Dans un ronronnement sourd, le quadrimoteur frappé d’une étoile rouge effectue un passage en rase-motte, déchaînant les hurlements d’un US Marine. Geste de défiance? Fureter en quête d’informations? La Russie s’invite dans les grandes manœuvres militaires de l’Otan.
Les passagers de l’USS Mount Whitney, navire-amiral de l’exercice Trident Juncture 18, venaient de prendre une photo de groupe sur le pont, au large de la Norvège quand le Tupolev TU-142, construit du temps de l’Union soviétique, s’est présenté par tribord.
« C’est un avion de patrouille maritime à long rayon d’action », explique, l’oeil expert, le Marine électrisé par cet épisode. « Ce n’est pas la première fois qu’on en voit un, mais c’est la première fois qu’on le voit à l’oeil nu ».
Depuis le début de Trident Juncture le 25 octobre en Norvège, la Russie a clairement cherché à marquer son mécontentement. Ces manœuvres, les plus vastes que l’Alliance atlantique ait conduites depuis la fin de la Guerre froide, se tiennent dans ce qu’elle considère comme son arrière-cour.
Moscou avait prévenu: il y aurait « une riposte ».
Avec ce TU-142, un appareil dérivé du bombardier stratégique TU-95, Moscou manifeste en tout cas sa présence.
« Ils nous ont à l’œil, et on les a à l’œil », explique le colonel Garth Manger, un Royal Marine britannique chargé des questions opérationnelles à bord de l’USS Mount Whitney.
Lui aussi héritage de la Guerre froide, c’est le troisième navire le plus vieux de l’US Navy. En près de cinq décennies d’existence, le vénérable bâtiment a bien sûr été considérablement modernisé. Et, dans le hall d’honneur, Donald Trump et Mike Pence sont venus garnir une longue série de portraits.
Doté aujourd’hui du nec plus ultra en matière d’équipements de télécommunications, l’USS Mount Whitney est le navire de commandement de Trident Juncture, ce qui le rend peut-être particulièrement intéressant aux yeux des Russes.
Où sont les missiles?
Avant le passage à basse altitude du Tupolev, Moscou a marqué le coup en disant projeter cette semaine des tests de missiles dans les eaux internationales de la mer de Norvège, dans une zone et à des dates chevauchant largement celles de l’exercice de l’Alliance atlantique. »Nous n’avons pas vu quoi que ce soit qui ressemble à un test de missile ou bien des navires ou aéronefs susceptibles d’attester la tenue de tels tests », confie Robert Aguilar, le capitaine de l’USS Mount Whitney.
Le message aux navigants (Notam), notification officielle donnée par les agences gouvernementales pour inviter le trafic aérien à éviter une zone pour raisons de sécurité, laissait entrevoir des tirs russes entre les 1er et 3 novembre. Aucune activité particulière n’a été détectée à ce stade.
Cela risque de conforter dans leurs convictions les militaires occidentaux confiant en privé voir en ces projets « une provocation ».
A bord de l’USS Mount Whitney, les officiers supérieurs se veulent flegmatiques vis-à-vis des Russes, reprenant fidèlement la ligne officielle adoptée par l’Otan.
« Nous sommes en mer, tout le monde a le droit d’être ici. Nous sommes dans des eaux internationales, dans un espace aérien international », assène l’amiral britannique Guy Robinson, numéro deux de la task force maritime. « Evidemment, on suit de près. Mais tout ce qu’on voit au cours de cet exercice, c’est qu’ils se comportent de manière professionnelle et sans poser de danger ».
A ses côtés, le rugueux général Jason Bohm, chef d’état-major des Marines américains participant à Trident Juncture, affiche la même sérénité: « le principal problème qu’on ait eu pendant l’exercice, c’est la météo ».
Source: AFP