Le discours du Président de la République devant les ambassadeurs de France réunis à Paris, où il a notamment critiqué le capitalisme et évoqué les relations avec la Russie et le «scandale humanitaire» de l’immigration, a été analysé par le correspondant défense et diplomatie de l’Opinion, Jean-Dominique Merchet.
Devant le corps diplomatique réuni à l’Élysée à l’occasion de l’ouverture de la 27e Conférence des ambassadeurs, Emmanuel Macron a prôné mardi 27 août une «stratégie de l’audace» diplomatique pour la France pour éviter l’effacement de l’Europe face à la prééminence de la Chine et des États-Unis, insistant sur la nécessité d’un rapprochement entre l’Union européenne et la Russie.
Le Président a articulé son discours autour de trois idées majeures: dynamisme, humanisme et souverainisme européen, constate L’Opinion sous la plume de son correspondant Jean-Dominique Merchet.
Expliquant ses ambitions diplomatiques, le Président de la République convient que «tout ce que nous sommes en train de faire ne réussira peut-être pas».
«Ceci n’est pas grave, ce qui est aujourd’hui mortel, c’est de ne pas essayer», a-t-il déclaré.
C’est la France qui a décidé d’inviter Zarif à Biarritz, insiste Macron
La rencontre s’étant tenue au lendemain du sommet du G7, l’auteur rappelle notamment le clash entre Emmanuel Macron et le Président brésilien Jair Bolsonaro sur l’Amazonie, ou encore la visite surprise du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif à Biarritz.
M.Merchet en profite pour rappeler ces surprises diplomatiques faites par les prédécesseurs de M.Macron, comme lorsque François Mitterrand a débarqué à Beyrouth en 1983 et à Sarajevo en 1992, lorsque Jacques Chirac a menacé de reprendre son avion à Jérusalem en 1996 ou a brandi le veto de la France contre la guerre d’Irak en 2003, lorsque Nicolas Sarkozy est venu à Moscou pendant le conflit militaire en Ossétie du Sud en 2008 et lorsque François Hollande a réuni ses homologues russe et ukrainien en vue de stopper le conflit ukrainien en 2014.
«C’est un peu la marque de fabrique de la diplomatie élyséenne, tentant de compenser l’affaiblissement de la France sur la scène internationale par des coups d’éclat et des mises en scène», constate Jean-Dominique Merchet.
Pour ce qui est du «projet humaniste», le Président considère que «l’ensauvagement du monde est reparti» et qu’il importe de «refonder la civilisation européenne» et de «revisiter l’esprit des Lumières». Il a critiqué «le capitalisme devenu « accumulatif », produisant des « inégalités insupportables » tant au sein des nations qu’entre elles».
Capitalisme et immigration
La semaine dernière, Emmanuel Macron constatait que le capitalisme n’arrivait plus «à faire bien vivre les travailleurs» et s’inquiétait mardi du sort des «classes moyennes», expliquant ainsi «la contestation des systèmes démocratiques et capitalistes et la fascination pour les régimes autoritaires ou illibéraux».
Pour Macron, écarter la Russie de l’Europe est une «profonde erreur stratégique»
Jean-Dominique Merchet constate également «cette tonalité de gauche» dans le dossier de l’immigration. Ainsi, alors que la France a promis d’accueillir près de la moitié des migrants du navire Viking Ocean, Emmanuel Macron a qualifié le dossier migratoire de «scandale humanitaire», estimant nécessaire de «revoir tous ces dogmes» du ministère de l’Intérieur.
«Je vais moi-même intensifier mon implication sur ce sujet», a-t-il lancé.
En matière de souverainisme, Emmanuel Macron estime que le monde est aujourd’hui confronté à une «crise très profonde des démocraties» qui doivent relever des défis environnementaux, technologiques ou migratoires et plaide pour une «reprise de contrôle».
«Pour Emmanuel Macron, cette reprise de contrôle ne peut s’opérer qu’au niveau de l’Europe, face au reste du monde». Sans «souveraineté européenne», «l’Europe disparaîtra», car «nous n’aurons plus le choix qu’entre deux dominations», celle des États-Unis ou de la Chine, note le journal.
Et s’il a rappelé aux diplomates sa volonté d’ouverture vers la Russie, le chef de l’État «se défie surtout de la Chine», ce que prouve «son appel à un « axe indopacifique » (Inde, Japon, Australie, etc.) pour contenir Pékin».
«Une vision géopolitique en ligne avec celle des États-Unis», fait remarquer pour conclure Jean-Dominique Merchet.
Source: Sputnik