Concluant son tour d’horizon bien détaillé sur les différentes étapes que le dossier de la démarcation des frontières maritimes entre le Liban et la Palestine occupée a traversées, le numéro un du Hezbollah en a déduit que la menace de guerre de la Résistance, la position ferme de l’Etat libanais pendant les négociations et celle que le peuple libanais a exprimée derrière ces deux derniers ont été des facteurs décisifs pour que le Liban obtienne ses droits dans ses eaux territoriales et celui d’explorer ses gisements offshore d’hydrocarbures.
Il a réitéré sa menace qu’il a proférée plusieurs fois dans ses précédents discours, avant la conclusion le vendredi 28 octobre de l’accord avec l’entité sioniste sur la démarcation des frontières maritimes entre le Liban et la Palestine occupée, après plusieurs mois de négociations accélérées avec la médiation américaine d’Amos Hochstein : « au cas où le Liban est interdit d’explorer son pétrole et son gaz personne ne pourra le faire. Ce sera le titre de la prochaine étape », a-t-il dit.
Il a aussi indiqué pour la première fois que le Liban a bel et bien frôle « la gueule de la guerre », précisant à quel moment ceci a eu lieu.
« « « « « « «
Au début de son discours télévisé de ce samedi 29 octobre, consacré spécifiquement à ce dossier, avec pour slogan « La Résistance, garante des droits et de la souveraineté », sayed Hassan Nasrallah a rappelé qu’au début du XXème siècle, vers 1923, la tutelle française et britannique sur la région s’était contentée de délimiter les frontières terrestres. Et ce n’est qu’avec l’annonce de la présence d’hydrocarbures offshore en Méditerranée, surtout au large du Liban, à partir de l’an 2000, que le besoin s’est pressenti pour une démarcation maritime.
Après avoir expliqué que les zones maritimes sont départagées en trois : « les eaux territoriales, les eaux adjacentes et la Zone économique exclusive », il a indiqué carte à l’appui que la position officielle du Liban a été unanime pour adopter la ligne 23, et refuser la ligne 1 démarquée avec Chypres. Faisant remarquer que l’entité sioniste est longtemps restée attachée à cette dernière ligne laquelle « confisque quelque 860 km2 de sa ZEE, selon certaines estimations, voire même 879 selon d’autres, auxquelles nous adhérons davantage au sein du Hezbollah ». Il aura plusieurs fois recours aux cartes pour expliquer sa lecture de ce dossier.
« L’ennemi sioniste a empêché les entreprises venues effectuer leur investigation. Il a annoncé que cette zone lui appartenait et a tracé la ligne n°1… l’ennemi a pris le contrôle de la zone et des blocs frontaliers, et a affirmé qu’ils se trouvaient à l’intérieur de ses frontières maritimes. Et puis il a tracé les blocs de la base de la ligne 1 ».
Il a ajouté que les Américains aussi mis en garde le Liban lui interdisant toute activité d’exploration et d’extraction.
Luttez pour la ligne 29 … sans accusations
Rappelant que la Résistance est en dehors de toute discussion sur le tracé des frontières qui relève exclusivement de la responsabilité de l’Etat libanais, il a souligné que si ce dernier avait adopté la ligne 29 (désignée ultérieurement dans une étude de l’armée libanaise), la Résistance se serait considérée concernée de la défendre et de lutter pour elle.
S’adressant à ceux qui ont contesté la conclusion de l’accord sur la démarcation des frontières maritimes, au motif qu’il renonce à la ligne 29, il leur a fait remarquer « qu’ils auraient dû la réclamer à partir de 2011, lorsque le décret gouvernemental a été promulgué et tenter d’en persuader depuis le gouvernement libanais ».
Il les a appelés à « poursuivre leur lutte pour établir la ligne 29 , sans accuser les autres de trahison et sans insultes , assurant que « s’ils parviennent à changer les convictions de l’Etat, ceci va se répercuter sur l’accord de démarcation. »
De Berri à Aoun… de Hoff à Hochstein… la Résistance et les changements internationaux
Sayed Nasrallah a rappelé le processus politique qui a escorté ce dossier :
« Entre 2009 et 2011, un accord tacite entre les Présidents (de l’exécutif et du législatif) a confié au président du Parlement Nabih Berri de poursuivre ce dossier… Il avait déclaré qu’il ne renoncera même pas à un verre d’eau libanaise et il a été honnête… C’est à cette époque que le premier médiateur américain Hoff est intervenu et a proposé son tracé entre la ligne 1 réclamée par l’ennemi et la 23 réclamée par le Liban, accordant 45% de la superficie à l’ennemi et 55% au Liban. »
Rappelant que sa proposition a été rejetée catégoriquement par le Liban officiel, il a signalé qu’à partir de l’annonce de l’accord-cadre, en septembre 2020, officialisant la formation de délégation libanaise et des autres délégations (américaine et israélienne, ndlr) pour entamer les négociations indirectes, le dossier a été transféré au chef de l’Etat Michel Aoun qui l’a aussi traité avec autant de fiabilité, selon lui.
Et sayed Nasrallah de poursuivre : « avec le changement de l’administration américaine, Hochstein (Amos) a été désigné et il a suggéré une proposition plus avancée que celle de Hoff sans acquiescer les demandes libanaises. Mais c’est à ce moment-là que les changements dans la région et dans le monde sont intervenus… En même temps est arrivée la plateforme (Energean, ndlr) de Karish pour entamer l’extraction du gaz et du pétrole. Le résumé des communiqués des Présidents (chefs de l’exécutif et du législatif libanais) en concluaient que le début de l’extraction constitue une agression contre le Liban car dans une zone contestée ».
« Compte tenu de la position officielle, la Résistance a annoncé qu’elle ne permettra pas à l’ennemi d’extraire son pétrole et son gaz du champ Karish avant de parvenir à un accord dans les négociations indirectes et d’acquiescer les demandes libanaises », a-t-il poursuivi.
((
Pressions de l’Etat et de la Résistance… et la guerre en Ukraine
Selon sayed Nasrallah « la position libanaise officielle unifiée et ferme et la menace retentissante de la résistance ont placé « Israël » sous une pression pesante … L’entité était face à deux choix : soit elle s’obstine à extraire (son gaz), ce qui en découlerait une confrontation qui pourrait glisser vers la guerre, ou elle arrête et élimine définitivement Karish. Ceci était difficile pour eux (les responsables israéliens) et représentait une humiliation. Ils n’ont pas la capacité d’aller en guerre ni d’éliminer Karish définitivement. Raison pour laquelle ils ont décidé d’aller vers les négociations »
Il a en outre jugé que « les Américains aussi sont sous pression car ils ont une priorité qui s’appelle la guerre entre la Russie et l’Ukraine et ils ne peuvent supporter une seconde guerre ».
« Cette nouveauté a poussé le médiateur américain à revenir au Liban et dans la région ».
L’impasse et les drones… Qana entre la 23 et la 29
Le chef de la résistance a par ailleurs révélé que les tractations se heurtaient parfois à une impasse et « nous étions sur le point d’aller en guerre ».
« Nous avons alors envoyé nos drones et les données sur le terrain illustraient parfaitement que la résistance se préparait à la guerre et les Israéliens en étaient bien conscients ».
Selon sayed, le Liban a obtenu en dépit des pressions la ligne 23 et tous les blocs voire même plus « le Liban a obtenu la libération de cette zone et la liberté d’action de sorte que les compagnies peuvent s’y rendre et entamer le travail ».
Faisant remarquer aussi que les deux tiers du champ Qana se situe dans les eaux territoriales inclus dans la ligne 23 alors que le dernier tiers se trouve entre cette dernière et la 29, ce qui constitue selon lui un exploit de plus.
L’exploit grâce à la menace de guerre et à la fermeté officielle: la Résistance n’est pas dissuadée
Il a terminé son discours en affirmant que “la menace de guerre a été un facteur décisif et l’une des causes qui ont permis de réaliser cet exploit. « Nous étions sur le point d’en arriver à la guerre mais les Israéliens se sont rétractés… Le Liban, dans tout cela, a fait preuve de courage de force et de sagesse. Il a utilisé la fermeté officielle et la puissance de la résistance et n’a pas eu peur des menaces américaines et israéliennes ».
Il a fait remarquer que pour les Israéliens, la position de la résistance a été surprenant. « Ce que les Libanais devraient bien savoir… ils croyaient que le Hezbollah était dissuadé depuis la guerre 2006. Et ils comptaient sur la situation économique et les divisions internes pour empêcher la résistance d’aller vers le choix de la force ».
« L’ennemi était sceptique mais il a fini par croire lorsque les drones ont été lancés et lorsqu’il a vu les préparatifs sur le terrain … il a fini par comprendre que la résistance n’est pas dissuadée ».
S’adressant à l’ennemi israélien il a dit : « tu te trompes lorsque tu t’imagines que la résistance est dissuadée. Elle aspire au bien-être des Libanais et de tous ceux qui vivent au Liban et de ses installations, et elle se comporte avec fermeté et sagesse. Mais lorsque les intérêts nationaux suprêmes exigent qu’il faille passer outre des lignes de confrontation, elle n’hésitera jamais même si cela aboutira à une guerre ».
Réclamant » un suivi sérieux, car le Liban a perdu beaucoup de temps, et un suivi des questions juridiques et du fonds souverain », il a assuré que « celui qui a pu imposer à l’ennemi et aux USA pour que les choses en arrivent à ce stade-là est celui qui en est le garant véridique : c’est la position officielle, le peuple et la résistance qui sont la garantie. L’équation est toujours la même ».
Les rôles de la résistance palestinienne et du peuple libanais
Selon Sayed Nasrallah « la résistance palestinienne en Cisjordanie a aussi contribué à cet exploit naval, car la moitié de l’armée israélienne est en Cisjordanie et n’est pas en mesure de combattre sur le front du Liban ».
De même pour le peuple libanais : « la volonté du peuple libanais d’aller avec l’État et la résistance vers les options les plus extrêmes a été un facteur important pour parvenir à l’achèvement de la démarcation maritime… en raison de la crise économique, le peuple libanais s’est dit qu’il n’a plus rien à perdre. Autant aller jusqu’au bout ».
« La fermeté officielle, la solidarité des Présidents (de l’exécutif et du législatif), la précision qu’ils ont observée pour ne pas aller vers la normalisation, la volonté de la résistance et l’envoi de drones à Karish, et le soutien populaire à la position de l’État et de la résistance, tous constituent des atouts de force dans la réalisation de cet exploit ».
Il a spécifiquement salué « la ténacité de l’environnement (populaire) de la résistance, car si nous étions allés à la guerre, c’est lui qui aurait reçu les coups de la part de l’ennemi. (Cette ténacité) a formé un point fort pour faire pression sur le dossier des négociations ».
Le Liban a frôlé « la gueule de la guerre »
Et de poursuivre sur l’importance de la menace de guerre :
« La menace de guerre était un facteur de force parmi ces facteurs qui ont été complémentaires et qui ont conduit à l’achèvement du dossier de démarcation… l’ennemi savait que la menace de la résistance d’entrer en guerre était sérieuse. Tout le monde devrait savoir que le Liban a atteint la gueule » de la guerre, mais n’y est pas entré…
Et de préciser quand :
« Nous avons presque atteint la guerre lorsque l’ennemi a annoncé l’extraction d’essai (le mois dernier, ndlr). Mais l’ennemi a été contraint de la transformer en pompage de la plage vers Karish ».
Selon lui « si la guerre s’était produite, elle aurait pu se transformer en une guerre régionale à laquelle auraient participé la Palestine, le Yémen et le reste des forces de l’axe de la résistance. Ceci aussi faisait partie des éléments qui ont profité au Liban ».
Et de conclure : « le Liban a agi dans le dossier des négociations de démarcation maritime avec force, courage et la sagesse. Le Liban a été fort en ne cédant pas aux menaces américaines et israéliennes, il a été courageux en menaçant d’entrer en guerre et sage dans la gestion des négociations et des médias et du processus politique ».
Si, la résistance donne du pain
Sayed Nasrallah a clôturé son discours par un mot frappant à travers lequel il répondait au slogan que les détracteurs de la Résistance au Liban ne cessaient de répéter en boucle dans leur campagne de diffamation contre le Hezbollah, et selon lesquels la résistance ne donne pas de pain à manger ». Expression qui lui renie sa contribution dans le processus économique au Liban qui souffre d’une crise sans précédent depuis le 19ème siècle selon la Banque Mondiale.
« Finalement, si la résistance donne du pain à manger », a-t-il taclé, avec un sourire taquineur.
Source: Al-Manar