L’Arménie et l’Azerbaïdjan étaient au bord de la guerre dimanche, des combats meurtriers ayant éclaté entre les forces azerbaïdjanaises et la région séparatiste du Nagorny Karabakh soutenue par Erevan. Les belligérants ont fait état de victimes militaires et civiles. Selon la partie arménienne, une femme et un enfant ont été tués.
Un conflit majeur impliquant l’Azerbaïdjan et l’Arménie pourrait entraîner l’intervention des puissances en concurrence dans la région du Caucase, la Russie et la Turquie. Le conflit autour du Nagorny Karabakh, qui a fait sécession de l’Azerbaïdjan avec le soutien arménien, nourrit les tensions régionales depuis 30 ans.
Un porte-parole du ministère azerbaïdjanais de la Défense a affirmé à l’AFP que Bakou avait conquis une demi-douzaine de villages sous contrôle arménien lors de ces affrontements. L’Arménie a démenti ces affirmations, selon l’agence russe Interfax.
Après l’annonce des premiers combats dimanche matin, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a décrété « la mobilisation générale » et l’instauration de « la loi martiale », tout comme les autorités du Karabakh. « Nous allons vaincre. Longue vie à la glorieuse armée arménienne! », a écrit M. Pachinian sur Facebook.
Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a lui convoqué une réunion de son conseil de sécurité au cours de laquelle il a dénoncé une « agression » de l’Arménie. « C’était une provocation prévue à l’avance », a-t-il dénoncé, cité par Interfax, promettant plus tôt dans la journée de « vaincre » Erevan.
Moscou a appelé dès dimanche matin « à un cessez-le-feu immédiat » et à des pourparlers, alors que les deux camps se rejettent la responsabilité des hostilités. La France, médiatrice du conflit avec la Russie et les Etats-Unis dans le cadre du Groupe de Minsk, a aussi appelé à cesser les hostilités, de même que Bruxelles. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, allié traditionnel de Bakou, a lui renouvelé son soutien à Bakou, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue azerbaïdjanais, selon la présidence d’Azerbaïdjan. Selon Moscou, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est lui entretenu avec son homologue turc, Mevlut Cavusoglu, convenant également de la « nécessité d’un cessez-le-feu ».
Victimes civiles et militaires
Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a indiqué avoir lancé une « contre-offensive sur toute la ligne de front » du Karabakh, afin de « mettre fin à des activités militaires des forces armées de l’Arménie ».
La présidence azerbaïdjanaise a signalé « des morts et des blessés » parmi les civils et les militaires, tandis que le médiateur public du Karabakh a déclaré qu’il y avait « des victimes civiles ». Aucun bilan chiffré n’a été avancé. Le ministère de la Défense du Karabakh a indiqué de son côté avoir détruit 4 hélicoptères, une quinzaine de drônes et 10 chars azerbaïdjanais.
L’Azerbaïdjan avait auparavant indiqué qu’un de ses hélicoptères avait été abattu mais que son équipage était sain et sauf. Il affirme avoir détruit 12 batteries anti-aériennes.
Un « conflit négligé »
Le Nagorny Karabakh est une région sécessionniste d’Azerbaïdjan, peuplée majoritairement d’Arméniens et soutenue par l’Arménie. Elle a été le théâtre d’une guerre au début des années 1990 qui a fait 30.000 morts, et depuis lors, Bakou veut en reprendre le contrôle. Des pourparlers de paix sont dans l’impasse depuis de longues années.
Des combats opposent régulièrement séparatistes et Azerbaïdjanais, mais aussi Erevan et Bakou. En 2016, de graves heurts avaient failli dégénérer en guerre au Karabakh, et des combats meurtriers ont aussi opposé en juillet 2020 Arméniens et Azerbaïdjanais à leur frontière nord. Les deux camps ont l’habitude de se rejeter la responsabilité de ces flambées de violence.
« Nous sommes à deux doigts d’un conflit à grande échelle », a affirmé à l’AFP Olesya Vartanyan, experte du International Crisis Group, estimant que cette nouvelle escalade s’expliquait notamment par l’absence d’une médiation internationale active ces derniers temps. « Depuis l’épidémie de coronavirus, le conflit a été négligé, sans que des diplomates se rendent à Bakou et à Erevan même après les affrontements de juillet », a-t-elle regretté.
Ces dernières années, Bakou a profité de ses réserves immenses de pétrole pour dépenser sans compter en matière d’armement et bénéficie du soutien d’Ankara. L’Arménie, bien plus pauvre, est toutefois plus proche de la Russie, qui y dispose d’une base militaire. Erevan appartient aussi à une alliance politico-militaire dirigée par Moscou, l’Organisation du traité de sécurité collective. Le Kremlin, qui se positionne en arbitre régional, livre des armes aux deux pays.
Source: Sputnik