Le sud de la Syrie capitule devant les forces de l’armée syrienne : des accords sont conclus entre le gouvernement syrien et les militants, y compris les djihadistes du Front al-Nosra (alias Hayat Tahrir al-Cham). L’accord principal, supervisé par les forces russes, permet à quiconque voulant joindre le plus grand rassemblement de djihadistes dans la ville d’Idlib, au nord, de monter dans la caravane d’autobus verts en gardant leurs armes légères.
L’armée syrienne se heurte à un véritable problème logistique, car ses forces ne s’attendaient pas à ce que le front du sud tombe aussi vite. Par conséquent, le commandement militaire demande aux militants et aux djihadistes de rester dans leurs villages jusqu’à ce que ce soit leur tour d’être évacués, à moins qu’ils se réconcilient avec les autorités.
On veut aussi empêcher Daech, qui occupe une enclave dans le bassin de Yarmouk, d’étendre son contrôle sur les villages abandonnés à proximité où les djihadistes étaient basés et qui ont aujourd’hui abandonné la lutte.
La seule poche qui reste est celle de « l’Armée Khalid ibn al-Walid » (Daech-Huran), que l’armée syrienne et ses alliés ont attaquée après l’avoir cernée de tous les côtés, sauf sur le flanc ouest bordant la ligne de démarcation de 1974 avec Israël.
Bien qu’aucune échéance n’ait été fixée pour éliminer la poche de Daech, les commandants militaires croient que Daech cessera d’exercer tout contrôle dans moins de deux mois. C’est également lié à la bataille qui devrait suivre au nord de la Syrie après septembre, les préparatifs allant bon train en vue de cette dernière bataille en Syrie, qui promet d’être la plus grande.
La Russie se prépare déjà à faire sa part des choses dans la région rurale de Lattaquié et en terrain élevé autour de Jisr al-Choghour et de la province de Lattaquié, que le Front al-Nosra contrôle. Si les Russes sont si empressés à libérer ce secteur, c’est à cause des attaques à répétition de drones armés lancées contre leur principale base militaire et aérienne d’Hmeimim, qui sert aussi de centre de coordination avec Moscou.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a averti la Russie que l’accord d’Astana sera menacé si la zone de désescalade à Idib est attaquée. La Turquie, la Russie et l’Iran ont déployé 12 postes d’observation le long de la zone de désescalade dans la région rurale d’Idlib, afin d’empêcher les attaques terrestres des djihadistes.
Cependant, des sources proches du président syrien affirment que « Bachar al-Assad ne se pliera à aucun accord avec la Turquie ou les USA permettant à ces deux pays d’occuper le territoire syrien, même si la Russie a signé l’accord ».
Assad et ses alliés (l’Iran et le Hezbollah) se croient capables de libérer la ville d’Idlib, maintenant que la majeure partie de la Syrie l’a été. Par conséquent, Assad tient absolument à libérer le nord occupé et a demandé à ses alliés de se préparer à envoyer encore plus de forces en vue de la prochaine phase opérationnelle.
La Russie et Damas ont convenu d’ouvrir des couloirs de sécurité pour permettre à tous les civils désireux de quitter Idlib d’atteindre une zone sécurisée sous le contrôle de l’armée syrienne et de se réconcilier avec le gouvernement de Damas, comme l’ont déjà fait des dizaines de milliers de militants à la grandeur de la Syrie. Le nombre d’habitants de la ville d’Idlib (et sa région rurale) est estimé à environ deux millions (1,5 million avant la guerre), ce qui comprend les réfugiés déplacés à l’intérieur du pays.
La Russie ne voit pas d’objection à ce que l’armée syrienne récupère Idlib pour protéger l’est d’Alep et sa région rurale que les djihadistes contrôlent toujours. Il se pourrait que le président Erdogan exprime sa colère quand la libération d’Idlib s’amorcera, en raison de ses liens étroits avec les militants et les djihadistes. Cependant, tous les mandataires sont devenus un fardeau pour ceux qui les parrainent à ce moment-ci de la guerre syrienne.
La Turquie aimerait bien contrôler la zone kurde pour empêcher les Kurdes d’avoir leur mini État. Les Kurdes, qui sont les grands perdants de cette guerre, se sont attirés les foudres à la fois d’Erdogan et d’Assad en approuvant implicitement la partition de la Syrie et en laissant les USA les utiliser comme boucliers au nord-est de la Syrie.
Les forces US occupent Hassaké et une partie de la province de Deir Ezzor. Elles ont établi des bases militaires et aériennes et ont autorisé Israël, selon des sources dans la région, à utiliser les installations militaires des USA pour attaquer la Syrie et l’Irak (Hachd al-Chaabi).
La bataille d’Idlib sera loin d’être facile, car ce sera la dernière bataille majeure en Syrie. Al Qaeda et les milliers de combattants étrangers ne devraient pas se rendre si facilement. La Russie a bien l’intention d’éliminer al Qaeda, à moins que la Turquie ne lui donne le coup de grâce. Mais il est fort peu probable que le président Erdogan se lance dans une guerre contre al Qaeda, qu’il a soutenu pendant des années en autorisant les djihadistes à occuper Idlib. Sauf que l’heure est venue de mettre fin à la guerre en Syrie et la Turquie ne veut plus garder ces djihadistes sous son aile.
Ce sera la dernière bataille de l’année. L’armée syrienne n’attaquera pas les forces d’occupation US directement, mais soutiendra la résistance locale si jamais ces forces s’attardaient. Une fois la bataille d’Idlib terminée, la Syrie pourra se lancer dans « la mère et le père de toutes les batailles » : la réconciliation et la reconstruction. Le monde n’a pas réussi à changer le régime syrien et le plan des USA pour un nouveau Moyen-Orient a échoué. Les forces d’occupation n’ont aucune raison de rester au Levant et il est temps pour les Syriens de panser leurs plaies et de repartir de zéro.
Par Elijah J. Magnier
Traduction : Daniel G.