Le Président algérien a estimé dans un entretien accordé, lundi 13 juillet, à la revue française L’Opinion que le projet de construction d’une base militaire marocaine près de la frontière avec l’Algérie «doit s’arrêter», car il constitue «une escalade» d’un niveau jamais atteint auparavant.
Selon le Président Abdelmadjid Tebboune, le conflit au Sahara occidental concerne exclusivement le Maroc et le Front Polisario dont l’Algérie soutiendra n’importe quel accord bilatéral entre les deux parties.
«La construction de bases militaires à nos frontières est une forme d’escalade qui doit s’arrêter», a affirmé le chef de l’État algérien.
S’exprimant sur l’état des relations bilatérales entre les deux pays, M.Tebboune a souligné qu’«en ce qui nous concerne, nous n’avons aucun problème avec le Maroc et sommes concentrés sur le développement de notre pays». «Nos frères marocains ne semblent pas être dans le même état d’esprit», a-t-il lancé.
Le Sahara occidental, la pomme de discorde
Depuis 1975, le conflit au Sahara occidental constitue le point d’achoppement des relations entre l’Algérie et le Maroc. En effet, le royaume marocain revendique sa souveraineté sur ce territoire et propose un plan d’autonomie pour juguler le problème.
Alors que le Front Polisario se bat pour sa libération de «l’occupation marocaine», exigeant, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu, l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, solution qu’Alger soutient dans le cadre de la légalité et du droit international.
Ainsi, s’exprimant sur cette épineuse question, le chef de l’État algérien a regretté que le Maroc considère que «la République arabe sahraouie est de trop sur l’échiquier international», soulignant que «c’est à eux [les Marocains, ndlr] d’engager le dialogue avec le Polisario». «Si les Sahraouis acceptent leurs propositions, nous applaudirons», a-t-il soutenu.
Par ailleurs, Abdelmadjid Tebboune a affirmé que le soutien apporté par l’Algérie à la République arabe sahraouie démocratique (RASD) était une question de principe de la diplomatie algérienne qui s‘est toujours rangée du côté des causes justes défendues par les mouvements indépendantistes. «C’est presque dogmatique», a-t-il souligné.
Samedi 4 juillet, le Président Tebboune avait déjà affirmé lors d’un entretien accordé à France 24, que toute initiative positive de la part du royaume marocain serait «la bienvenue» pour résoudre d’une manière définitive ces problèmes.
Le 5 juillet, à l’occasion du 58e anniversaire de l’Indépendance algérienne, le roi Mohammed VI a adressé un message de félicitation à Abdelmadjid Tebboune, réaffirmant «la solidité des liens de fraternité liant les peuples algérien et marocain», selon Maghreb Arabe Presse (MAP).
Un travail mémoriel de « vérité » sur l’Algérie et la France
Sur un autre plan, M.Tebboune a estimé que l’Algérie et la France sont « incontournables » l’une pour l’autre du fait de leur histoire commune, et deux historiens, un pour chaque pays, vont mener conjointement un travail mémoriel de « vérité » sous la tutelle des présidents des deux pays.
Côté français, ce sera l’historien Benjamin Stora qui a été désigné, selon M. Tebboune. « Il est sincère et connaît l’Algérie et son histoire, de la période d’occupation jusqu’à aujourd’hui », a-t-il déclaré, ajoutant que son homologue algérien serait nommé « dans les 72 heures ».
Tebboune et Emmanuel Macron ont parlé de ces questions mémorielles lors de leur entretien téléphonique jeudi, dernier d’une série d’échanges dessinant un rapprochement entre les deux pays aux relations intimes et compliquées, fruit de l’Histoire, de la colonisation et des flux migratoires.
L’entretien a eu lieu quelques jours après la remise par la France des restes de 24 martyrs algériens tués au début de la colonisation française au XIXe siècle.
Les deux personnalités désignées « travailleront directement sous notre tutelle respective. Nous souhaitons qu’ils accomplissent leur travail dans la vérité, la sérénité et l’apaisement pour régler ces problèmes qui enveniment nos relations politiques, le climat des affaires et la bonne entente.
L’Algérie est incontournable pour la France, et la France l’est pour l’Algérie. Il faut affronter ces évènements douloureux pour repartir sur des relations profitables aux deux pays, notamment au niveau économique », estime M. Tebboune.
« La remise récente des restes mortuaires des combattants qui se sont opposés, il y a un siècle et demi, à l’installation de l’armée coloniale constitue un grand pas », selon le président algérien, qui évoque d’autres épisodes de la période coloniale qu’il souhaite voir abordés.
Début juillet, il avait aussi déclaré à la chaîne de télévision France 24 attendre des excuses de la France pour la colonisation de l’Algérie afin « d’apaiser le climat et le rendre plus serein ».
Le président algérien a par ailleurs déclaré dans l’Opinion que son pays n’attendait pas nécessairement une compensation matérielle pour la période coloniale, mais surtout « la reconnaissance de l’Etat français de ses actes » et, éventuellement, une compensation pour les « essais nucléaires » français sur le territoire algérien.
Source: Avec Sputnik