En mai 2020, aura lieu «Defender-Europe», soit les plus grandes manœuvres de l’Otan sous l’égide des États-Unis depuis 25 ans. Le secrétaire général de l’Otan a affirmé que la cible n’était pas la Russie, mais du côté de Moscou, on a du mal à y croire et on y voit plutôt un prétexte à des concentrations de troupes inquiétantes. Explications.
«Une armée, c’est comme une équipe de rugby, ça doit s’entraîner», explique l’Amiral (2 S) Alain Coldefy à Sputnik France.
Comme à chaque fois que l’Otan annonce la tenue de manœuvres d’envergure, les esprits s’échauffent à la frontière Est de l’alliance. Prévu aux mois de mai et juin 2020, l’opération «Defender-Europe» sera le plus grand exercice militaire annuel de l’Otan. En effet, quelque 20.000 soldats américains traverseront l’Atlantique pour venir s’ajouter aux 18.000 soldats européens engagés dans ces manœuvres.
Ce transfert de soldats américains en Europe représente le plus gros transfert de ce type depuis la fin de la Guerre froide. À cela s’ajoute un transfert de matériel qui atteint des niveaux inégalés depuis plus de 25 ans. Cet exercice inquiète du côté de Moscou, qui interprète cet exercice comme une préparation contre une possible menace russe.
«“Defender” se traduit par “défenseur”. Défendre contre qui? Ils disent qu’ils ne vont pas se défendre contre la Russie, mais contre un “ennemi comparable”. Comparable en termes de capacités militaires de l’Otan. Il est cependant difficile de trouver l’objet de cet effort qui réponde au critère de comparabilité», a expliqué Sergueï Lavrov lors d’une rencontre avec les journalistes du quotidien russe Rossiskaïa Gazeta.
Pourtant, selon Jens Stoltenberg, la Russie n’a pas de raison de s’inquiéter outre mesure: «L’Otan est une alliance défensive et il s’agit d’un exercice défensif. Nous ne cherchons pas la confrontation avec la Russie, mais la réalité est que de récentes activités de ce pays ont réduit la stabilité et la sécurité», a affirmé le secrétaire général de l’Otan, à l’AFP, le 3 février dernier. Il ajoute que «cet exercice n’est dirigé contre aucun pays en particulier et doit démontrer la capacité à déployer rapidement des forces américaines en Europe pour aider à la protection des alliés de l’Otan, en cas de nécessité». Circulez, il n’y a rien à voir.
La pilule reste tout de même difficile à avaler pour le ministre des Affaires étrangères russe, car le fait est qu’il n’y a aucune autre force comparable à celle déployée par l’Otan en Europe qui pourrait justifier un tel exercice.
«Si on regarde les données officielles –pas les nôtres, mais étrangères–, en termes de dépenses militaires et équipements militaires, sur quasiment tous les types, les membres européens de l’Otan, sans prendre en compte des chiffres américains, dépassent déjà de deux fois nos forces armées. C’est une chose très parlante. Où ont-ils donc trouvé un ennemi comparable? Je ne sais pas», ajoute Sergueï Lavrov.
Néanmoins, certains tendent à tempérer la menace que représente «Defender-Europe» pour la Russie.
Un petit exercice par rapport à ceux qui ont eu lieu en Russie
Interrogé au micro de Sputnik France, l’amiral Alain Coldefy, ancien inspecteur général des armées, relativise la taille de ces exercices de l’Otan, en particulier en comparaison avec ceux menés par la Russie, notamment «Tsentr-2019».
«38.000 soldats pour un exercice de l’Otan, c’est tout de même 90.000 soldats de moins que le dernier exercice russe “Tsentr-2019”, qui cumulait 128.000 soldats en tout. Au final, ce n’est pas grand-chose», explique l’Amiral, avant d’ajouter «l’Otan est une alliance politique et militaire.
Pour qu’elle fonctionne, il faut qu’elle s’entraîne, et il est normal qu’à intervalles réguliers, il y ait des exercices de ce type. Le déploiement de 20.000 soldats américains n’est d’ailleurs pas grand-chose à l’échelle de l’armée américaine et de ses capacités.»
Source: Sputnik