Le plafonnement du prix du pétrole exporté par la Russie, que les membres du G7 ont annoncé vendredi vouloir mettre en place « urgemment », est un mécanisme inédit aux effets incertains, dont des analystes préviennent qu’il pourrait se retourner contre ses concepteurs.
Le mécanisme imposerait une décote par rapport au prix du marché, afin de limiter les ressources que la Russie tire de la vente d’hydrocarbures, tout en le maintenant au-dessus du prix de production, pour préserver une incitation à l’exportation.
La ristourne, qui serait calculée distinctement pour le pétrole brut et les produits raffinés, pourrait être révisée régulièrement, selon un responsable du Trésor américain.
Des systèmes ont déjà été élaborés pour empêcher une nation d’exporter, comme c’est le cas pour l’Iran ou le Venezuela actuellement, ou limiter ses échanges, comme l’Irak dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture » (1995-2003), mais jamais l’Occident et ses alliés n’ont encore imposé un prix différencié à un pays.
Les membres du G7 ont déjà limité, voire suspendu, leurs achats de pétrole russe. Pour avoir un effet, le projet de plafonnement doit donc être adopté par d’autres pays, en priorité de grands clients de la Russie comme l’Inde ou la Chine.
Le G7 leur fait miroiter la possibilité de négocier des prix plus bas. Mais « la Chine et l’Inde achètent déjà leur pétrole moins cher » à la Russie, rappelle Bill O’Grady, de Confluence Investment.
« Ils ne vont pas suivre » le plafonnement, prévient John Kilduff, d’Again Capital au sujet de pays qui n’ont, jusqu’ici, pas participé au mouvement de sanctions qui vise la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine.
Pour que le plafonnement devienne réalité, il faut que la Russie s’y plie et continue d’exporter vers des pays qui en ont adopté le principe.
Or le vice-Premier ministre russe chargé des questions énergétiques, Alexandre Novak, a prévenu jeudi que la Russie ne vendrait plus de pétrole aux pays plafonnant les prix.
« En ce qui concerne les restrictions sur les prix, (…) nous ne livrerons simplement plus de pétrole ou de produit pétrolier aux compagnies ou aux pays qui imposent de telles restrictions », a-t-il averti, cité par les agences de presse russes.
Pour John Kilduff, la montée des prix enregistrée vendredi est d’ailleurs due, pour partie, à une réaction négative du marché à l’annonce du G7, qui fait craindre une contraction de l’offre mondiale et une nouvelle hausse des prix.
Si les cours se sont repliés sensiblement depuis les sommets du début de la guerre en Ukraine, ils demeurent élevés historiquement et extrêmement volatils.
L’Union européenne (à l’exception de trois de ses membres) se prépare à interdire, à partir du 5 décembre, l’importation de pétrole russe mais aussi à des assureurs européens de couvrir le transport vers d’autres destinations que l’UE.
« Washington s’inquiète de ces restrictions en matière d’assurance parce qu’elles auraient un impact majeur » en l’état sans possibilité de dérogation, fait valoir Bill O’Grady, et paralyseraient une proportion majeure des exportations russes.
Environ 90% du transport maritime de pétrole est, en effet, assuré par des acteurs de l’UE et britanniques, ces derniers s’étant alignés sur les sanctions de l’Union.
Si l’interdiction d’assurer ou de réassurer entrait en vigueur, « les exportations russes chuteraient vraiment », souligne Bill O’Grady.
Le plafonnement, initié par les Etats-Unis avant d’être validé par le G7, prévoit d’exempter de cet embargo le transport des cargaisons vendues à prix réduit, ce qui en limiterait, de fait, la portée.
Source: Avec AFP