Le président Recep Tayyip Erdogan a assuré lundi que la Turquie ne reculerait pas dans son offensive contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) dans l’enclave syrienne d’Afrine, affirmant que celle-ci était menée en accord avec Moscou, acteur clé du conflit en Syrie.
L’offensive, qui vise à déloger les YPG de la localité d’Afrine, est entrée lundi dans son troisième jour avec une nouvelle poussée des soldats turcs et de leurs alliés syriens, appuyés par l’artillerie d’Ankara.
« La question d’Afrine sera réglée, il n’y aura pas de marche arrière à Afrine. Nous en avons parlé avec nos amis russes, nous avons un accord », a tonné M. Erdogan lors d’un discours à Ankara. L’opération « prendra fin une fois que les objectifs seront atteints ».
Ces déclarations font écho à l’inquiétude exprimée par plusieurs pays face à l’ouverture d’un nouveau front dans le conflit en Syrie. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira lundi à l’appel de la France.
Des soldats turcs et leurs alliés syriens ont lancé lundi un nouvel assaut contre les YPG depuis la ville d’Azaz, située à une vingtaine de kilomètres à l’est d’Afrine, a rapporté l’agence de presse progouvernementale Anadolu en début d’après-midi.
Un correspondant de l’AFP se trouvant du côté turc de la frontière avait vu peu avant une dizaine de chars et entre 400 et 500 combattants turcs et arabes entrer en Syrie.
« Le bombardement se poursuit ce matin du côté turc à l’aide de l’artillerie, de chars et de lance-roquettes », a déclaré à l’AFP un porte-parole des YPG à Afrine, Rezan Hedu.
« Ils y a des tentatives (turques) d’entrer dans la région d’Afrine et des combats sporadiques ont lieu à la frontière syro-turque au nord d’Afrine. Les batailles sont féroces », a-t-il ajouté.
Position floue de Washington
Moscou n’a pas officiellement confirmé qu’un accord existait avec Ankara, mais les analystes estiment qu’une offensive majeure ne peut être menée en Syrie sans l’aval de la Russie qui contrôle notamment l’espace aérien dans le nord de ce pays.
La Turquie accuse les YPG d’être la branche en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux et qui mène une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.
Mais les YPG sont aussi l’épine dorsale des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes soutenue par les Etats-Unis. Après avoir délogé la milice wahhabite terroriste Daech de larges pans du nord syrien, notamment de la province de Raqqa, avec l’aide de la Coalition, les FDS ont accordé aux Américains quelque 14 bases et positions dans cette zone.
Les Etats-Unis, régulièrement critiqués par Ankara pour leur soutien au FDS, ont appelé Ankara à « faire preuve de retenue », mais le secrétaire d’Etat Rex Tillerson a reconnu lundi « le droit légitime de la Turquie » à se « protéger ».
Devant ces réactions mesurées, les FDS ont exhorté la coalition internationale à « prendre ses responsabilités », affirmant que l’offensive turque constituait un « soutien clair » aux jihadistes takfiristes.
« Malgré la perte de ses principaux bastions », le groupe takfiriste « conserve une force non négligeable », ont argué les FDS.
Tirs de roquettes
D’après Anadolu, l’armée turque a détruit dans la nuit de dimanche à lundi deux positions des YPG depuis lesquelles des roquettes avaient été tirées sur la ville turque de Reyhanli, faisant un mort et 46 blessés.
Selon l’agence, une personne a été tuée et deux ont été blessées lorsqu’un projectile tiré depuis la Syrie s’est abattu dans la province frontalière turque de Hatay.
Selon Anadolu, les forces turques qui ont pénétré dimanche à Afrine ont pris onze positions qui étaient contrôlées par les YPG, ce que n’a pas confirmé l’armée turque.
L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a affirmé que les combattants kurdes avaient repris deux villages dans la région d’Afrine conquis dimanche par les forces pro-Ankara.
Selon l’OSDH, 21 personnes, dont six enfants, ont été tuées dans les bombardements turcs depuis samedi. Ankara affirme n’avoir touché que des « terroristes » et accuse les YPG de « propagande ».
Arrestations en Turquie
Au lendemain d’une ferme mise en garde de M. Erdogan contre toute manifestation opposée à l’opération, les autorités ont arrêté lundi 24 personnes soupçonnées de faire de la « propagande terroriste » sur les réseaux sociaux.
Ces personnes ont été interpellées dans le cadre d’un coup de filet mené à travers la Turquie contre des internautes soupçonnés de vouloir ternir l’image de l’opération militaire, a rapporté Anadolu, citant le ministère de l’Intérieur.
Il s’agit de la deuxième offensive turque dans le nord de la Syrie, après celle lancée en août 2016 pour enrayer l’expansion des combattants kurdes, et pour repousser l’EI vers le sud.
A la faveur du conflit syrien, longtemps marginalisés, les kurdes ont installé en 2012 une administration autonome à Afrine, un territoire isolé des autres zones contrôlées par les YPG plus à l’est. Ils l’ont élargi avec l’aide de la coalition internationale, occupant désormais presque le quart de la superficie de la Syrie.
Source: Avec AFP