La levée des sanctions américaines contre la Syrie par Donald Trump représente un tournant, mais il reste plusieurs obstacles avant que l’économie ne puisse se remettre des années d’isolement et de guerre.
Selon Jihad Yazigi, directeur du site économique en ligne « The Syria Report », « les sanctions américaines étaient les plus contraignantes » parmi toutes les sanctions occidentales.
Leur levée représente donc « un signal politique très fort : cela signifie simplement que tout le monde peut à nouveau collaborer avec la Syrie, que nous repartons de zéro, ce qui est crucial », explique-t-il à l’AFP.
Il ajoute que « l’effet immédiat le plus visible sera la facilitation des transferts d’argent en provenance des pays du Golfe, ainsi que des aides au développement en général ».
Mais l’économiste politique Karam Shaar explique que « les procédures de levée des sanctions sont longues et complexes, même en présence d’une volonté politique ».
« Il faudra plusieurs mois pour lever ces sanctions, car il s’agit aussi de textes législatifs punitifs ; certaines sanctions relèvent de lois, et non simplement de décrets exécutifs. »
Concernant la « loi César », il rappelle que « le président peut suspendre les sanctions, mais ne peut pas les abroger sans un vote du Congrès ».
Après la levée des sanctions, M. Yazigi affirme qu’ »on peut commencer à réfléchir et à planifier une reconstruction à plus grande échelle », mais que « la levée des sanctions seule ne suffit pas ».
Des décrets et des lois
A la question de savoir si le président américain peut lever toutes les sanctions, un rapport du site web américain Al-Monitor répond en affirmant qu’« au moins huit sanctions imposées à la Syrie découlent de décrets exécutifs que Trump peut révoquer unilatéralement, tandis que d’autres, notamment celles liées au Caesar Syria Civilian Protection Act de 2019 (loi César), sont juridiquement contraignantes et nécessitent donc une action du Congrès pour les abroger ».
Le site Web ajoute que les États-Unis ont également désigné le gouvernement syrien comme un « État soutenant le terrorisme » depuis 1979, ce qui « interdit l’aide étrangère américaine, ainsi que les ventes d’armes, à la Syrie ».
« Le retrait de la Syrie de la liste des États soutenant le terrorisme nécessite des actions de la part du pouvoir exécutif et du Congrès, y compris l’approbation présidentielle, un rapport au Congrès et un examen par le Congrès ».
Selon ce média, l’abrogation de la loi César « pourrait être cruciale pour la reconstruction de la Syrie, car elle impose des sanctions secondaires aux individus ou entités américains et non américains impliqués dans des activités financières liées à la reconstruction de la Syrie ou avec des individus et organisations associés au régime de Bachar al-Assad. »
Sanctions contre la Banque centrale
Matthew Levitt, expert politique au Washington Institute for Near East Policy, a déclaré que les sanctions visant la Syrie dans son ensemble, plutôt que les individus et entités syriens, « sont les plus importantes ».
Levitt a ajouté à Al-Monitor : « Les sanctions les plus importantes sont certainement celles au niveau de l’État, principalement les sanctions César et la désignation d’État sponsor du terrorisme. »
Selon lui, les États-Unis « ne peuvent pas soutenir l’obtention par la Syrie de prêts auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international tant que la désignation de la Syrie comme État soutenant le terrorisme reste en vigueur », ajoutant que « la levée des sanctions contre la Banque centrale est importante en raison des efforts de Damas pour établir un nouveau système bancaire ».
L’ONU estime à plus de 400 milliards de dollars le coût de la reconstruction après 14 années de guerre.
Selon Jihad Yazigi, il faudra aussi « mobiliser les fonds nécessaires pour soutenir ce processus », en particulier en provenance des pays du Golfe et de l’Europe.
Des pays arabes et occidentaux se sont engagés à contribuer à la reconstruction lors d’une conférence organisée à Paris en février dernier.
Les pays européens ont commencé par assouplir certaines sanctions, mais ils ont conditionné toute avancée supplémentaire à une évaluation des accomplissements du nouveau pouvoir syrien dans des domaines tels que la lutte contre « le terrorisme », le respect des droits humains et la protection des minorités.
À ce jour, seuls 1,87 million de déplacés syriens sont retournés dans leurs régions d’origine, selon l’ONU, qui indique que « le manque d’opportunités économiques et de services de base constitue le principal obstacle au retour des Syriens ».
Source: Avec AFP