La hausse des cas de suicide dans les rangs des soldats israéliens démobilisés, une fois de retour à la vie normale inquiète. Selon les médias israéliens, les suicides dans l’armée d’occupation sont passé de 17 cas en 2023, à 21 en 2024 et à 16 nouveaux cas jusqu’à la mi-2025.
Le dernier a tenté de mettre fin à ses jours lors d’un entraînement dans le sud de la Palestine occupée.
Des experts israéliens cherchent à en décrypter les causes.
6 000 demandes d’aide en un mois
Dans un rapport d’enquête publié par le site d’information israélien Walla, il a été constaté que le Centre d’intervention d’urgence « Eran » a reçu plus de 6 000 demandes d’aide psychologique de la part de soldats et de femmes soldats de l’armée en seulement un mois, dont 28 % étaient liées à une détresse psychologique grave, 20 % à l’anxiété et aux traumatismes, 32 % au sentiment de solitude totale, tandis que 10 % ont signalé des problèmes dans les relations personnelles.
Pour Walla, Eyal Fruchter, ancien chef du système de santé mentale dans l’armée d’occupation, a souligné que les suicides sont une chaîne tragique qui nécessite une intervention urgente. Les réservistes courent un double risque, notamment la désintégration familiale, l’isolement, l’accès facile aux armes et les expériences traumatisantes non traitées, a-t-il ajouté. Il a noté que l’élargissement des programmes de prévention pour inclure les réserves était positif, mais a averti qu’une couverture médiatique excessive pourrait provoquer une « infection suicidaire » chez les soldats.
Crises invisibles
Rona Ackerman, travailleuse sociale et directrice générale adjointe du Centre Ella pour le soutien psychologique en cas de perte et de traumatisme, a déclaré que les batailles créaient des « crises invisibles » dont il est difficile de parler. Les soldats perçus comme forts ont du mal à reconnaître les sentiments d’épuisement ou de perte qui surgissent après la bataille, et l’écart entre leur image de soi et leur réalité psychologique peut conduire à une crise identitaire.
Même constat de la part de Sherry Daniels, directrice professionnelle d’Eran. Elle a déclaré que la stigmatisation associée à la santé mentale empêche les soldats de demander de l’aide, ce qui est considéré comme un signe de vulnérabilité.
Daniels a expliqué que la culture militaire favorise le silence, car on demande aux soldats de réprimer leurs émotions, de travailler sous pression et de maintenir leurs performances. Ces « vertus combattantes », selon elle, se transforment en obstacles psychologiques lors du retour à la vie quotidienne. Elle a ajouté que de nombreux soldats ne reconnaissaient même pas leurs sentiments.
Des suicides auraient pu être évités
Nadav Wirch, président du forum Traumatized by Combat et l’un des soldats souffrant de traumatismes de combat, a déclaré à Walla que la plupart des suicides auraient pu être évités, en raison de signes avant-coureurs tels que la recherche d’aide ou des changements psychologiques évidents. La lenteur du système bureaucratique, la négligence et le manque de personnel spécialisé conduisent à la marginalisation des cas, a-t-il ajouté, car de nombreux soldats ne bénéficient pas d’un véritable suivi psychologique même après avoir été soignés.
La violence se retourne contre soi
Curieusement, ces diagnostics évitent d’étudier une cause éventuelle qui scrute le lien entre la violence inouïe exercée par ces soldats contre la population gazaouie et leur propension au suicide.
« La représentation du suicidaire était souvent celle d’une personne découragée, taciturne, repliée sur elle-même. Si ce portrait correspond en effet au portrait de certaines personnes qui s’enlèvent la vie, plus particulièrement chez les aînés, il omet de prendre en ligne de compte le caractère impulsif et agressif qui anime une grande partie des personnes qui s’enlèvent la vie », constate une étude publiée par Presse de l’Université de Montréal intitulée : « Caractéristiques personnelles associées au suicide ».
Elle rapporte les conclusions d’une thèse publiée en 1954 par Henry et Short selon lesquels 10 % à 20 % des personnes qui commettent des gestes suicidaires graves ont déjà posé un acte violent grave à l’égard d’autrui. Et près d’un tiers des personnes violentes ont déjà tenté de s’enlever la vie.
Selon l’argument développé par Van Heeringen, Hawton et Williams les gens impulsifs et agressifs finissent par payer pour les torts infligés aux autres et pour l’absence de recours à d’autres solutions pour s’en sortir. Pour eux, la tendance à se mettre en colère et à se rebeller finit par avoir des limites parce que les sautes d’humeur représentent une fuite par rapport aux problèmes et l’absence de solutions. Après un certain temps, l’individu est coincé et ne peut plus s’en sortir aussi facilement. C’est alors que naissent le découragement, la dépression et le désespoir et que la violence finit par se retourner contre soi.
Source: Divers