Quelles ambitions? Quel projet? Benny Gantz, rival potentiel du Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu aux législatives du 9 avril, lance sa campagne mardi et Israël attend des réponses à d’innombrables questions.
M. Gantz, 59 ans, général à la retraite, n’est pourtant pas un inconnu. Son rang de chef d’état-major de 2011 à 2015 a fait de lui l’un des personnages les plus éminents dans un pays confronté à de nombreuses menaces et où l’armée joue un rôle fédérateur.
En politique en revanche, personne ne sait à quoi s’en tenir sur son compte. Il a réussi en quelques semaines, sans dire grand-chose, à s’imposer comme le plus sérieux challenger de l’insubmersible Netanyahu, qui a passé treize années au pouvoir, dont dix consécutives depuis mars 2009 après un premier mandat de 1996 à 1999.
Le lancement de la campagne de M. Gantz, mardi soir à Tel-Aviv, est largement considéré comme le moment de vérité pour ce parachutiste aux yeux clairs, mâchoire carrée et visage impassible ou indolent selon les points de vue.
Son discours est programmé à 20H00 locales (18H00 GMT) pour coïncider avec l’heure de grande écoute à la télévision. Franchira-t-il le Rubicon en déclarant vouloir devenir Premier ministre? Dévoilera-t-il son programme social? Déclenchera-t-il une attaque frontale contre M. Netanyahu?
Après avoir pris la température pendant plusieurs mois, M. Gantz s’est jeté dans le bain en décembre seulement, en créant son parti, « Résilience pour Israël ».
Un sondage indiquait la semaine passée que Résilience pourrait devenir la deuxième force au parlement (Knesset) avec 15 sièges sur 120, derrière le Likoud (droite) de M. Netanyahu (crédité de 31 sièges).
Ni droite, ni gauche
Les enquêtes d’opinion élèvent M. Gantz au statut de deuxième personnalité la plus à même d’exercer les fonctions de chef de gouvernement.
Les Israéliens élisent leurs députés, mais pas leur Premier ministre, qui est lui choisi par le président en fonction des résultats.
M. Netanyahu reste, selon des analystes politiques, le mieux placé pour former un gouvernement. Mais l’ombre d’une inculpation dans plusieurs affaires de corruption présumée plane sur sa campagne.
Prévue par la presse en février, une déclaration d’intention du procureur général ne priverait pas le Likoud de la première place. Mais elle pourrait lui coûter des sièges, toujours selon des enquêtes d’opinion, et remettre en cause la capacité de M. Netanyahu à former une majorité.
M. Gantz est lui soupçonné de chercher à prendre la tête d’une coalition centriste. « Plus de droite ni de gauche », proclame l’hymne de sa campagne.
Les Israéliens en savent long sur ses services sous l’uniforme, qui sont comme un résumé de l’histoire militaire nationale, des guerres du Liban à celles de Gaza, en passant par les soulèvements palestiniens.
En revanche, la composition d’une alliance dont il serait le chef reste indéterminée, comme celle de sa liste, ou ses propositions économiques et sociales, préoccupations primordiales des électeurs.
Les spéculations vont également bon train sur la possibilité que M. Gantz se contente du portefeuille de ministre de la Défense de M. Netanyahu, à défaut de devenir Premier ministre.
« Seuls les forts »
Jusqu’alors, M. Gantz a surtout revendiqué ses faits d’armes de soldat, notamment dans des vidéos publiées la semaine dernière.
Trois de ces vidéos lui attribuent l’élimination en 2012 d’Ahmed Jaabari, chef militaire du Hamas, celle de 1.364 « terroristes » en 2014, lors de la deuxième opération qu’il a commandée dans l’enclave palestinienne, et enfin la destruction de 6.000 cibles à Gaza, renvoyant certains secteurs de la ville « à l’âge de pierre ».
Ces vidéos se concluent pas le slogan « Seuls les forts l’emportent ».
Ces clips ont suscité l’indignation ou des sarcasmes de ceux qui n’ont pas hésité à rappeler la mort de centaines d’enfants palestiniens à Gaza en 2014.
Dans une quatrième vidéo, M. Gantz convoque l’esprit des dirigeants israéliens qui ont cherché la paix avec les Arabes, à l’heure où l’effort diplomatique avec les Palestiniens est embourbé.
« Il n’y a aucune honte à aspirer à la paix, il n’y a aucune honte à s’efforcer à la paix », dit M. Gantz.
Le ministre sortant de l’Education Naftali Bennett, dont M. Gantz menace de capter une partie de l’électorat et qui rêve du ministère de la Défense, a remis en cause les lettres de créance militaires de l’ancien chef d’état-major et l’a assimilé à la « gauche molle ». Le Likoud a décrit M. Gantz comme un « gauchiste ».
« L’attente (suscitée par M. Gantz) n’aura d’égal que la déception » ressentie quand il sera sorti de son silence, augure le quotidien Israel Hayom, réputé pour être favorable à M. Netanyahu.
Source: AFP