Les livraisons d’armes aux factions rivales par des Etats étrangers se poursuivent en Libye en dépit des engagements pris lors de la récente conférence internationale de Berlin, a dénoncé dimanche l’ONU, en s’inquiétant du sort de la trêve actuelle.
La Mission des Nations unies en Libye (Manul) « regrette profondément les violations flagrantes et persistantes de l’embargo sur les armes », objet de la résolution 1970 de 2011 au Conseil de sécurité, « malgré les engagements des pays concernés » pris à Berlin le 19 janvier, est-il écrit dans un communiqué.
Selon la même source, « des vols de fret et autres » ont atterri ces dix derniers jours dans des aéroports de l’ouest et de l’est de la Libye pour livrer aux belligérants « des armes avancées, des véhicules blindés, des conseillers et des combattants ».
En proie au chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est actuellement déchirée entre deux pouvoirs rivaux: celui du gouvernement d’union (GNA), basé à Tripoli (ouest) et reconnu par l’ONU, et celui du maréchal Haftar, l’homme fort de l’est libyen.
Alors que ce conflit menace de dégénérer avec une implication étrangère croissante, les participants à la conférence de Berlin ont pris plusieurs engagements, dont celui de cesser les livraisons d’armes.
Ces pays ont aussi promis de s’abstenir de toute ingérence dans les affaires libyennes et de tout acte susceptible d’exacerber le conflit, tel le financement des capacités militaires ou le recrutement de mercenaires.
« Répit bienvenu »
Depuis le 4 avril 2019, la guerre est aux portes de Tripoli: à cette date, le maréchal Haftar, soutenu par la Russie, les Emirats arabes unis et l’Egypte, a lancé une offensive sur la capitale, siège du GNA, de son côté appuyé par la Turquie.
Plus de 2.000 combattants et plus de 280 civils ont été tués, d’après l’ONU. Près de 150.000 Libyens ont été déplacés.
Un cessez-le-feu a été instauré le 12 janvier à l’initiative de Moscou et Ankara, mais il reste précaire: il a été formellement signé par le GNA mais pas par le maréchal Haftar, et les deux parties s’accusent régulièrement de violer la trêve.
Dans son communiqué, la Manul souligne que la baisse des combats offre « un répit bienvenu pour les habitants de la capitale ».
Mais « cette trêve fragile est aujourd’hui menacée par l’acheminement de combattants étrangers, d’armes, de munitions et de systèmes avancés aux parties par les Etats membres, dont plusieurs ont participé à la conférence de Berlin », a insisté la mission de l’ONU, sans identifier ces pays.
Samedi, de nouveaux accrochages autour de Tripoli ont fait au moins un mort -un Marocain- et blessé sept civils, a déclaré dimanche à l’AFP Amine al-Hachemi, porte-parole du ministère de la Santé du GNA.
Et les « violations en cours » de l’embargo sur les armes risquent de replonger le pays dans « une nouvelle spirale de combats intenses », prévient la Manul.
Pétrole à l’arrêt
Selon un accord signé fin novembre entre Ankara et le GNA, la Turquie apporte un soutien militaire à Tripoli tandis que Moscou, malgré ses dénégations, est soupçonné d’appuyer les pro-Haftar avec des armes, de l’argent et des mercenaires.
Dans ce contexte, la communauté internationale craint de voir le conflit en Libye dégénérer en « nouvelle Syrie ».
Ce risque d’escalade se double de craintes de voir l’économie s’effondrer en raison de l’arrêt des exportations du pétrole –quasiment l’unique source de revenu du pays.
Le 18 janvier, à la veille du sommet international de Berlin, des forces pro-Haftar ont bloqué les principaux terminaux et champs pétroliers dans l’est et le sud, entraînant une chute drastique de la production et des pertes estimées à plus de 256 millions de dollars, selon un bulletin de la Compagnie nationale de Pétrole (NOC).
Les ambassades des Etats-Unis, du Royaume-Uni ainsi que de la délégation de l’Union européenne en Libye ont appelé ces derniers jours à une reprise « immédiate » des opérations pétrolières », en mettant en garde contre le risque d’aggravation de la situation humanitaire.
La production avait déjà plongé à moins de 500.000 barils/jour entre 2014 et 2016 en raison des violences autour des sites pétroliers et d’une lutte d’influence entre groupes rivaux.
Source: AFP