Comme aux Etats-Unis, c’est en Israël que l’accord de reprise des relations diplomatiques entre Téhéran et Riad, est tombé comme une douche froide. D’autant qu’il a été conclu avec la médiation de Pékin.
Aucune position officielle israélienne n’a encore commenté cet évènement annoncé dans le cadre d’une déclaration conjointe, le vendredi 10 avril.
Reuters a rapporté les déclarations d’un haut responsable qui accompagnait le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans son voyage à Rome. Selon lui cet accord ne devrait pas affecter les efforts de normalisation avec le royaume wahhabite.
Cet avis ne semble pas être partagé un proche de Netanyahu et ancien ambassadeur israélien à l’Onu, Danny Danon, selon lequel l’accord « ne soutient pas nos efforts », pour une reconnaissance saoudienne d’Israël. Danon avait prédit une normalisation en 2023.
La conclusion de l’accord s’est invitée dans la surenchère de la vie politique israélienne, profondément déchirée par les désaccords causés par les récentes décisions de Netanyahu de réformer le système judiciaire israélien et les manifestations qui ont eu lieu ce dimanche encore, pour la 10eme semaine consécutive.
« Un échec de Netanyahu »
Ce dernier est tenu pour responsable dans le camp des ses rivaux politiques.
« Le renouveau des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran est une évolution dangereuse pour Israël, une victoire politique pour l’Iran et un échec retentissant du laxisme et de l’impuissance de Netanyahu », a déclaré le chef de l’opposition et l’ex-Premier ministre Neftali Bennet.
Et d’ajouter pour expliquer cette évolution au regard de la situation israélienne interne explosive : « les Etats du monde et de la région observent Israël qui est en conflit avec un gouvernement noyé dans l’autodestruction méthodique et choisissent de travailler avec un Etat perspicace ».
Même son de cloche de la part de son allié dans le gouvernement précédent Yaïr Lapid selon lequel « l’accord est un échec total et dangereux pour la politique étrangère du gouvernement israélien, il constitue l’effondrement du mur de défense régionale qui nous avions commencé à édifier contre l’Iran ».
L’accord irano-saoudien constitue « un échec retentissant enregistré sous le nom de Netanyahu exclusivement », a taclé pour sa part Avigdor Libermann le chef du parti Israel Beitenou selon lequel Netanyahu « est la cause essentielle pour laquelle les Saoudiens se sont dirigés vers Téhéran » et qu’il doit en assumer la responsabilité et démissionner.
« C’est Lapid qui est responsable »
Le camp de Netanyahu ne manque pas de rendre la balle à ses rivaux, usant de la même rhétorique.
« C’est Yaïr Lapid, le chef de l’opposition qui est responsable du rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran », a déclaré une source politique pour le média israélien Kan. « L’Arabie saoudite a pressenti la faiblesse américaine et la faiblesse israélienne, raison pour laquelle elle s’est orientée vers de nouveaux horizons ».
« Un coup au bloc hostile à l’Iran »
Loin des deux camps, les analyses livrées par des experts et relayées par les médias israéliens, soumettent l’accord à l’évaluation selon deux prismes : celui de la normalisation et celui de l’établissement d’un axe hostile à Téhéran dans la région. Ce sont deux piliers de la politique régionale promue frénétiquement par le Premier ministre actuel Benjamin Netanyahu que l’accord pourrait freiner sérieusement.
L’avis est tranché pour l’expert des Affaires du golfe de l’Institut des études sur la Sécurité nationale Yoel Guzansky selon lequel l’accord « est un coup au concept d’Israël et à ses efforts durant ces dernières années pour former un bloc hostile à l’Iran dans la région ».
« Si vous considérez le Moyen-Orient comme un jeu à somme zéro, d’après ce que font Israël et l’Iran, alors une victoire diplomatique de l’Iran est une très mauvaise nouvelle pour Israël », a-t-il déclaré.
« Dissiper le rêve israélien »
Même point de vue chez le Haaretz selon lequel l’accord « trace une nouvelle carte pour le Moyen-Orient et au-delà ».
« L’accord dissipe le rêve israélien d’établir une Alliance arabo – internationale contre l’Iran et pourrait relancer les contacts pour un nouvel accord nucléaire », a écrit son chroniqueur pour les Affaires arabes, Zvi Bar’el, ajoutant que sa signature indique « la montée en puissance de la Chine dans la région aux dépens des États-Unis ».
Il illustre aussi selon lui « la vitalité de l’Iran au milieu d’un monde arabe dans la région laquelle pourrait fructifier ultérieurement par des relations diplomatiques avec des Etats supplémentaires dont l’Egypte ».
« Il pourrait pallier la voie à la fin de la guerre ratée au Yémen, à la recherche d’une solution viable à la crise au Liban et à la reprise des négociations sur l’accord nucléaire », selon le Haaretz, qui a également souligné que l’accord était « un développement qui obligera les États-Unis à réexaminer leur position ».
L’infuence israélienne limitée sur Pékin
La médiation de la Chine dans cet accord a aussi occupé une place centrale dans les analyses israéliennes, -comme dans celles des Américains, du fait que c’est la première fois qu’elle intervient aussi efficacement dans une entente régionale au Moyen-Orient, rivalisant avec le rôle des Etats-Unis pour qui les intérêts de l’entité sioniste priment sur ceux des autres.
« Pékin est en train de prendre la place de Washington non seulement dans le domaine économique, mais pour devenir une force stratégique au Moyen-Orient sachant que le pouvoir d’Israël de l’influencer est très limité », souligne pertinemment le Haaretz. Il est vrai qu’en Chine, il n’y a pas de lobby pro israélien capable d’impacter sa politique étrangère pour le Moyen-Orient d’une manière décisive.
Attendre l’exécution de l’accord
A citer aussi certains points de vue israéliens qui conseillent de ne pas trop se précipiter dans les analyses « hystériques », pour « attendre si l’accord va être exécuté et comment il le serait et si les deux pays vont ouvrir leur ambassade respective », selon le chroniqueur des Affaires arabes de Kan, Roï Kais.
Nul doute que ni les Américains ni les Israéliens ne resteront les bras croisés et s’attelleront pour torpiller la mise en exécution de l’accord. Tous les deux disposent d’atouts de force auprès des Saoudiens et dans la région. A suivre.
Source: Divers