La « Marche du retour » va se poursuivre encore six semaines, et avec le face-à-face entre soldats israéliens de l’occupation et manifestants palestiniens . Et ce au lendemain d’une journée parmi les plus meurtrières de ces dernières années, avec 16 Palestiniens tués et 1400 autres blessés par des tirs israéliens à la frontière de la bande de Gaza.
C’est en toute connaissance de cause que les Gazaouis ont entamé cette marche du retour, vendredi, à l’occasion de la « Journée de la Terre ». Ils savaient bien que les Israéliens allaient leur tirer dessus. Comme ils l’ont toujours fait. D’autant que les menaces israéliennes s’étaient faites nombreuses ces derniers jours, brandissant le recours à des snipers et des tirs aux balles réelles.
Mais les menaces ne les a pas empêchés d’être nombreux et de persévérer. 5 manifestations ont eu lieu dans la bande de Gaza auxquelles des centaines de milliers de gazaouis ont participé.
La répression israélienne à la manifestation monstre à laquelle des centaines de milliers de Palestiniens ont participé dans le cadre de la marche du Retour, notamment des femmes et des enfants, a été d’une violence inouïe.
Très tôt vendredi, avant même le début de « la marche du retour », un agriculteur palestinien de 27 ans a été tué par un tir à l’arme lourde israélien près de Khan Younès, dans le sud de l’enclave.
Durant la marche, à peine un petit nombre de manifestants s’était approché à quelques centaines de mètres de la barrière ultra-sécurisée, régulièrement le théâtre de tirs des soldats de l’occupation que ces derniers ont ouvert le feu.
Dans sa répression, la police israélienne a eu recours à une nouvelle tactique: un drone qui largue des gaz lacrymogène sur les manifestants.
Selon le ministère de la Santé dans la bande de Gaza, 16 Palestiniens ont été tués et plus de 1.400 blessés.
Un dernier « je reviendrai »
Parmi les manifestants tués vendredi, figure Mohammed Abou Amar, un artiste de la bande de Gaza connu pour faire des calligraphies dans le sable.
Dans sa dernière publication sur Facebook, il a partagé une image assortie des mots suivants: « Je reviendrai », en référence au désir des réfugiés palestiniens de revenir sur la terre de leurs ancêtres qui ont été chassés ou qui ont fui lors de la guerre ayant suivi l’implantation d’Israël en 1948.
Un autre martyr, le jeune palestinien de 19 ans Abdel Fattah Abdel Nabi a été abattu d’une balle qui a perforé sa nuque, à l’est de Jabaliya , alors qu’il portait un pneu qu’il voulait allumer, selon l’agence palestinienne Wafa.
» Que le monde regarde ce qui s’est passé, comment l’occupation a liquidé des gens désarmés qui manifestaient pacifiquement pour exprimer leur attachement au droit de retour. Nous allons revenir à notre terre, tôt ou tard. les exactions de l’occupation ne nous empêcheront pas de revenir ici, dans une autre manifestation pacifique. Et nous allons en fin de compte revenir à notre terre. Notre droit de retour est non négociable », a dit son frère Ala, pour Wafa News.
Ça continuera 6 semaines
La manifestation de vendredi qui célébrait la « Journée de la Terre », marque surtout le début de « la grande marche du retour » au cours de laquelle les Gazaouis vont camper pendant plus de six semaines près de la frontière avec les territoires occupés par Israël.
Au moment où les Palestiniens se trouvent dans un moment charnière de leur histoire : une transaction a été conclue entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis pour mettre un terme au conflit palestinien, au détriment des droits du peuple palestinien. Le mois de décembre dernier, le président américain Donald Trump a reconnu la ville sainte de Jérusalem al-Quds occupée comme étant la capitale d’Israël.
Même après avoir admis le partage de leur patrie, et consenti un Etat dans le cadre des frontières de 1967, ce dernier se trouve lui aussi grignoté graduellement par les Israéliens. Les Palestiniens se trouvent désormais enfermés dans quelques enclaves en Cisjordanie occupée et dans la Bande de Gaza.
Condamnation arabe tiède
Leur détresse est d’autant plus gravissime qu’ils ont été abandonnés par leurs confrères arabes.
Après l’Egypte et la Jordanie, les pays arabes avancent vers la normalisation avec l’ennemi sioniste, à leur tête Riyad.
Ainsi la Ligue arabe, l’Egypte et la Jordanie se sont de condamner la répression israélienne. Et la Turquie a dénoncé un « usage disproportionné » de la force. Rien de plus.
Dans un discours vendredi, le président palestinien Mahmoud Abbas a déclaré qu’il tenait Israël pour pleinement responsable de ces morts.
A Washington, le double jeu.
La porte-parole de la diplomatie américaine Heather Nauert s’est déclaré dans un tweet « profondément attristé par les pertes humaines à Gaza », exhortant « ceux impliqués à prendre des mesures pour faire diminuer les tensions ».
Alors qu’au Conseil de sécurité des Nations unies, réuni en urgence vendredi soir, l’ambassadrice americaine Nikki Haley a entravé une déclaration commune qui exprime des inquiétudes. En arguant que le moment choisi pour la réunion n’est pas propice car elle coïncide avec la fête juive des Pâques.
« Il y a une crainte que la situation puisse se détériorer dans les prochains jours », a mis en garde Taye-Brook Zerihoun, le secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires politiques, appelant à la retenue maximale.
Pour justifier la répression de la manifestation palestinienne, les autorités de l’occupation disséminent des rumeurs mensongères selon lesquelles des manifestants ont tenté de s’infiltrer en direction des territoires occupés.
En fin de journée, l’armée d’occupation israélienne a dit avoir frappé trois positions du mouvement Hamas, sous prétexte de répliquer à une tentative d’attaque de ses soldats par des manifestants.
Officiellement organisée par la société civile, « la marche du retour » est soutenue par le Hamas qui avait assuré qu’il veillerait à ce que personne n’approche dangereusement de la frontière.
Vendredi soir, des responsables politiques de Gaza ont appelé les manifestants à se retirer de la zone frontalière jusqu’à samedi.
Vendredi soir, Ahmed Saber, âgé de 80 ans, a pris place sous une tente.
En 1948, pendant la guerre, sa famille a fui le village de Majdal, qui correspond aujourd’hui à la ville d’Ashkelon dans le sud d’Israël, non loin de la bande de Gaza.
« Ces tentes ressemblent aux tentes blanches qui avaient été dressées pour nous lorsqu’on nous a fait fuir », dit-il.
Sources: Al-Manar, Wafa News, Arabs 48, AFP.