alaouites et les apostats »
Ces incendies qui ont consumé 180 km2, l’équivalent plus de 4 % de la superficie totale des forêts au cours des trois premiers jours seulement, constitue « la catastrophe environnementale la plus violente de l’histoire contemporaine de la Syrie », a déploré le réseau syrien des droits de l’homme.
Les Brigades des partisans de la Sounna (SAS) ont revendiqué la responsabilité des feux dans certaines régions assurant qu’ils visent à se débarrasser « des Alaouites et des apostats ».
Alors que des incendies se sont déclarés au début de manière intensive dans des zones considérées comme sunnites, à savoir les villages turkmènes, certains cas d’incendies délibérés ont été enregistrés dans des zones éloignées des foyers d’incendie, selon al-Akhbar. De nombreux habitants des villages ont fui leurs maisons. Leur retour apres l’extinction du feu n’est pas garanti.
La Fondation Dabiq News a rapporté que « les combattants d’Ansar al-Sunna ont brûlé les forêts de Qastal dans la campagne de Lattaquié le 8 Muharram (3 juillet) », ajoutant que les incendies se sont propagés à d’autres zones, « entraînant le déplacement des Nusayris (Alaouites) de leurs maisons, et un certain nombre d’entre eux souffrant d’asphyxie ».
Source: Divers