Après trois semaines de fuite, Nur Begum, jeune mère rohingya de Birmanie a enfin réussi à rejoindre le Bangladesh mais trop tard pour sauver Alam: son dernier enfant encore en vie vient de mourir de faim.
Alam avait six mois et il est mort à peine quelques heures après son arrivée dans un camp où s’entassent des centaines de nouveaux réfugiés à côté de Teknaf, dans l’est du Bangladesh.
Ces musulmans rohingyas, qui fuient l’opération de l’armée birmane et les violences, sont arrivés par milliers ces derniers jours dans cette zone côtière, densément peuplée, où vivent déjà près de 230.000 Rohingyas apatrides.
« Je n’avais pas assez de nourriture alors mon lait s’est tari », raconte en larmes la jeune femme de 22 ans, assise à côté du corps squelettique d’Alam.
« En arrivant au camp, j’ai finalement eu un peu à manger donc je pensais être capable de le nourrir. Mais il est parti avant que j’aie eu la chance de lui donner quelque chose », poursuit-elle. « Je suis seule maintenant. »
Nur Begum a fui son village dans l’ouest de la Birmanie après un raid de l’armée birmane lors duquel son mari et ses deux autres enfants ont été tués.
Avec son bébé et une trentaine de voisins, elle a marché vers le Bangladesh voisin, seule échappatoire, mais qui est loin d’être la terre promise pour ces réfugiés.
Jusqu’à présent, très peu d’aide a pu leur être fournie et le Bangladesh, qui craint un exode massif, refuse d’ouvrir la frontière malgré les pressions de la communauté internationale.
D’après les Nations unies, 30.000 personnes ont été déplacées par ces violences qui ont fait des dizaines de morts depuis le début de l’opération de l’armée birmane à la suite d’attaques de postes de police début octobre.
Des manœuvres de l’armée birmane dénoncées par la communauté internationale et les ONG: Amnesty International a évoqué une « punition collective » contre la population rohingya et un responsable de l’ONU a parlé de « nettoyage ethnique ».
Haïs par une partie de la population, à 95% bouddhiste, les Rohingyas sont considérés comme des étrangers en Birmanie et sont victimes de multiples discriminations.
Et l’arrivée au pouvoir fin mars de la lauréate du prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, n’a pour l’instant rien changé à la situation. Cette dernière ne s’est quasiment pas exprimée sur le sujet depuis le début des violences, dans un pays où l’armée échappe à son contrôle.
Expulsion
Mais de l’autre côté de la frontière, au Bangladesh, la situation est de plus en plus complexe car les camps de réfugiés installés depuis des années sont déjà saturés.
Seulement 32.000 Rohingyas ont été enregistrés comme réfugiés mais 200.000 d’entre eux se trouvent dans la région, survivant grâce aux aides humanitaires.
« Quelque 15.000 Rohingyas vivent déjà ici dans des conditions inhumaines depuis des années », explique Dudu Mia, chef du camp où Nur Begum a trouvé refuge. Il estime que 1.000 personnes sont arrivées ces derniers jours.
Le manque de nourriture est la plus grande crainte des nouveaux réfugiés qui arrivent épuisés après un long périple.
« Encore une autre semaine comme ça et mes enfants vont mourir de faim », redoute Siru Bibu. Enceinte, cette dernière a fui avec ses quatre enfants après la mort de son mari.
« Le Bangladesh a souvent dit qu’il ne pouvait pas nourrir plus de réfugiés et, en fait, il a refusé d’accorder une aide humanitaire aux Rohingyas parce que cela pourrait être un facteur d’attraction », explique Meenakshi Ganguly, responsable pour Human Rights Watch en Asie du Sud.
Les autorités ont donc renforcé les contrôles sur les organisations humanitaires et jeudi sept personnes ont été arrêtées pour avoir aidé les réfugiés.
Mais pour ces derniers, la plus grande peur reste l’expulsion.
« La police a arrêté certains de nos voisins et nous avons entendu dire qu’ils ont été renvoyés de l’autre côté de la frontière », raconte Ayamin Akter, mère de famille qui est parvenue à fuir avec seulement deux de ses six enfants.
« J’espère que cela ne va pas m’arriver. Je ne veux pas mourir. »
Source: AFP