Avraham Burg, chef de l’Agence juive (1995-1999) et président de la Knesset israélienne (1999-2003), a estimé que derrière les slogans qui glorifient la « mort des soldats » en Israël, le gouvernement israélien cache une structure émotionnelle et politique qui vénère la mort et la transforme en un outil pour anesthésier le public israélien et le recruter continuellement vers ses objectifs.
Chaque mort est élevé au « niveau de l’héroïsme », même s’il ne choisit pas ou ne s’oppose pas à la guerre, et sa mort est utilisée pour justifier des politiques immorales envers les Palestiniens.
Selon Burg, il y a une trilogie meurtrière qui régit la mentalité israélienne : une apathie morale absolue envers la vie palestinienne, l’exploitation du passé (l’Holocauste par exemple) en un outil pour justifier le meurtre dans le présent, et la sanctification de chaque nouveau soldat tué en tant que « martyr » et son meurtre en tant que commandement et nécessité pour continuer à tuer des Palestiniens.
Dans la vision de Burg, la mort en Israël n’est plus seulement une tragédie, mais la véritable autorité qui dirige la vie publique. Les funérailles sont devenues un discours collectif dépourvu d’interrogation, comme si chaque mort était ré-recruté au moment de sa mort comme un élément d’une machine qui ne s’arrête jamais de tourner.
Après tous ces « sacrifices », dit Burg, il n’y a plus de recul maintenant, parce que le récit du sang est devenu l’essence de l’appartenance et de la citoyenneté. Chaque enterrement s’est transformé en une minute de silence supplémentaire qui a approfondi le silence collectif et étouffé les questions sur le prix élevé que chacun paie pour les politiques d’occupation et de violence continue.
Selon Burg, ce système au pouvoir n’est pas le résultat du conflit, mais de ses causes profondes. Il offre les Palestiniens comme offrandes humaines à la convoitise des gouvernements d’occupation, des « prêtres de toute la terre d’Israël » et des rabbins de la haine religieuse.
Pour Burg, chaque mort est un nouveau matériau mobilisateur, et chaque éloge funèbre est une extension du cycle de la mise à mort, et non une rupture avec celle-ci. Il souligne que cette culture n’est pas un cas passager, mais un rituel sacré qui se reproduit dans l’éducation, les médias et l’armée, ce qui rend plus difficile de sortir du culte de la mort.
En abordant la différence dans la valeur de la vie, Burg montre que la vie des Palestiniens ne compte pas comme une vie, et que leur mort n’est pas considérée comme la mort. Ce ne sont que de simples chiffres dans les registres de l’armée, et des « dommages collatéraux » justifiés sous une fausse couverture sécuritaire et morale.
Personne en Israël, affirme Burg, ne se pose un moment de silence sur le martyre de dizaines de milliers de Palestiniens, et aucune question sociétale ne se pose sur ce que signifie ce meurtre en cours. Le meurtre du Palestinien est devenu prévisible, justifié et même cohérent avec le récit de la supériorité et de la dissuasion israéliennes.
Burg poursuit en disant que l’effacement de la moralité et la perte des valeurs ne sont pas un symptôme d’urgence, mais font partie intégrante du « rituel civil ». Les significations morales de la vie et de la mort des Palestiniens sont délibérément supprimées, afin de ne pas perturber la machine de justification. En témoigne l’utilisation de l’histoire nationale israélienne comme une arme, et non comme un récit. Des chocs comme l’Holocauste sont constamment invoqués pour justifier les politiques actuelles et devenir un bouclier pour toutes les agressions. La réponse israélienne au 7 octobre n’a pas été seulement une réaction, mais une activation immédiate d’une mémoire collective qui vide l’événement de son contexte contemporain et le transforme en une extension du passé.
Burg souligne que l’histoire en Israël n’est pas une leçon à apprendre, mais un mur de défense idéologique. Au lieu d’être utilisée pour comprendre et changer le présent, elle est appelée à se protéger de la réalité. Ainsi, les cimetières sont transformés en usines de production d’« identité », et les écoles en cours de remise de diplômes pour les soldats qui arrivent. Une machine continue qui travaille pour s’assurer que les générations futures restent captives de cette mentalité : tuer et tuer au nom du passé immortel.
Burg affirme que la mort en Israël est souvent considérée comme une promotion sociale. Il n’y a pas de concept de « mort insensée », car chaque mort est un héros, même s’il est tué à cause de décisions politiques ratées ou d’une lâcheté diplomatique qui a empêché la fin de l’occupation. Pour Burg, cette fausse sanctification aplatit la responsabilité collective, empêche toute discussion d’alternatives politiques ou morales, et étouffe tout discours respectueux de l’être humain sans faire de sa mort un outil de mobilisation.
Burg croit que ce système, qu’il a appelé le « triple culte de la mort », n’est pas inévitable, mais plutôt le résultat direct des systèmes médiatiques, éducatifs et politiques qui cherchent à perpétuer l’hégémonie en glorifiant les morts, en justifiant le meurtre et en dépouillant l’homme de son droit naturel à la vie. Pour sortir de ce culte, Borg propose un nouveau langage, des concepts différents : le deuil qui n’est pas un bureau de recrutement, une mémoire qui n’est pas militaire, et une dignité qui se construit sur la vie plutôt que sur les tombes. La mort, insiste Borg, n’est pas un commandement à la vie, mais une tragédie qui ne doit pas se répéter, et nous ne devons pas être tués ou tuer pour une « patrie » qui ne vaut plus la peine de mourir ou de mourir pour elle, comme il l’a dit.
Source: Traduit de Quds News
Avraham Burg, descendant d’une des familles aristocratiques du mouvement religieux sioniste, il a été président de la 15e Knesset (1999-2003), un membre important du « groupe des huit » à la gauche du Parti travailliste à la fin des années 1980 et au début des années 1990, président de l’Agence juive (1995-1999) et, selon le protocole, il a été président par intérim d’Israël, entre la démission d’Ezer Weizman et l’élection de Moshe Katsav à ce poste, pendant son mandat de Président de la Knesset.
Au lendemain de l’adoption en 2018 de la « Loi fondamentale : Israël en tant qu’État-nation du peuple juif », il a demandé au tribunal de district de Jérusalem de ne plus le considérer comme appartenant à la nationalité juive.
Source: Média