Systèmes antiaériens, missiles opérationnels tactiques, chasseurs et hélicoptères de combat modernes: tous ces armements estampillés «Made in Russia» trouveront prochainement leurs acheteurs sur les marchés du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Mercredi 15 novembre, le Service fédéral de la coopération militaro-technique a annoncé plusieurs grands contrats dans le cadre du salon Dubai Airshow 2017. Il n’est pas seulement question du matériel qui a déjà fait ses preuves mais également de tout nouveaux systèmes qui, pour la plupart, ont été récemment mis en service dans l’armée russe. Tour d’horizon de ces armements russes qui ont conquis les militaires étrangers.
Nouveau et léger
La coopération militaro-technique entre la Russie et les Émirats arabes unis, hôtes du Dubai Airshow 2017, a toujours stable mais modérée. Les monarques de ce pays préfèrent en général acheter des armes occidentales. Le parc matériel des forces armées émiraties est ainsi un mélange entre les modèles américains, français, britanniques, sud-africains, suédois, brésiliens et chinois. Seules quelques positions sont occupées par les armements russes: les canons antiaériens Pantsir S-1E, près de 600 véhicules de combat d’infanterie BMP-3 et des lance-roquettes multiples (LRM) — près de 50 Grad et 10 Smertch.
Tout autre État qui ne disposerait pas de telles réserves pétrolières ne pourrait pas se permettre un arsenal aussi diversifié d’armes, de munitions et de pièces. Mais les EAU peuvent expérimenter, comparer et choisir. De plus, indiquent les analystes, de nombreuses monarchies arabes souhaitent ces temps-ci améliorer leur propre base de recherche et développement et tentent de se doter de technologies innovantes en étudiant les armements peu familiers.
Parmi les projets conjoints les plus prometteurs entre la Russie et les EAU, on peut notamment citer le programme de développement d’un chasseur léger de 5e génération, au sujet duquel un accord a été signé en février 2017. Comme l’a annoncé mercredi le service de presse du Service fédéral de la coopération militaro-technique, les parties mettent actuellement au point les paramètres techniques du futur appareil, mais il est encore trop tôt pour parler de progrès concrets. Comme l’avait annoncé plus tôt le chef de la compagnie Rostec Sergueï Tchemezov, le chasseur pourrait être conçu sur la base du MiG-29 et du MiG-35, et son développement prendra près de 7-8 ans. La version améliorée de l’avion sera également proposée à l’armée de l’air russe.
«Les EAU ne lésinent pas sur les moyens pour moderniser le potentiel de leur industrie militaire, remarque Andreï Frolov, rédacteur en chef du magazine Exportation d’armements. Leur volonté d’apprendre de nous est parfaitement cohérente. D’un côté, les Émirats recevront un accès à certaines technologies en améliorant le niveau de la science nationale et de leurs scientifiques, de l’autre c’est également bénéfique pour nos projets. D’autant que quand le nouveau chasseur sera prêt, les EAU pourraient en être les premiers clients. D’autres acheteurs se feraient alors connaître en prenant exemple sur eux.»
Le F-16, dehors!
Aujourd’hui, la Russie travaille déjà avec l’Inde sur l’«avion du futur» dans le cadre du projet FGFA — un chasseur lourd de 5e génération Su-57 conçu pour le marché indien. Cependant, selon les experts, New Delhi a commencé à «faire des caprices». Ainsi, Douglas Barrie, analyste de l’Institut international d’études stratégiques (IISS), a publié début novembre un article affirmant que les militaires indiens exprimaient des doutes quant au coût et aux caractéristiques de l’avion. Néanmoins, l’auteur a constaté qu’il n’existait pas d’alternative au FGFA, c’est pourquoi la critique du projet par l’Inde pourrait être en réalité un moyen d’obtenir des conditions plus favorables. Dans ces circonstances, le contrat avec les EAU sur un projet similaire pourrait signaler à New Delhi: «D’autres pays sont candidats pour élaborer des armements innovants».
La Russie se penchait initialement sur deux chasseurs de 5e génération — léger et lourd. Le premier était destiné au travail opérationnel directement sur la ligne de front, au soutien des troupes au sol et au combat contre les avions d’assaut et les bombardiers. Le second avait pour mission de dominer dans les airs sur tout le théâtre des opérations. Ce chasseur lourd est aujourd’hui incarné par le Su-57, alors que dans les années 2000 l’industrie de l’armement russe n’a pas reçu de commande pour le développement du modèle léger pour cause de problèmes financiers. Désormais, ce projet semble connaître une deuxième vie. D’ailleurs, le programme du chasseur américain F-35 (la version légère du F-22 lourd) a été financé par une dizaine de pays: cette pratique n’est donc pas nouvelle.
Toutefois, la coopération militaro-technique entre la Russie et les EAU à court terme ne se limitera pas uniquement au travail sur les futurs appareils. Comme l’indique le Service fédéral de la coopération militaro-technique, à l’heure actuelle les négociations portent sur les fournitures aux Émirats de plusieurs dizaines de chasseurs russes Su-35 de génération 4++. Un contrat devrait être signé prochainement et les EAU deviendraient alors le deuxième pays étranger après la Chine à acheter cet avion. Il protégera le ciel des monarchies arabes au même titre que les F-16 américains et les Mirage 2000 français.
«Premièrement, la diversification des fournitures d’armements est une pratique habituelle, note Andreï Frolov. Elle permet d’éviter la dépendance de l’acheteur envers un seul fournisseur. Deuxièmement, il ne faut pas oublier que depuis deux ans la disposition des forces au Moyen-Orient a complètement changé depuis que la Russie a lancé son opération en Syrie. On peut admettre qu’une partie des contrats signés résulte en quelque sorte d’accords politiques plus ou moins importants entre la Russie et les EAU. Mais nous ne saurons probablement pas lesquels à court terme.»
Un gros carnet de commandes
Les avions russes qui combattent en Syrie n’intéressent pas seulement les EAU. Comme l’a indiqué le Service fédéral de la coopération militaro-technique, les négociations sur les fournitures de Su-35 sont actuellement menées avec plusieurs pays. Les avions de la société Soukhoï sont également très demandés en Afrique du Nord. Par exemple, 44 chasseurs biplaces Su-30MKA, dont le caractère est proche du Su-30SM russe, servent en Algérie. De plus, ce pays exprimait depuis longtemps sa volonté d’acquérir auprès de Rosoboronexport des bombardiers tactiques Su-32 (modification d’exportation du Su-34). L’opération militaire contre Daech a été une excellente publicité pour cet avion conçu pour le travail au sol. Mais cet appareil attend encore son premier acheteur — le Su-32 n’est encore vendu à aucun autre pays du monde.
La géographie de la demande s’élargit également pour les nouveaux systèmes russes de défense antiaérienne. Les représentants du Service fédéral de la coopération militaro-technique ont annoncé pendant le Dubai Airshow 2017 la signature d’un contrat avec l’Arabie saoudite pour la livraison de systèmes antiaériens S-400 Triumph. Ainsi, le royaume deviendra le troisième pays après la Chine et la Turquie à se doter de cette arme. En parallèle se poursuivent les fournitures de systèmes antiaériens S-300VM à l’Égypte.
Tous les projets cités ne représentent qu’une partie des contrats qu’il a été possible de signer ces derniers temps. Comme l’a annoncé mercredi le président de Rosoboronexport Alexandre Mikheev, le carnet de commandes avec les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord avoisine les 8 milliards de dollars — soit un cinquième de tous les contrats militaires d’exportation conclus par la Russie avec ses partenaires.
Source: Sputnik