L’une des théories les plus folles sur l’apparition du virus serait finalement vraisemblable, à en croire plusieurs investigations. Le 30 avril, des scientifiques du monde entier ont donc demandé à l’OMS à ce que des zones d’ombre soient levées. Précisions avec Hervé Fleury, virologue.
La version officielle aura nettement fluctué depuis la découverte du virus.Plus d’un an après son apparition sur le marché de fruits de mer de Huanan, le mystère demeure au sujet du SARS-CoV-2…
Pour Hervé Fleury, professeur de virologie au CNRS et à l’université de Bordeaux, nul doute que celui-ci provient d’un laboratoire chinois. Une thèse qu’il défend depuis le début et pour laquelle les preuves ne manquent pas, indique-t-il. Pourtant, il y a un an, c’était en vain qu’il tentait d’alerter sur la probabilité d’un tel scénario.
«Cela fait déjà un an que j’ai envoyé un article à plusieurs revues scientifiques sérieuses, dont une pour laquelle je suis éditeur et une autre, américaine, pour laquelle je travaille. À chaque fois, on me l’a refusé», rapporte avec amertume le chercheur, interrogé par Sputnik.
Aujourd’hui, la donne a quelque peu changé et désormais, plusieurs scientifiques travaillent malgré tout à lever le voile sur les origines de la pandémie.
Une expérience qui a mal tourné?
L’hypothèse d’un animal intermédiaire ayant pu transmettre naturellement le virus de la chauve-souris à l’homme ne s’impose en effet pas pour tout le monde.
Un temps soupçonné, le pangolin n’est d’ailleurs plus en cause. Ni aucun autre hôte, estiment Hervé Fleury ainsi qu’une trentaine de scientifiques dont plusieurs Français.
Une nouvelle fois ce 30 avril, ces derniers ont adressé une lettre ouverte à l’OMS et à son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Ils réclament l’accélération des recherches, en particulier sur la piste d’une fuite en provenance d’un laboratoire pour laquelle l’organisation a promis des réponses.
Et beaucoup d’éléments sont plus que troublants, avance le professeur Fleury, notamment autour du fameux laboratoire P4 sur lequel se portent les soupçons. Financée par la France après un accord de coopération scientifique entre Pékin et Paris, l’équipe chinoise qui le constitue aurait rapidement échappé à tout contrôle, se prêtant à des expérimentations dangereuses, d’après des membres de l’ambassade américaine à Pékin venus sur place. Selon différents médias chinois, et comme le rapporte Le Figaro, les chercheurs auraient même déversé les produits de certaines expériences dans les égouts de la ville, ou encore vendu les animaux cobayes sur les marchés.
«Ces chercheurs du laboratoire P4 travaillaient sur des virus de chauve-souris dont ils savaient très bien qu’ils pouvaient passer à l’homme sans intermédiaire. Ils en font même mention dans une publication datant d’avril 2013! De plus, en 2015, la directrice du laboratoire, une certaine Mme Shi, a collaboré avec une équipe américaine, celle du Dr Baric, spécialiste mondial des virus de chauve-souris. Et apparemment, il se serait fait envoyer des virus du laboratoire P4 pour en faire des recombinants [des virus recombinés entre eux, ndlr]», affirme Hervé Fleury.
À la suite de cela, ils ont cosigné un article attestant de la possibilité de contamination des cellules humaines par les virus de type SARS combinés à ceux de chauve-souris, ajoute-t-il. Enfin, en 2016, la même équipe de Caroline du Nord signalait dans une revue américaine qu’il faudrait commencer à réguler ce type d’expériences «extrêmement dangereuses». Des preuves indéniables, s’il en fallait, que le virus est le fruit d’un test qui aurait mal tourné, considère le chercheur.
Du «complotisme» à la réalité
Or sa thèse est désormais accréditée par un nombre croissant de ses pairs, alors qu’elle n’était, il y a un an, que le fruit d’esprits «complotistes». Ainsi l’OMS publiait-elle le 29 mars un rapport sur l’origine du virus. Et bien que n’excluant plus totalement la piste expérimentale, celle-ci privilégiait l’hypothèse de l’animal hôte, allant même jusqu’à affirmer que l’accident de laboratoire était un scénario «extrêmement improbable». Un déni persistant donc, à l’heure où les éléments de réponse semblent s’accumuler?
À l’origine de la lettre ouverte à l’OMS, le collectif international et indépendant baptisé Drastic (Decentralized Radical Autonomous Search Team Investigating Covid-19). Celui-ci mène également sa propre enquête depuis février et en arrive aux mêmes conclusions. Considérant que le rapport de l’autorité sanitaire est tronqué, ceux-ci sont formels: le Covid-19 est né d’une fuite accidentelle d’un virus modifié au Wuhan Institute of Virology. L’un de ses membres, le virologue Étienne Decroly, relevait ainsi récemment au micro de Sputnik le paradoxe de la Chine qui n’arriverait pas à identifier l’hôte intermédiaire sur les «60.000 échantillons de la faune sauvage et d’animaux d’élevage» qu’elle possède.
«Je pense pour ma part que l’un des virologues s’est contaminé durant les expériences et l’a transmis autour de lui. Entre 2002 et 2003, les Chinois ont évoqué des accidents de laboratoires similaires pour le virus du SARS», complète Hervé Fleury.
«L’histoire de l’hôte intermédiaire est une fausse piste», insiste-t-il. Cela dit, malgré les avancées de l’enquête et la réhabilitation de cette hypothèse, celle-ci ne sera jamais officiellement attestée, craint le professeur émérite.
«Je ne crois pas que la vérité éclatera un jour. La Chine ne permettra pas que l’on remonte à l’origine de l’infection. On peut formuler des hypothèses cohérentes, avoir des preuves, mais c’est tout», avance celui qui a dirigé des expériences similaires sur le virus Ebola.
En librairie ce 5 mai, un livre d’investigation signé par le journaliste scientifique Brice Perrier et préfacé par le professeur Decroly tente de faire la lumière sur les différents débuts d’explication. En particulier l’accident, «qui a été totalement décrédibilisé, donc écarté sous ce prétexte, avec le supposé aval de l’ensemble de la communauté scientifique». Peut-être ce travail et celui des chercheurs qui enquêtent contribueront-ils à faire éclater la vérité, du moins celle qu’ils partagent avec le professeur Hervé Fleury, qui convainc de plus en plus.
Source: Sputnik