«Un monde qui s’achète et se vend, grimpe ou chute au grès des taux du dollar
Et de l’once d’or qui grimpent ou chutent au grès de la variation du prix du sang oriental.
Non…Beyrouth est la boussole du combattant.» (1)
Avant propos
L’un des principes fondamentaux qui régit les Etats est sanctionné par l’article premier de la Charte des Nations Unies (ONU): le Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce qui implique que la sécurité collective internationale et son corollaire la paix ne peut être garantie si ce premier principe n’est pas respecté. Par conséquent tout acte politique devrait s’appuyer sur ce principe pour avoir une légitimité politique et juridique internationale. Tant qu’un Etat donné respecte ce principe, la non-ingérence dans sa politique interne est garantie par l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Mais en théorie, seulement, puisque la charte des Droits de l’Homme, enrichie récemment par la Responsabilité de protéger, permet à certains Etats de s’ingérer dans les Affaires internes d’un autre Etat, anciennement colonisé. Et les Etats qui s’octroient le droit d’ingérence sont passés par trois étapes historiques: esclavagiste au nom du Droit divin, colonialiste au nom de la Civilisation et enfin impérialiste au-dessus de la Loi au nom de la Responsabilité de protéger. La disparition de l’URSS a accéléré cet état de fait. «Nous américains, nous sommes maintenant un Empire et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité.» (2) Autrement dit, mensonge est vérité et réciproquement, tout est fonction des intérêts de l’Empire. Inutile de préciser que l’Angleterre et la France adhèrent à cette vision du Maître, avec chacun, sa propre sensibilité.
Un exemple :
_Le16 février 2017, le président syrien Bachar El Assad affirme devant des journalistes français ceci: «les terroristes ont le soutien de nombreux pays occidentaux, y compris la France, le Royaume Uni, ainsi que la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar dans notre région. » (3)
_Le 4 janvier 2018, le président E. Macron affirme qu’«en Syrie, nous avons un ennemi : Daech. Nous sommes en passe de le vaincre. Le peuple syrien a un ennemi, il s’appelle Bachar el-Assad, mais il est toujours là.»(4)
Tout d’abord une traduction: le « Nous » du président français veut dire : pays occidentaux. L’affirmation de Macron sous-entend que les combattants du Hezbollah faisaient et font du tourisme en Syrie et en particulier à Palmyre. De même pour les Iraniens et les Russes.
Mais des deux présidents qui dit la vérité?
L’individu lambda démocratisé répondra sans hésitation: celui qui « ne mériterait pas d’être sur la terre.» (5)
Or le passé regorge de déclarations mensongères des dirigeants occidentaux:
_La fiole du Secrétaire d’Etat américain Colin Powell, brandie à la face de l’humanité.
_La Libye devenue le paradis des organisations terroristes et mafieuses grâce à la Responsabilité de protéger chère à la bande des trois (Etats-Unis, Angleterre et France)
Et si cela ne suffit pas, je cite un extrait du discours du Président syrien, prononcé le 21 janvier 2006 devant le parlement syrien :«je n’exagère pas lorsque je dis que certaines puissances internationales – connues de tous-évoquent dans les couloirs du Conseil de sécurité des Nations Unies la tentation d’enfreindre le principe de souveraineté nationale, sous différents prétextes…»(6)
Et pour cause, l’Occident pense que ce qu’il veut pour lui est bien pour le reste de l’humanité. C’est pour cette raison que le retour de la Russie et de la chine sur la scène internationale est une bénédiction pour l’humanité.
Et sans la République islamique d’Iran, l’armée syrienne et le Hezbollah, la carte géopolitique de cette partie du monde et de la Syrie, en particulier, aurait été un ensemble d’Etats confettis, colorés en fonction des couleurs ethniques et religieuses. Mais pour les puissances occidentales, les destructions matérielles, les dizaines de milliers de morts, enfants, femmes et hommes ne sont que des dommages collatéraux. Certes, pour créer sa «propre réalité», Mme Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d’Etat reconnaît que c’est «un choix très difficile mais nous pensons que c’est le prix à payer.» (7)
Que répondre à cette dame civilisée?
En 2008, le journaliste irakien, Mountazer al-Zaïdi a répondu en lançant sa chaussure en guise de réponse à la face du président américain, George Bush, junior.
Ceci dit, on ne peut effacer la lourde responsabilité du président Saddam Hussein. Il a ouvert la bergerie aux loups. En effet, ayant oublié que les ennemis principaux sont les puissances occidentales, l’Etat d’Israël, la Turquie et les monarchies du Golfe, il se lança dans une guerre sans issue contre la jeune République islamique d’Iran. Cette dernière venait de reconquérir sa pleine souveraineté politique et …son pétrole(8). Une grande erreur stratégique de celui qui allait devenir « l’Hitler » arabe. Et pour l’Irak et pour les autres peuples de la région. Il a oublié que la maîtrise de la route de la soie, c’est à dire gazoduc, pétrole et gaz, rendent les défenseurs du Droit international sans foi ni loi.
A cela, s’y greffe la suprématie d’une partie de lui-même, l’État d’Israël, relevant de l’ordre du divin. Et tout dirigeant arabe qui fait fi de cette réalité est mentalement colonisé. Il en est de même du dirigeant africain. La zone décrétée rouge pour raison de lutte contre les organisations terroristes, endoctrinée par les vassaux du Golfe avec l’aval du Maître, regorge de richesses stratégiques, pétrole, bien sûr, mais aussi or, diamant, minerai rares et stratégiques. Une réalité qui nous rappelle F. Fanon : «chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir.» (9)
Nous y sommes! Et c’est à la lumière de la lutte politique, voire militaire contre l’impérialisme occidental qu’on doit juger qui trahit ou non cette mission.
Le Hezbollah et le combat anti-impérialiste
Présentés comme étant les Accords qui allaient ouvrir une ère de paix entre les Etats arabes et l’État d’Israël, les accords de Camp David signés le 17 septembre 1978 par le président égyptien Anouar el-Sadate et le premier ministre israélien Menahem Begin marquèrent le début de la dislocation de la Ligue arabe avec les conséquences politiques et militaires actuelles. Un événement historique qui a ouvert la voie de la normalisation politique avec l’Etat d’Israël et produit les bouleversements géostratégiques porteurs de lourdes menaces.
Manque les conditions culturelles et politiques pour gagner l’adhésion populaire arabe. Pour atteindre cet objectif, il faut tout d’abord disloquer le Front du refus constitué par L’Irak, la Syrie, la Libye, l’Algérie et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Conditions nécessaires pour laisser les mains libres aux monarchies du Golfe, la Jordanie et l’Egypte pour la mise en place de cette normalisation politique.
Quant à l’avenir du peuple palestinien, de cause nationale, il est devenu un passé à oublier. Les événements historiques rappelés dans la première partie ont servi cet objectif. Passage obligé pour fonder le ‘’Grand Moyen-Orient’’, cher à W. Bush. En réalité ce Moyen-Orient fut défini dès 1982 par le haut fonctionnaire des Affaires étrangères israélien Oded Yinon dans « la stratégie de l’Etat d’Israël pour les années 80.» (10). Ce dernier conseillait aux stratèges israéliens de commencer par « la décomposition du Liban en cinq provinces» qui «préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier. » …Irak…Libye… Yémen…
Et la Syrie?
Sans la résistance de l’armée syrienne avec le soutien de la population, en particulier, la minorité chrétienne, la Syrie serait devenu un ‘’ Etat confetti ‘’. De terre de civilisation, elle aurait sombré dans l’obscurantisme salafiste et wahhabite. Evidemment, la Russie et l’Iran ont joué un rôle fondamental dans l’échec occidental en Syrie. Et ce n’est nullement adouber, Assad, Poutine et Rohani que d’affirmer: ces derniers sont du côté du progrès face à la ‘’tribalisation’’ tant espérée par les occidentaux et Israël. En effet, le Grand Israël de la vallée du Jourdain jusqu’à l’Euphrate, cher au sionisme politique, passe par la désintégration des Etats arabes. Dans la défense de l’intégrité territoriale de la Syrie, on ne peut omettre de mentionner le rôle stratégique du Hezbollah. Sans oublier le rôle de ce dernier avec l’aide de l’armée dans le démantèlement des cellules dormantes de djihadistes dans la patrie de la diva Fayrouz. (Cf.Herst Seymour : la Réorientation) (11)…
Et dans le reste du monde arabe?
Ayant oublié le passé colonial, et débarrassées de tout projet politique souverain à même d’émanciper les peuples arabes, leurs classes dirigeantes déploient sur le plan idéologique une armée de prédicateurs obscurantistes pour montrer que l’ennemi est le chiisme et donc il faut mobiliser les «djihadistes » pour le combattre. Mais en fait, ces derniers servent doublement l’Empire. «Combattants de la liberté et de la Démocratie » pour détruire les Etats souverains et organisations terroristes pour légitimer une intervention militaire occidentale. Ainsi vérité et mensonge se rejoignent pour créer une nouvelle réalité, le chaos créateur.
Cette armée de prédicateurs est secondée par un commando d’intellectuels arabes dont le rôle est de légitimer la politique internationale des puissances occidentales…Chacun à sa manière, ces prédicateurs et intellectuels participent ainsi, au dévoiement de l’islam tout en confondant liberté et souveraineté politique avec servitude volontaire. C’est dans ce contexte idéologique et géopolitique qu’il faut apprécier le combat politique et militaire du Hezbollah sous la direction de Hassan Nasrallah.
Ce dernier utilise avec intelligence le support religieux sur le plan politique avec une ligne rouge: la souveraineté politique du Liban et l’intégrité territoriale sans oublier le soutien au peuple palestinien. Un vieux maghrébin le décrit ainsi: « c’est un grand que les petits ne voient pas…Une phrase prononcée par lui balaye un discours d’une heure de ses contradicteurs.»
Le mouvement des déshérités a permis, tout d’abord, l’émancipation de la minorité chiite qui, jusque dans les années 70, étaient marginalisée sous la coupe de quelques dirigeants féodaux chiites. Et ce combat social et politique était accompagné d’une résistance armée contre l’occupant sioniste (1982 -2000). Et Après le retrait de l’armée israélienne en 2000, le Hezbollah a veillé à ce que les institutions libanaises renaissent. Pour cela, il a fallu beaucoup de sagesse et une vision politique à long terme pour ne pas tomber dans le piège d’une nouvelle guerre civile. Mais au-delà du retrait israélien en 2000 et de la défaite militaire subie par l’armée israélienne en 2006, le Hezbollah et son dirigeant ont mis en échec « la stratégie de l’Etat d’Israël pour les années 80. »
Il serait injuste d’oublier que dans l’échec du plan sioniste de démantèlement du Liban en provinces ethniques et confessionnelles, le Courant Patriotique libanais a joué un rôle politique fondamental. Le document d’Entente mutuelle, acté en février 2006 entre le Hezbollah et le Courant Patriotique libanais sous la direction de l’actuel Président libanais, Michel Aoun est la pierre angulaire de l’unité du Liban.
Enfin, pour conclure, Hassan Nasrallah est l’un des rares dirigeants arabes qui est pris au sérieux car il dit ce qu’il pense et annonce ce qui est à faire. Où, comment et quand, relève des combattants de l’ombre du Hezbollah!
Par Mohamed El Bachir
Source: Réseau international
(1)Mahmud Darwich :poème: la quassida de Beyrouth. Poésie Gallimard, p. 178-197
(2)Christian salmon :https://coreix.french.almanar.com.lb//www.lemonde.fr/idees/article/2008/09/05/le-retour-de-karl-rove-…
(3)https://www.europe1.fr/international/retrouvez-linterview-integrale-exclusive-de-bachar-al-assad-2979629
(4)https://www.lepoint.fr/politique/macron-la-crise-syrienne-ne-peut-etre-reglee-a-quelques-uns-04-01-2018-2184081_20.php
(5)https://coreix.french.almanar.com.lb//www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/08/17/97001-20120817FILWWW00331-bachar-el-assad-ne-meriterait-pas-d-etre-sur-la-terre-fabius.php
(6) Michel Raimbaud : Tempête sur le Grand Moyen-Orient. p. 309. Edition Ellipses 2015.
https://blogs.mediapart.fr/danyves/blog/081215/8-dec-2015-oui-la-cia-est-entree-en-afghanistan-avant-les-russes-par-zbigniew-brzezinski
(7)https://fr.sputniknews.com/international/201803201035589211-madeleine-albright-morts-enfants-irak/
(8)https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/08/19/la-cia-reconnait-avoir-renverse-le-premier-ministre-iranien-en-1953_3463576_3222.html
(9) Frantz Fanon :Oeuvres (Les damnés de la terre).Edition :La découverte 2011.( p. 589)
https://coreix.french.almanar.com.lb//www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/08/17/97001-20120817FILWWW00331-bachar-el-assad-ne-meriterait-pas-d-etre-sur-la-terre-fabius.php
(10)https://www.renenaba.com/revue-detude-palestiniennes-n-14-fevrier-1982/
(11)https://coreix.french.almanar.com.lb//questionscritiques.free.fr/dossiers/Seymour_Hersh/Etats-Unis_Proche-Orient_redirection_260207.htm