Chaque matin, les enfants d’Oum Raghad bravent le froid glacial dans le camp de déplacés de Kafr Arouk en Syrie en quête de détritus à faire brûler pour se réchauffer.
« Quand je me réveille, ils ne sont pas là », raconte à l’AFP cette Syrienne, mère de trois enfants dans le camp situé dans la province d’Idleb dans le nord-ouest du pays ravagé par 10 ans de guerre.
« Ils partent de bonne heure chercher des bouts de sacs plastiques et des semelles », ajoute-t-elle, le visage à moitié caché par une épaisse écharpe noire.
L’hiver est rude dans le nord-ouest de la Syrie, surtout dans la province d’Idleb, dernier grand bastion rebelle et jihadiste qui abrite environ 1,5 million de déplacés ayant fui la guerre qui a fait plus de 500.000 morts depuis son déclenchement en 2011.
Chaque année, les fortes pluies transforment les camps de déplacés de la région, dont celui du village de Kafr Arouk, en marécages boueux inondant plusieurs tentes.
« Mes enfants ont froid, ils n’ont pas d’habits chauds », dit Oum Raghad, qui passe son troisième hiver là depuis la mort de son mari dans le conflit.
Sa tente n’est pas équipée d’un poêle, contrairement à celle de sa voisine Oum Raëd où les enfants ramènent leur « récolte » du jour pour y passer le reste de la journée au chaud.
« Ils mettent tout ce qu’ils trouvent chez Oum Raëd et restent chez elle jusqu’au coucher du soleil. »
La plupart des déplacés font des feux de bois pour se réchauffer ou utilisent des poêles dans leurs tentes, ce qui provoque régulièrement des incendies. Certains ont péri dans ces incendies, d’autres ont succombé à l’hypothermie.
Pour certains, c’est le dixième hiver loin de chez eux, dans des conditions qui continuent de se détériorer malgré une trêve dans les combats. « Nous n’avons pas les moyens de nous payer un réchaud ni de quoi manger, » dit Oum Raghad. « L’hiver est dur… très dur. »
Selon l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR), seule la moitié des 182 millions de dollars (environ 160 millions d’euros) nécessaires pour assurer les besoins hivernaux dans les camps en Syrie a été assurée.
L’épaisse fumée noire s’élevant au-dessus de la tente d’Oum Raëd, 45 ans, attire des voisins en quête de chaleur.
N’ayant pas les moyens d’acheter du charbon ou du bois, elle utilise un four rudimentaire, obtenu grâce à un don, pour brûler les déchets trouvés par les enfants. « Les voisins se réunissent tous dans ma tente pour rester au chaud », dit en toussant cette mère de huit enfants, dont trois aux besoins particuliers. « Parfois ça devient encombré avec plus de quinze personnes dans la tente. »
Médecins sans frontières (MSF), qui soutient des dizaines de camps dans le nord-ouest de la Syrie, a mis en garde en novembre contre les feux de fortune et les risques d’intoxication liés à l’inhalation de fumées nocives.
« Les maladies respiratoires sont l’une des trois premières maladies signalées dans nos installations du nord-ouest », a indiqué l’ONG.
Déplacée il y a neuf ans d’Alep, Oum Mohammed brûle brindilles et bouts de papier dans sa tente.
« L’odeur est forte et il y a beaucoup de fumée, » dit cette mère de trois enfants. « J’ai voulu aller voir un médecin mais je n’ai pas les moyens. »
A proximité, Abou Hussein, un déplacé de 40 ans, regarde un groupe d’enfants rassemblés à l’extérieur autour d’un feu.
« Quand on allume un feu à l’intérieur, les petits s’étouffent », indique ce père de dix enfants qui a fui la province centrale de Hama il y a quatre ans.
Mais « sans travail ni accès aux aides », il affirme ne pas avoir les moyens de leur acheter des médicaments.
Et pour ajouter à sa misère, l’eau de pluie passe à travers les trous de sa tente sur la tête des enfants pendant qu’ils dorment.
« Parfois, nous passons toute la nuit à couvrir les trous avec des sacs en plastique pour que les enfants ne soient pas mouillés. »
Source: AFP