Comme le notait le colonel Pat Lang, les autorités US ont craint ces jours derniers une attaque iranienne contre des militaires US (« On me dit que les Israéliens ont dit aux néoconservateurs (Bolton, Pompéo, etc.) que les Iraniens se préparent à attaquer le grand nombre de soldats américains en Irak…»). C’est dans le même sens et le même esprit de ces alertes qui touchent les divers services US que Patrick Buchanan développe son dernier commentaire, notant que Pompeo s’est rendu clandestinement à Bagdad, en Irak (au lieu de rencontrer Merkel), parce que les services de sécurité US craignaient une attaque iranienne contre le secrétaire d’État.
(Ainsi y avait-il peut-être dans la décision brutale d’annuler la rencontre avec Merkel un peu plus que le seul calcul initial d’une rebuffade, mais également l’idée des services de sécurité US de profiter de cette manœuvre anti-allemande pour camoufler la visite “clandestine” de Pompeo dans cette possession de l’empire…)
Buchanan : « En 2003, George W. Bush nous a amenés à la guerre pour libérer l’Irak du despotisme de Saddam Hussein et faire de cette nation un modèle de liberté et de prospérité au Moyen-Orient. Mardi, Mike Pompeo s’est rendu clandestinement à Bagdad, a rencontré le Premier ministre et est parti quatre heures plus tard, sur la pointe des pieds. La visite a été tenue secrète, pour éviter une attaque contre les Américains ou le secrétaire d’État.»
Question: Quel a été le succès de l’opération Liberté pour l’Irak, qui a coûté la vie à 4 500 de nos soldats, fait 40 000 blessés et coûté $1 000 milliards aux États-Unis si, 15 ans après notre victoire, notre secrétaire d’État doit, pour sa propre sécurité, se déplacer clandestinement dans la capitale irakienne?
« Sujet de discussion entre Pompeo et le Premier ministre : Dans l’éventualité d’une guerre entre les États-Unis et l’Iran, les Irakiens assureraient la protection des 5 000 soldats américains présents dans le pays, contre les dizaines de milliers de miliciens chiites formés et armés par les Iraniens… »
On souhaite bonne chance aux 5 000 soldats US en Irak, ainsi qu’aux 5 000 autres en Syrie, deux pays où les Iraniens directement ou indirectement, et leurs divers alliés (les milices chiites) sont extrêmement présents et remarquablement adaptés au terrain ;on leur souhaite également bonne chance pour ce qui est de la sécurité que peuvent leur apporter les soldats irakiens, moins du point de vue des capacités militaires de ces soldats que de leur zèle à protéger les forces armées US qu’ils n’aiment guère.
Ces alertes ont pris une dimension qui est très indicative de ce que pourrait être en vérité un conflit entre les USA et l’Iran, qu’on a toujours tendance à considérer en termes de puissance stratégique, et essentiellement navales et aériennes, selon les conceptions US (porte-avions, bombardiers, etc.) et l’avantage implicite ainsi affiché pour la puissance technologique occidentale. Vieux réflexe d’indéfectibilité extrêmement suprématiste.
Il s’agirait essentiellement d’un conflit plusieurs fois hybride, ou hybride dans tous les sens, où les USA se trouveraient pris dans un tourbillon dont ils ont d’ailleurs eux-mêmes largement contribué à la création. Outre les forces, le nombre de bases US dans la région qui sont visibles, et donc vulnérables, est considérable et représente le revers de la puissance : toutes ces bases assurent la puissance stratégique US dans la région, mais elles constituent autant de cibles extrêmement vulnérables pour des attaques d’unités de combat de basse intensité bien rodées. Il faut avoir à l’esprit que, dans cette sorte de conflit, les Iraniens prendraient beaucoup moins de précaution que les Russes dans leurs attaques contre les forces US, et n’attendraient pas les bombes super-intelligentes, US et israéliennes (les Israéliens sont dans le même moule de pesée technologique.).
Le voyage clandestin du ministre des affaires étrangères dans une possession de la plus grande puissance du monde est un symbole qui doit nous dire qu’en cas de conflit des USA avec l’Iran, derrière les rodomontades de la doublette des neocon-MAX, Bolton-Pompeo, se trouvent des bancs pesants et inquiétants de ce qu’on a coutume de désigner comme “le brouillard de la guerre” (“the fog of the war”).
Source: dedefensa.