Un dirigeant emprisonné de la minorité musulmane chiite du Nigeria a été autorisé lundi par la justice à se rendre sous caution en Inde pour se faire soigner, une mesure susceptible de faire baisser la tension après des mois de manifestations parfois sanglantes pour réclamer sa libération.
Ibrahim Zakzaky, fondateur du Mouvement islamique du Nigeria (MIN), est détenu avec son épouse Zeenah Ibrahim depuis leur arrestation en décembre 2015 après la répression par la police d’une manifestation qui avait fait plusieurs centaines de morts.
Selon les avocats du dirigeant qui serait âgé d’environ 65 ans, il a perdu son oeil droit et risque de perdre le gauche. Il a aussi dans le corps des éclats de balles reçues en 2015.
« Le juge a ordonné que Zakzaky puisse prendre un vol pour l’Inde pour y bénéficier d’un traitement médical, a déclaré un de ses avocats, Femi Falana, à l’AFP.
Sa femme a également été autorisée à quitter le Nigeria avec lui, selon un membre de l’équipe de défense de cheikh Zakzaky.
Les services de renseignement nigérians (DSS), qui détenaient Ibrahim Zakzaky et son épouse, ont affirmé dans un communiqué qu’ils allaient appliquer la décision de la justice, « conformément à son engagement reconnu au service de l’Etat de droit inhérent à toute démocratie ».
Le MIN est un groupe représentant les musulmans chiites du Nigeria.
Il a manifesté quasi quotidiennement ces derniers mois dans la capitale Abuja pour obtenir la libération de son leader, dont le procès avait été fixé à lundi après avoir été ajourné.
« Organisation terroriste »
Au moins huit personnes, six manifestants, un journaliste et un policier, avaient été tués le 22 juillet dans des violences policières pendant une marche. Le MIN, qui revendique un bilan de 20 morts dans ses rangs, a été interdit par la présidence nigériane quelques jours plus tard et le groupe a été qualifié d’organisation « terroriste » par la police.
L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a affirmé lundi qu’au moins trois personnes arrêtées lors des manifestations du 22 juillet étaient mortes des suites de blessures par balles, après s’être vues refuser tous soins en détention.
Les partisans du dirigeant nigérian avaient suspendu les manifestations jusqu’à lundi dans l’attente du jugement tandis que les avocats réclamaient la libération sous caution de M. Zakzaky pour lui permettre d’aller se faire soigner à l’étranger.
Cette décision pourrait entrainer une baisse de la tension avec le MIN mais le gouvernement du président Muhammadu Buhari, soutenu par l’axe USA-Israel-Ryad, a dans le passé ignoré une décision de justice demandant en 2016 la libération de M. Zakzaky, lançant contre lui d’autres poursuites.
La fille de cheikh Zakzaky, Souheila, a qualifié à l’AFP le jugement de « bonne nouvelle », tout en attendant de connaitre les conditions de la libération sous caution.
Selon le parquet, l’accusation étudie le jugement pour voir si elle va faire appel.
Mais un autre avocat de la défense, Haruna Magashi, a estimé que la décision du tribunal ne devrait pas être remise en cause et que le couple pourrait quitter le Nigeria « dès cette semaine ».
Plus de 350 morts en 2015
Le chef chiite et son épouse n’ont pas assisté à l’audience de lundi qui s’est tenue dans la ville de Kaduna, dans le nord du Nigeria, car « ils étaient trop malades pour être présents au tribunal », a expliqué leur avocat.
Des documents doivent encore être signés avant la libération du couple, a ajouté Me Falana.
Zakzaky est détenu depuis décembre 2015 après que l’armée avait tiré sur une procession religieuse, faisant plus de 350 morts, d’après un bilan des organisations de défense des droits de l’homme.
Fin octobre, des partisans du MIN avaient manifesté à Abuja pour sa libération et la répression avait fait 47 morts, selon le MIN et les observateurs.
Source: Avec AFP + Reuters