Du point de vue de leur position géographique, il y a des similitudes entre les deux pays. L’Iran est un carrefour, entre Caspienne et Golfe persique, mais aussi entre Europe et Orient. Ce qui est remarquable, c’est que les deux pays, capables des révolutions qui ont ébranlé l’Occident dominateur et sûr de lui, sont restés profondément fidèles à la plus haute tradition philosophique grecque, de recherche d’une mise en pratique politique des valeurs de justice et de vérité (l’islam sunnite se désintéressant de cette perspective, au contraire du chiisme). Ce ne sont pas des pays aventuristes dans leurs hauts-faits révolutionnaires, mais restaurateurs de sens.
1. Cuba, clé des Amériques
Cuba est dite la « clé du Golfe (du Mexique) »; l’île a toujours été un enjeu stratégique; pour l’empire espagnol, elle était le bastion militaire d’où partaient les expéditions de découverte, de conquête et de colonisation. Les forteresses de La Havane (El Morro, La Punta, la Cabaña ), et de Santiago de Cuba montaient la garde. Ces deux villes étaient aussi la cible des pirates français et des corsaires anglais. C’est de La Havane qu’étaient exportées les publications subversives à destination de toutes les grandes villes de langue espagnole. La Havane connut une invasion anglaise, vite repoussée par la population, en 1762…
Puis l’Espagne perdit Cuba, avec le débarquement US en 1898, et ne put jamais reprendre pied militairement en Amérique. Cependant, Madrid est restée la capitale spirituelle de toute l’Amérique latine, et celle-ci lui témoigne régulièrement de sa fidélité.
Ainsi, le penseur le plus profond de toute l’Amérique latine, José Marti, donna sa vie pour l’indépendance de Cuba par rapport à l’Espagne, mais en totale continuité avec la plus haute pensée espagnole.
Puis il y eut, en provenance de l’Amérique latine, des gestes audacieux et salvateurs: Le Mexique ne rompit jamais ses liens avec le général Franco, alors que tout l’Occident « démocratique » lui tournait le dos, ni avec le gouvernement cubain lorsqu’il se dressa contre l’impérialisme US à partir de 1962; le général Juan Domingo Perón, expulsé d’Argentine, trouva refuge à Madrid.
Dans le camp adverse, ce sont les exilés républicains espagnols qui créèrent les grandes maisons d’édition, en particulier Losada, énorme moteur de culture populaire, à partir de Buenos Aires. La philosophe andalouse María Zambrano forma l’élite catholique intellectuelle cubaine, à partir de 1938, lorsqu’elle dut s’exiler, et cette élite resta fidèle à l’anti-impérialisme. C’est donc une profondeur de vue qui fait la solidité du lien Espagne – Amérique hispanique, et Cuba en est le pivot
2. L’Iran, bastion de la résistance à l’impérialisme US
Des liens forts unissent l’Iran et la France, depuis des siècles, et malgré les aléas de la politique. Montesquieu avait choisi un point de vue persan pour faire la critique des mœurs françaises. Certes, il n’avait pas une connaissance bien précise de l’Iran; mais il avait besoin de cette référence pour bâtir un récit consistant, comme d’un pôle oriental concentrant toutes les valeurs dont il regrettait la perte dans son pays, accablé par le despotisme. C’était en 1721. Montesquieu se cachait derrière la Perse pour exprimer sa pensée critique, conscient des limites de l’horizon franco-français.
C’est en France que se réfugia l’imam Khomeiny, et qu’il élabora son programme anti-capitaliste et anti-impérialiste, en 1978.
De l’autre côté, c’est en Iran que la réflexion la plus critique, pourchassée par la censure en France, est reconnue à sa juste valeur; l’impérialisme occidental s’est doté d’un fer de lance avec la colonie sioniste. Alors l’Iran, directement et constamment menacé par l’entité sioniste, se dresse face au monde entier pour dénoncer ses mensonges, base de la propagande indispensable pour justifier ses menées sanguinaires contre les Palestiniens. Ceci vaut en particulier pour l’œuvre de Robert Faurisson, invité régulièrement à Téhéran à partir de 2006, parce qu’il est le Français héroïque qui a su affaiblir considérablement l’emprise israélienne sur la conscience occidentale, en remontant à la mère de toutes les usurpations du judaïsme politique.
L’Iran continue à jouer un rôle fédérateur en organisant régulièrement des rencontres internationales de penseurs du monde entier, sur une base antisioniste et anticolonialiste.
De nos jours, une partie du cinéma iranien s’écrit à Paris; les festivals de cinéma iranien se multiplient, grâce à l’obstination d’Alain Brunet, iranologue particulièrement cultivé. Une magnifique revue en français paraît depuis vingt ans à Téhéran; la rédactrice en chef Amélie Razavifar est française : c’est la référence pour tous les domaines de la civilisation iranienne. L’Iran reste le phare de la culture et de la recherche intransigeante de vérités humaines, en dialogue permanent avec la France.
3. Les liens entre Cuba et l’Iran
Cuba et l’Iran ont d’excellentes relations diplomatiques; leur coopération est ancienne: en matière de télécommunications, mais pas seulement; un laboratoire en génétique a été bâti en Iran avec des techniciens cubains; en 2008, une ligne de crédit de 200 millions d’euros a été offerte par l’Iran à Cuba; les deux pays renforcent actuellement leurs relations commerciales; c’est indispensable pour chacun d’entre eux, d’autant plus que les deux pays partagent les records en matière de sanctions économiques injustifiées, voulues par les US avec une constance féroce, depuis 1962 pour Cuba, depuis 1984 pour l’Iran. Dans les deux cas, il s’agit pour les USA de montrer leur capacité d’intimidation, en particulier sur les autres pays, créditeurs ou débiteurs. Les embargos sont des actions de guerre illégales, qui visent avant tout à affamer les populations. Ces agissements sont contraires aux intérêts économiques des USA eux-mêmes, et à ceux de leurs alliés, dont la France. La tentative du président Obama pour rétablir des relations normales tant avec l’Iran qu’avec Cuba, a été invalidée dès que le président Trump a pris les rênes. Ce n’est pas cohérent avec le nationalisme affiché du président, qui ne peut que souhaiter l’essor commercial des USA. Il n’y a qu’une explication à cela : le poids du lobby pro-israélien. Celui-ci ne cache pas sa volonté d’affaiblir l’Iran par tous les moyens. Pour Cuba, on ne saurait comprendre l’acharnement que par l’affiliation sioniste militante des républicains de la Floride: les premiers dirigeants de l’émigration cubaine anticommuniste étaient des ashkénazes réfugiés de façon provisoire à Cuba, sans enracinement ni loyauté envers ce pays (en particulier Otto Reich, organisateur de la contre-révolution au Nicaragua, Ileana Ros-Lehtinen etc). Cuba n’a jamais persécuté les juifs, et a des accords commerciaux normaux avec Israël, mais c’est la logique de la vengeance biblique qui est à l’œuvre, parce que Cuba soutient la résistance palestinienne depuis la révolution de 1959, et jusqu’à aujourd’hui, sans faille.
4. La France et la Russie
Ni Cuba ni l’Iran ne parviennent à faire basculer la France dans le camp de la résistance au lobby pro-israélien, jusqu’à présent. Cependant, de concert avec l’Allemagne, le ministre des Affaires étrangères Le Drian fait ces jours-ci des efforts pour vider les sanctions US de leur capacité d’étouffement de l’Iran. En Europe, la France est le pays moteur pour demander la levée de l’embargo contre Cuba. Le poids du chantage US est cependant considérable: chaque velléité d’indépendance de nos gouvernements successifs, donne lieu à des menaces efficaces de rétorsion; car selon les lois US, tout pays qui a des contrats avec les pays sanctionnés par ces mêmes US est un pays qui viole la loi US, et ses entreprises sont soumises à des poursuites judiciaires dès lors qu’elles ont la moindre part d’intérêt avec des firmes US. Bien des firmes françaises ont écopé de procès et de lourdes amendes.
A défaut de gagner la guerre, l’Iran et Cuba ont l’immense mérite, cependant, de tendre un miroir sans complaisance à l’Europe. L’Iran de l’iman Khomeiny a su bâtir un système de protection sociale basé sur des principes religieux, alors même que l’Occident veut bannir le concept même de religion d’Etat. Cuba a prouvé que le système communiste restait un cadre cohérent pour garder un cap qui combine justice sociale et souveraineté nationale; et cela alors que l’URSS s’effondrait, et que le monde soviétique se disloquait. Désormais, les deux pays développent leurs liens avec la Russie, le grand pays européen qui n’a jamais mis sur pied des entreprises coloniales, et qui, par sa législation sociale protectrice des couches productives, des classes travailleuses, disait-on autrefois, a obligé l’Europe occidentale à prendre à son tour des mesures en ce sens, pendant toute la période soviétique.
5. L’Iran et le monde arabe
On peut mesurer le rôle de contrepoids indispensable que joue l’Iran dans le monde musulman: en 2014, on considérait que l’Iran était en train de bouleverser les alliances régionales et de modifier la géostratégie; cinq ans plus tard, c’est l’Iran qui a gagné la guerre en Syrie, sur le plan symbolique: il l’a fait en apportant son soutien efficace au gouvernement légalement élu, depuis 2011, avec plus de 5000 conseillers militaires (selon les estimations hostiles); la coopération avec la Syrie s’est renforcée avec l’annonce des sanctions renouvelées contre l’Iran en 2016. A partir de la fermeté iranienne, un véritable front de résistance aux menées israéliennes dans tout le Moyen Orient est désormais plus actif que jamais; il est remarquable que le gouvernement iranien ait su passer par-dessus les divergences idéologiques, la Syrie se voulant pays laïc, et l’Iran au contraire islamique. C’est par cette cohérence retrouvée depuis que Trump a rompu l’accord sur le nucléaire, que l’Iran gagne le respect des populations arabes, que ce soit au Yémen ou en Irak. Face à la menace US de se retirer aussi du traité sur les missiles nucléaires de portée intermédiaire (INF), la Russie souhaite renforcer celui-ci avec l’adhésion de l’Inde et de l’Iran: autant de ripostes au bellicisme trumpien qui se situent dans la logique de la dissuasion nucléaire.
Et l’on ne peut que s’interroger sur le fait que l’équipe dirigeante qatarie pèse désormais de toutes ses forces, à Gaza, en finançant le Hamas; le Qatar s’affiche maintenant aux côtés de l’Iran, pour consolider son influence face à l’Arabie saoudite, et donc forcément dans le soutien à la résistance palestinienne, alors que le prince MBS est prêt à assister les US dans l’expulsion des Palestiniens de leur terre ancestrale. Ainsi, répondant aux questions de RT France, Walid Charara, chercheur en relations internationales au centre consultatif pour les études et la recherche du Hezbollah, considère que «le Hamas met à profit cette relation avec le Qatar pour obtenir des financements sans pour autant renoncer à la résistance». Selon lui, les capacités militaires du Hamas «n’ont pas arrêté de se développer» et si le Hamas est lié au Qatar, «il est également proche de l’Iran», le cauchemar d’Israël … depuis le temps de la reine Esther.
Le plan de Jared Kushner, serviteur zélé d’Israël incapable de voir que ce pays mène les USA à leur perte, et à la perte d’influence définitive au Moyen Orient, se trouve désormais bloqué par l’alliance Iran-Hamas-Qatar. Le gigantesque nettoyage ethnique projeté n’aura pas lieu, les Gazaouis vont pouvoir résister, le Qatar finance déjà plusieurs infrastructures. En 2014, alors que l’accord nucléaire conclu par le président Obama semblait augurer d’une nouvelle aire, David Rigoullet avait un espoir qui paraît maintenant reculer : « objectivement parlant, l’Iran est donc un allié potentiel des Etats-Unis, même si cela peut paraître encore quelque peu extraordinaire ». Lorsque la servilité catastrophique de Jared Kushner aura accouché de toute son absurdité, l’Iran apparaîtra comme le médiateur indispensable entre fanatiques arabes corrompus et juifs fanatiques corrupteurs, et sera peut-être capable d’imposer par la négociation un seul Etat garantissant les mêmes droits à tous ses habitants. L’Iran sait gérer depuis des siècles la présence de minorités juives et autres sur son territoire. D’ores et déjà, le tribunal de l’ONU a obligé les US à un recul sur leur programme de sanctions….
Le président Trump, soumis à des chantages monstrueux par la minorité juive implantée aux plus hauts niveaux du pouvoir US, est aussi un pragmatique capable des embardées les plus déconcertantes pour son entourage…
6. Le Venezuela
Pour Cuba, qu’on dit prête à rouvrir la base russe de Lourdes, c’est une île qui joue le même rôle de frein contre les incendiaires irresponsables. Pour l’instant, il est surtout question d’y installer le système de géolocalisation russe GLONASS.
Trump voudrait ramener le Venezuela, le principal pays rebelle dans le bassin des Caraïbes considéré comme simple arrière-cour par les US, au statut de colonie, simple gisement de matières premières, sans autonomie politique.
C’est Cuba qui l’en empêchera, par son expérience dans le combat anti-impérialiste et son habilité diplomatique. Le 23 janvier 2019, l’armée vénézuélienne vient de déjouer le coup d’Etat bricolé par les US contre le président élu Nicolas Maduro. Cuba, la Bolivie, la Russie, l’Iran et le Mexique soutiennent ouvertement ce dernier, en tant que représentant légal de son peuple, et le Venezuela n’a jamais faibli dans son soutien à la résistance palestinienne.
En 2002, le peuple avait empêché le renversement du président Chàvez. Cette fois-ci, le président Maduro, entouré de conseillers militaires cubains, a pris les devants, en faisant arrêter 27 militaires putschistes. L’opposition invoque une « vacuité de la présidence »… après un attentat raté au drone contre le président élu, parce qu’elle avait refusé de participer aux élections présidentielles en mai 2018. Le ridicule le dispute au grotesque, dans les menées voyantes de l’ambassade US à Caracas. Il s’agissait, pour les putschistes, de profiter de la charge symbolique du 23 janvier, car c’est ce jour-là, en 1958, que le dictateur Pérez Jiménez avait été renversé. Mais ce qui est frappant aujourd’hui, c’est le manque de volonté martiale chez l’autoproclamé nouveau président, simple tête d’affiche sans caractère. D’après les journalistes de Telesur, c’est la BBC qui est l’artisan principal de la diffusion d’images truquées faisant croire à une mobilisation populaire en sa faveur.
7. Le fléau de la balance
Cuba constitue le fléau de la balance, comme disait José Marti, entre Amérique nordique et Amérique hispano-indienne; L’Iran joue un rôle comparable entre le monde arabe et l’Europe: ils empêchent le monde de basculer dans la guerre mondiale qu’appelle la manie prédatrice de l’Occident. Les US sont condamnés dans la mesure où c’est une nation étrangère, « l’Etat juif » qui prétend décider de leur politique internationale, comme des parasites détruisent l’organisme qui les maintient artificiellement en vie. Un autre pays, en Amérique, est encore plus profondément soumis, au niveau politique, militaire et financier (mais nullement au niveau spirituel) à l’entité sioniste; c’est l’Argentine, qui est régulièrement conduite au bord de la ruine par les agents du lobby israélien aux US, en particulier, depuis vingt ans, par Paul Singer, artisan des banqueroutes successives de Buenos Aires. Dans les années 1920, New York et Buenos Aires étaient deux métropoles rivales, de même niveau. Les US n’ont maintenant que condescendance envers l’Argentine; mais le retour du réel est déjà en train de leur ouvrir les yeux, par le biais de certaines batailles judiciaires.
Nous les Français avons une dette immense envers Cuba et envers l’Iran, les deux pays qui tiennent tête à l’Empire, et nous donnent l’exemple du combat pour la souveraineté et pour la justice sociale.
Les Gilets jaunes sont en train de bâtir leur réseau de solidarités internationales. Ils viennent de manifester leur opposition aux ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite, à l’occasion du traité franco-allemand de coopération militaire signé le 22 janvier 2019, à Aix-la-Chapelle. Ils élaborent un projet constituant sur des bases de renationalisation et de socialisation des biens et des échanges. Nul doute qu’ils mettent à leur programme la désobéissance aux sanctions US contre n’importe quel pays. Dès à présent, les Gilets jaunes s’exercent au contournement des obstacles avec habileté. Ils pratiquent aussi la contrebande en matière d’idées, car le gouvernement qui réprime les Gilets jaunes est aussi celui qui réprime la pensée constructive, et qui emprisonne ses têtes pensantes.
Robert Faurisson aurait eu 90 ans le 25 janvier 2019: il avait été condamné à un an de prison, mais les autorités françaises n’ont pas eu le temps de prendre les décrets d’application à son encontre. Alain Soral prend la place, maintenant, hautement symbolique, de principale cible pour le lobby israélien qui a le pouvoir au sein du gouvernement français actuel.
Les peuples d’lran et de Cuba sont les pays qui nous inspirent, par leur endurance dans la résistance, par le sens de leurs responsabilités internationales, par la générosité et l’envergure de leurs projets de société.
Par Maria Poumier
Source : Plumenclume