Le prince héritier Mohamad ben Salmane (MBS) a de grandes ambitions pour diversifier une économie saoudienne axée en grande partie sur l’exportation des hydrocarbures. La diversification de l’économie saoudienne est impérative, car la baisse des prix du pétrole ces dernières années a conduit Fitch ratings à abaisser la note souveraine du royaume.
Pour encourager le financement du plan de développement économique, les autorités saoudiennes visent l’introduction en Bourse de 5% du capital d’Aramco. En 2018, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 360 milliards de dollars et un bénéfice de 111 milliards de dollars, soit cinq fois celui de la compagnie pétrolière anglo-néerlandaise Shell. L’introduction en Bourse d’Aramco devrait rapporter 100 milliards de dollars (environ 91 milliards d’euros) dans les caisses du fonds souverain saoudien. De même, Riyad veut également encourager les investisseurs étrangers à participer à la transformation de l’économie saoudienne.
Cependant, une escalade des tensions dans les semaines ou les mois à venir pourrait compromettre les ambitions économiques du prince héritier saoudien. En effet, de nouvelles attaques dans le royaume saoudien réduiraient la confiance des organisations multinationales pour investir dans de grands projets d’infrastructure. Ces projets comprennent la construction de « Neom », une cité futuriste, budgétée à 500 milliards de dollars. Ainsi, de nouvelles tensions pourraient empêcher MBS d’acquérir le savoir-faire et les compétences, issus du capital humain des organisations multinationales, nécessaires au développement d’une économie moderne.
De nouvelles attaques contre des installations pétrolières saoudiennes pourraient également compromettre l’introduction en Bourse d’Aramco. Les attaques contre des installations pétrolières à Abqaiq et Khurais ont montré que les autorités saoudiennes sont incapables de protéger leurs sites pétroliers. La valorisation d’Aramco et de ses actifs pourrait être gravement affectée en cas de nouvelles attaques et pourrait réduire la volonté des investisseurs étrangers d’investir dans les actions de l’organisation. Robin Mills de Qamer Energy affirme que de nouvelles attaques rendraient impossible l’introduction en bourse d’Aramco.
Les alliés de Riyad ne veulent pas d’une confrontation directe avec l’Iran.
L’Arabie Saoudite aimerait que ses alliés se battent pour eux, mais Abou Dhabi et Washington sont réticents. Nous assistons à un changement de la ligne politique des autorités émiraties qui, depuis fin juin, ont envoyé plusieurs signaux d’apaisement en direction de Téhéran. Craignant un embrasement dans le golfe Arabo-Persique Abou Dhabi avait envoyé le chef des garde-côtes émiratis à Téhéran le 30 juillet 2019 pour rencontrer son homologue iranien.
Pour le président Trump, une confrontation avec le régime chiite irait à l’encontre de ses intérêts. En effet, lors de la dernière campagne présidentielle, Trump s’est engagé à ne pas engager les troupes américaines dans un nouveau conflit au Moyen-Orient. Donald Trump reste donc concentré sur son objectif principal : maintenir sa pression maximale sur la République islamique pour provoquer une rencontre avec le président iranien Hassan Rohani et lui imposer un nouvel accord aux conditions américaines, dont il pourra se targuer avant la présidentielle de 2020.
Le refus de Trump de riposter contre l’Iran après les attaques contre des sites pétroliers saoudiens aurait dû inciter Riyad à réduire les tensions actuelles avec le régime iranien. Pourtant, en accusant publiquement Téhéran pour les dernières attaques et en menant de nouvelles frappes contre les rebelles houthis, il est clair que la stratégie saoudienne n’a pas l’intention d’apaiser les tensions dans la région.
Cette stratégie ne fera qu’accroître la menace sécuritaire au sein du royaume saoudien, mais aussi dans le golfe Arabo-Persique. L’Iran a des alliés dans la région, en particulier le régime alaouite en Syrie, le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen et les milices pro-iraniennes en Irak permettant au régime iranien d’imposer leur influence sur la région. Les autorités iraniennes ont également réussi à placer des conseillers issus des Gardiens de la révolution en Irak, l’armée d’élite en charge de la protection du régime chiite. Ainsi, la présence de groupes armés qui soutiennent les intérêts de Téhéran au cœur du Moyen-Orient permet au régime iranien de s’engager dans le bras de fer avec les États-Unis et l’Arabie Saoudite, de frapper, sans avoir à s’exposer directement. Il serait donc dans l’intérêt des Saoudiens de recourir à l’apaisement avec le régime iranien.
Par Kareem Salem
Source: Réseau international