« Par expérience, les victimes des élections israéliennes, c’est toujours nous et je ne crois pas que ça va changer ». Comme Tayssir Barakat, beaucoup de Palestiniens n’attendent pas grand-chose de bon des législatives en Israël. En tout cas rien de bon.
Les élections du 9 avril peuvent avoir des conséquences directes sur la vie des Palestiniens de Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967 par Israël, mais peu d’entre eux s’y intéressent. Pour eux, quel que soit le vainqueur, il n’est pas près de mettre fin à l’occupation.
Pour ceux qui suivent la campagne, l’une des principales préoccupations est la crainte de voir s’amplifier le discours de haine contre les Palestiniens, alors que les négociations de paix israélo-palestiniennes sont enlisées depuis 2014.
« On espère du changement, mais le plus probable, c’est que rien ne change véritablement », dit Tayssir Barakat, 58 ans, sacs de courses à la main sur un trottoir de Ramallah en Cisjordanie.
A la tête du gouvernement considéré comme le plus à droite de l’histoire d’Israël, Benjamin Netanyahu a pris ses distances avec la solution dite à deux Etats -la création d’un Etat palestinien au côté d’Israël- telle qu’envisagée par la communauté internationale. Certains membres de sa coalition la rejettent carrément, cherchent à étendre les colonies et plaident pour l’annexion de larges pans de Cisjordanie.
Le parti Likoud de M. Netanyahu était donné vainqueur en début de campagne, malgré la menace d’inculpation pour corruption pesant sur le Premier ministre.
Mais il fait face à présent à une sérieuse concurrence avec la liste centriste de l’ex-chef d’état-major Benny Gantz.
M. Gantz s’est dit ouvert au retrait de colons de certaines parties de Cisjordanie mais il n’a jamais mentionné la solution à deux Etats.
« Pour l’instant, nous ne voyons pas de différence fondamentale » entre les deux listes, dit Saleh Rafat, membre du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine. « Ils sont pour une Jérusalem unifiée, la poursuite de la colonisation et le contrôle (par Israël) de la vallée du Jourdain ».
Plutôt le cannabis
Israël proclame tout Jérusalem sa capitale « unifiée », y compris la partie orientale conquise en 1967 puis annexée. Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l’Etat auquel ils aspirent. En 1967, une grande partie du Jourdain a été occupée.
Plus de 600.000 Israéliens vivent aujourd’hui dans des colonies de Jérusalem-Est et Cisjordanie. La colonisation est illégale au regard du droit international et une grande partie de la communauté internationale voit en elle un obstacle majeur à la paix.
« Aucun parti israélien ne parle de la question palestinienne, et ceux qui le font emploient le langage d’une occupation brutale », dit Hafez al-Barghouti, ancien éditorialiste palestinien.
« La droite, le centre et la gauche se sont mis d’accord pour ignorer la question palestinienne et pour se concentrer davantage sur la légalisation de la marijuana », un des thèmes de la campagne, juge l’analyste.
Les principaux candidats restent très discrets sur l’initiative diplomatique que le président américain Donald Trump, grand allié de M. Netanyahu, est censé présenter après les élections. La scène palestinienne demeure, elle, divisée entre l’Autorité palestinienne, qui exerce un pouvoir très limité sur des fragments de la Cisjordanie, et le mouvement Hamas qui gouverne sans partage Gaza.
L’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas est l’interlocutrice de la communauté internationale. Le Hamas, qui refuse l’existence d’Israël, est infréquentable pour de nombreux pays. Toutes les tentatives de réconciliation ont échoué et aucune élection parlementaire palestinienne n’a été organisée depuis 2006.
Haine « normalisée »
Dans un climat de vives tensions à la frontière entre Israël et Gaza depuis un an, un nouvel accès de fièvre a accaparé la semaine dernière les discours des candidats aux élections, sans qu’apparaisse un véritable plan pour traiter sur le fond la question.
Les Palestiniens craignent que la campagne israélienne ne favorise les sorties haineuses contre eux et les Arabes en général.
Le Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD) a récemment publié une campagne mettant en lumière selon lui les discours de haine contre les Palestiniens sur les réseaux sociaux en Israël.
« L’incitation à la haine et la haine sont devenues bien plus normalisées dans la société israélienne », juge le directeur du PIPD, Salem Barahmeh. « La rhétorique de campagne de nombreux politiciens israéliens cherche à déshumaniser toute une population ».
Aux élections de 2015, M. Netanyahu avait joué sur les peurs à droite en brandissant le spectre d’électeurs arabes israéliens se rendant aux urnes « en masse ». Il avait ensuite présenté ses excuses.
Il a poussé cette année deux partis nationalistes religieux à un accord avec une formation largement considérée comme raciste.
Source: AFP