L’Arabie saoudite s’apprête à créer Neom, une ville mondialisée de nouvelle génération. La superficie de la nouvelle ville – la ville Future de Ben Salaman- sera de 26.000 kilomètres carrés et elle sera située dans le nord du pays. Selon ses concepteurs, Neom devra relier économiquement les pays arabes, l’Afrique, l’Asie, l’Europe et l’Amérique et devrait rapporter aux investisseurs plus de 500 milliards de dollars.
«Dans le cadre de sa stratégie de développement d’ici à 2030, l’Arabie saoudite créera une ville mondialisée de nouvelle génération Neom. Elle représentera un hub d’innovation qui deviendra un centre global de carrefour des civilisations», indique la légende du nouveau projet présenté lors du forum «Future investment initiative» à Riyad.
Or, le projet Neom n’est pas uniquement une vision économique du nouveau pouvoir en Arabie. Son côté géostratégique est évident en raison de sa position géographique . Et pour cause, dans un article publié mercredi, Bloomberg a déclaré que le projet n’aurait pas eu lieu sans l’approbation israélienne.
Neom croise un autre projet, celui d’un pont reliant l’Arabie Saoudite et l’Egypte à travers l’île de Tiran. En effet , selon Yoram Mittal, président du Centre Haïm Herzog pour les études du Moyen-Orient de l’Université Ben-Gourion du Néguev, la participation d’Israël au projet est tout simplement incontournable.
Les éléments de ce projet sont combinés à des visions anciennes et modernes qu’Israël n’a pas cachés et que les États-Unis ont parrainées et qui se résument en une idée : la normalisation avec les pays arabes à travers la porte économique.
A titre d’exemple, dans son livre « The New Middle East », l’ancien Premier ministre israélien Shimon Peres promeut l’intégration du savoir israélien dans la richesse arabe. À la fin des années 1990, Benjamin Netanyahu a présenté des idées de « paix économique » plutôt que « politique » avec l’accord d’Oslo. Des idées qui rappellent des projets lancés à la veille de la Conférence de paix de Madrid en 1991. Telles que : la coopération régionale dans les domaines hydrolique, des infrastructures, de l’environnement, de l’économie et de la sécurité.
Ces idées ont finalement été reprises par l’ancien chef des renseignements saoudiens, le princeTurki al-Faisal. Au cours de ses rencontres avec d’anciens responsables israéliens, le prince Faisal a soulevé cette idée au moins à deux occasions. Lors d’une réunion il y a quelques jours avec l’ancien responsable du renseignement israélien Efrem Helvey, au cours de laquelle il a repris l’idée de Perez à l’envers, en plaisantant » avec l’argent des Juifs et l’esprit des Arabes tout est possible ».
La même phrase a été prononcée par un général à la retraite des renseignements militaires israéliens et ancien conseiller de sécurité nationale auprès du gouvernement israélien, Yaakov Amidror: « Avec l’argent israélien et l’esprit arabe, nous pouvons changer totalement le Moyen-Orient et pour le mieux ».
Dans une interview à la presse il y a quelques jours, le général saoudien à la retraite Anwar Echki a nié toute normalisation avec « Israël ».
Oui, mais..
La ville de Neom est censée jouir de neuf secteurs d’investissement. Comme par hasard, Israël excelle dans un certain nombre d’entre eux. Son expérience dans les domaines de l’énergie, de l’eau, de la nourriture et de la biotechnologie la rend prête à investir dans la future ville de Ben Salman.
Or, cette participation n’est pas la première du genre en ce qui concerne la coopération entre Israël et l’Arabie Saoudite. En février, le ministère israélien de la Sécurité a approuvé l’exportation de produits électroniques et cybernetiques liés à la sécurité et à l’espionnage vers Riyad.
En juillet, le ministre israélien des Transports a renouvelé une proposition de projet visant à établir un réseau ferroviaire transcontinental pour le Moyen-Orient. Le réseau relie Israël aux États du Golfe à travers la Jordanie et l’Arabie saoudite. Le ministre Katz a suggéré que la coopération dans ce projet avec Riyad soit menée par ses canaux en coulisses. Il a, d’ailleurs affirmé que l’administration Trump était très active dans la normalisation des relations avec la région.
Ce projet est combiné avec un rêve israélien parallèle, à savoir celui d’établir un susbtitut au canal de Suez. Autrement dit, un canal reliant Eilat à la mer Rouge avec le port d’Ashdod sur la mer Méditerranée. Une action qui renforcerait les relations commerciales de Tel-Aviv avec la Chine et l’Europe et frapperait les intérêts égyptiens.
Les projets ajournés d’Israël sont maintenant plus proches de la réalité et peuvent théoriquement être vérifiés à la lumière des derniers développements. Notamment, le transfert de la propriété des îles de Tiran et de Sanafir de l’Egypte à l’Arabie Saoudite, accompagné d’un transfert des engagements de Camp David du Caire à Riyad. Ces engagements ouvrent la voie à une relation « juridique » entre Tel Aviv et Riyad.
Conséquence: croisement des intérêts économiques communs sur la mer Rouge. Et donc, cet enchevêtrement économique est une introduction aux relations formelles et publiques entre les pays arabes et l’entité sioniste. Dans ce cadre, les relations se renforcent via des intérêts économiques communs mais aussi l’hostilité envers l’Iran devient de plus en plus justifiée.
En Arabie Saoudite, les étapes de l’ouverture sociale sont intégrées aux nouvelles visions économiques. A ce titre, le prince Walid ben Talal a affirmé que permettre aux femmes de conduire apportera à l’Arabie environ 8 milliards de dollars par an. Il y a bien sûr d’autres raisons à cette ouverture. L’une d’elles est que Ben Salman a affirmé qu’il comptait sur 70% du peuple saoudien. Ces 70% représentent la jeune génération de moins de 30 ans , dont la moitié d’entre eux sont des femmes. Cette génération est la nouvelle légitimité qui remplacera la légitimité historique religieuse.
Traduit par notre rédaction depuis alMayadeen
Source: Médias