Les responsables israéliens affirment souvent que le Hamas pille l’aide humanitaire destinée à Gaza, mais les preuves suggèrent le contraire.
De nouveaux rapports et témoins oculaires indiquent qu’Israël soutient des miliciens liés à Daech (État islamique-EI), œuvrant à remplacer les forces de sécurité du Hamas et pillant l’aide humanitaire sous la surveillance des drones de l’armée israélienne.
De nouvelles preuves ont récemment confirmé la présence d’une milice liée à l’EI à Gaza, opérant dans la zone tampon contrôlée par Israël et contrôlant les routes sur lesquelles l’aide humanitaire doit être acheminée. Ces hommes armés ont été photographiés brandissant des armes automatiques, vêtus de gilets pare-balles de l’armée israélienne et arborant des drapeaux palestiniens sur leurs casques.
À première vue, ils pourraient être pris pour des agents des forces de sécurité palestiniennes. En réalité, ils sont membres d’un réseau criminel tristement célèbre, responsable du pillage de l’aide humanitaire.
Le 21 mai, 15 camions du Programme alimentaire mondial transportant de la farine ont été pillés, et des sources de l’ONU indiquent que les auteurs de ces actes sont ces factions armées. Pourtant, ils prétendent être un groupe d’opposition légitime prêt à remplacer le Hamas.
Pendant environ 80 jours, Israël a imposé un blocus total sur toutes les denrées alimentaires, les fournitures médicales, l’eau et le carburant entrant sur le territoire. Dès qu’un petit nombre de camions a été autorisé à entrer, les miliciens ont été repérés, vêtus de nouveaux équipements militaires et prêts à intercepter les fournitures humanitaires.
« Services antiterroristes » liés à l’EI
Le chef de la milice alignée sur Israël est un homme nommé Yasser Abu Shabab, membre du clan Tarabin qui s’étend entre le Naqab (Néguev), Gaza et le Sinaï. Cependant, lui et d’autres membres du clan Tarabin sont depuis longtemps dénoncés comme non représentatifs du clan en raison de leur lourd passé criminel.
Abu Shabab, bien connu à Gaza pour son opposition farouche au Hamas, a été arrêté pour trafic de stupéfiants. Il entretient également des liens directs avec l’EI dans le Sinaï égyptien. Lorsque les bombardements israéliens ont détruit les prisons gérées par les forces de sécurité du Hamas au début de la guerre de Gaza, ce criminel notoire a pu s’échapper.
Abu Shabab a rapidement mis sur pied une milice d’au moins 100 hommes, dont beaucoup ont également été emprisonnés et entretiennent des liaisons avérées avec l’EI et des groupes liés à Al-Qaïda.
Une note interne de l’ONU, rapportée par le Financial Times en novembre 2024, indiquait que les hommes d’Abu Shabab opéraient à l’intérieur de la zone tampon d’Israël, pillant les convois d’aide humanitaire avec «la bienveillance passive, voire active» de l’armée israélienne. Cette information est d’autant plus notable que l’armée israélienne a régulièrement tiré et tué des civils tentant d’entrer dans cette même zone, même lors d’opérations coordonnées à l’avance.
Si ces factions criminelles ont commencé à piller dès le début de la guerre à Gaza, elles se sont particulièrement illustrées après l’invasion de Rafah par Israël le 6 mai 2024. Jusqu’alors, c’était la police palestinienne alignée sur le Hamas qui coordonnait l’acheminement de l’aide via le checkpoint de Rafah.
Cette sécurité était assurée malgré les menaces d’Israël d’abattre les policiers s’ils s’approchaient des camions d’aide, contraignant souvent les forces de l’ordre de Gaza à rester en retrait. Mais une fois Rafah envahie et la police disparue, l’armée israélienne a œuvré en étroite collaboration avec les réseaux criminels pour intercepter et vendre l’aide volée par l’intermédiaire de revendeurs.
En conséquence, les prix des produits de première nécessité ont explosé, ces gangs distribuant au compte-gouttes le ravitaillement aux vendeurs locaux, entretenant ainsi une pénurie artificielle durant la famine. La principale organisation israélienne de défense des droits humains, B’Tselem, a qualifié cette politique de « fabrique de famine ».
Deux sources travaillant avec des agences d’aide humanitaire à Gaza ont confirmé à MintPress News que toute l’aide entrant dans la bande de Gaza est soit soumise à des dessous-de-table versés à ces gangs, soit partiellement ou totalement confisquée. Toutes deux ont souhaité garder l’anonymat, affirmant que les gangs sont largement soupçonnés de coordonner leurs agissements avec l’armée israélienne.
Avant le 19 janvier, date à laquelle un cessez-le-feu temporaire a été instauré, ces gangs portaient des cagoules et agissaient en tant que milice désorganisée. Ces dernières semaines, cependant, ils se sont rebaptisés « Service antiterroriste » et prétendent être une opposition populaire au Hamas.
Sur la page Facebook d’Abu Shabab, il se décrit désormais comme un « leader populaire qui lutte contre la corruption et le pillage », publiant des photos de lui-même patrouillant sur les routes et affirmant œuvrer avec des organisations humanitaires internationales pour garantir la livraison des camions de farine.
En novembre 2024, il a déclaré au Washington Post que « le Hamas ne nous a rien laissé », niant même que ses hommes soient armés. Il a affirmé que les pillages sont le fait d’individus non armés et qu’ils évitent de voler la nourriture destinée aux enfants. Pourtant, les travailleurs humanitaires et les chauffeurs routiers affirment que les hommes d’Abu Shabab commettent des vols à main armée.
Un autre chef de guerre soutenu par Israël serait Shadi al-Sufi, un meurtrier et trafiquant de drogue condamné à mort. En 2020, il a assassiné Jabr Al-Qiq, un haut commandant des brigades Abu Ali Mustafa du FPLP. Il aurait ensuite œuvré avec des contacts de l’EI pour s’échapper vers le Sinaï.
Un haut responsable d’une grande organisation humanitaire a déclaré à MintPress News : «Dans les zones où opèrent les forces de sécurité, la situation a toujours été plus stable, et elles ont à plusieurs reprises réprimé les activités du marché noir. Quiconque vous dit que les gangs aident la population est un menteur, voilà ce que je peux vous dire”.
En novembre, Haaretz a rapporté que « L’armée israélienne est consciente du problème. Elle a déclaré qu’à un moment donné, le gouvernement a même envisagé de confier aux clans armés la responsabilité de distribuer l’aide aux habitants de Gaza, même si certains membres de ces clans sont impliqués dans des activités terroristes et affiliés à des organisations extrémistes telles que l’État islamique ».
Telle semble désormais être la stratégie israélienne : faire de ces gangs criminels une milice de remplacement pour supplanter le Hamas. Ce revirement coïncide également avec les initiatives de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une organisation liée aux États-Unis qui serait impliquée dans des contrats militaires privés, laissant craindre que de tels groupes puissent être sollicités pour coopérer avec ces réseaux armés.
Une source proche des forces de sécurité palestiniennes à Gaza a déclaré à Mint Press News qu’une stratégie similaire a déjà été tentée dans le nord de Gaza, mais que le Hamas, œuvrant avec des habitants sans affiliation politique, a démantelé les réseaux criminels qui commençaient à se former sous la supervision d’Israël.
Le Hamas contre l’EI & Israël
Parallèlement, l’ONU et toutes les grandes organisations humanitaires qui se sont penchées sur la question ont accusé les gangs, et non le Hamas, d’être responsables des pillages. Aucune n’a rapporté de cas crédibles de vol d’aide humanitaire par le Hamas. En fait, l’administration Biden a même demandé à Israël en février 2024 de cesser de cibler les forces de sécurité du Hamas, qui aidaient à coordonner l’acheminement des camions humanitaires à Gaza.
« Le Hamas, c’est l’État islamique”, a déclaré le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu . Mais les actions récentes d’Israël suggèrent le contraire, à savoir que ce dernier renforce activement les factions salafistes afin de nuire au Hamas à Gaza. En mars, l’armée israélienne a émis l’idée d’armer certains clans tribaux afin d’établir des « zones exemptes du Hamas ». Parmi ceux envisagés figurait le clan Dughmush, connu depuis longtemps pour ses liens avec Daech.
Depuis que le Hamas a été élu au pouvoir et a pris le contrôle total de Gaza en 2007, il mène une guerre incessante contre les factions salafistes-djihadistes à l’intérieur de la bande de Gaza. En 2009, il a écrasé un soulèvement aligné sur Al-Qaïda qui a fait 22 morts. Des attentats à la bombe et des tentatives d’assassinat sporadiques ont suivi.
Les tensions entre le Hamas et les affiliés d’Al-Qaïda se sont poursuivies par intermittence pendant des années, marquées par des violences ponctuelles et des arrestations massives régulières, notamment en 2015, lorsque le Hamas a arrêté plus de 50 militants salafistes après une vague d’attentats à la bombe visant des civils à Gaza.
La même année, l’EI a officiellement pris part au conflit. La Brigade Cheikh Omar Hadid, qui lui est affiliée, a annoncé sa présence à Gaza peu après l’exécution du commandant du Hamas Cheikh Abu Salah Taha dans le camp de Yarmouk en Syrie. Le Hamas a réagi sans tarder : ses forces de sécurité ont traqué et tué le chef du groupe, Younis Hunnar, lors d’une fusillade.
En 2018, Daech a officiellement «déclaré la guerre» au Hamas, appelant ses partisans à mener des attaques afin de renverser le groupe à Gaza.
Aujourd’hui, dans un revirement cynique, Israël soutient bon nombre de ces mêmes éléments. Sous le couvert de « l’aide à la sécurité », il arme et aide d’anciens membres de l’EI et d’Al-Qaïda, ainsi que des trafiquants et des chefs de guerre notoires, à établir des zones de contrôle à Gaza. Ces forces sont présentées comme une alternative populaire au Hamas. Dans la pratique, elles pillent l’aide humanitaire et déstabilisent la gouvernance locale sous l’œil vigilant des drones israéliens.
Sources: Mint Press News; traduit par Spirit of Free Speech