Le journaliste, écrivain et ex-député européen italien Corrado Augias a rendu ce lundi 14 décembre sa Légion d’honneur à l’ambassadeur de France à Rome, en signe de protestation à celle accordée au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, qu’il juge « complice de comportements criminels ».
« L’ambassadeur a dit qu’il comprend mon geste mais qu’il ne le partage pas, que la France sera toujours en première ligne pour la défense des droits humains », a-t-il déclaré à la presse devant l’ambassade de France, dans le centre de la capitale italienne.
Le président français Emmanuel Macron a remis il y a une semaine la grand-croix de la Légion d’honneur à son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, qui se trouvait en visite officielle en France. Cette décision a suscité des réactions outrées sur les réseaux sociaux en raison de la répression des droits humains exercée en Egypte, selon les ONG humanitaires.
« Le président Sissi, qui a une position au minimum ambigüe, aurait pu être reçu avec tous les honneurs d’Etat (…) mais sans cette distinction. Sissi est objectivement complice, en tant que chef de l’Etat, des comportements criminels commis par ses subordonnés », a ajouté M. Augias.
Le torchon brûle entre Le Caire et Rome, l’Italie accusant régulièrement les autorités égyptiennes de ne pas coopérer, voire d’orienter les enquêteurs italiens sur de fausses pistes dans l’affaire Regeni.
En janvier 2016, Giulio Regeni, 28 ans, un étudiant italien, avait été enlevé par des inconnus et son corps retrouvé torturé et atrocement mutilé quelques jours plus tard dans la banlieue du Caire.
Exaspérée, l’Italie avait même rappelé temporairement son ambassadeur. Désormais, elle s’apprête à juger quatre officiers égyptiens, dont un général.
« Merci à Corrado Augias d’avoir décidé de restituer la Légion d’honneur, parce que la même distinction a été attribuée à Sissi », ont réagi dimanche soir Paola et Claudio Regeni, les parents de Giulio, après une lettre ouverte de M. Augias annonçant sa décision. « L’exemple de M. Augias est d’une formidable cohérence et d’un grand soutien pour la cause des droits humains », ont-ils estimé.
Roberto Fico, président de la Chambre des députés, a lui aussi salué le geste de l’intellectuel.
« L’Europe doit être unie et solidaire, jamais égoïste, surtout quand les droits fondamentaux sont en jeu, dont le respect représente la base de notre rester ensemble », a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Selon le site de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur, les étrangers peuvent être décorés s’ils ont « rendu des services » à la France, « encouragé des causes qu’elle défend » comme la défense des droits de l’Homme, ou dans le cadre de visites d’Etat « au titre de la réciprocité diplomatique » et afin de soutenir « la politique étrangère de la France ».
En 2016, le président français François Hollande avait décoré de la légion d’honneur Mohammed ben Nayef, prince héritier d’Arabie saoudite.
En 2001, le président syrien Bachar al-Assad avait lui aussi était décoré de la Légion d’honneur par le président Jacques Chirac, un an après son accession au pouvoir à la mort de son père Havez al-Assad. Il l’a rendu en avril 2018, après la participation de Paris aux frappes contre la Syrie en avril 2018. Quelques jours auparavant, M. Macron avait engagé une procédure de son retrait en raison de la guerre dans ce pays depuis 2011.
Source: Avec AFP