De nombreux pays ont déclaré rejeter la séparation du Kurdistan de l’ Irak, mais pas toutes les déclarations à cet égard sont véridiques. L’Arabie saoudite, par exemple, a annoncé avant la tenue du référendum qu’elle s’y oppose . Sauf que les médias saoudiens ont exprimé clairement une certaine satisfaction et un soutien dans leur couverture à cet évènement qualifié de « l’avènement du Grand Kurdistan »..
A vrai dire, Riyad a un intérêt tout particulier dans cette séparation du Kurdistan , indépendemment de la motivation américaine dans la région, et qui se résume dans les oléoducs de pétrole.
Depuis son ascension au pouvoir, le prince héritier Mohammed ben Salman a adopté une politique étrangère basée sur la priorité des intérêts économiques au détriment de l’idéologie: une stratégie qui vise à utiliser l’investissement et les revenus et les bénéfices pour remporter un gain politique.
Au cours de la visite du ministre irakien du Pétrole, Jabbar Allaibi, à Riyad le 8 Août dernier, des fuites irakiennes ont rapporté que les Irakiens ont demandé aux Saoudiens de relancer une entente pour exporter le pétrole irakien via l’oléoduc irako-saoudien qui traverse le territoire saoudien.
Ce pipeline a cessé d’être opérationnel suite à l’invasion du Koweït en 1990: une mesure punitive contre l’ancien président Saddam Hussein. Le pipeline, s’étend du champ pétrolier de Rumailan dans le sud de l’Irak, il traverse le désert saoudien en direction de Riyad puis se dirige vers l’ouest jusqu’à la raffinerie d’Al-Majas, près de Yanbu, sur la côte de la mer Rouge. Il a une capacité d’environ 1,6 million de barils par jour.
Avant l’invasion américaine, l’Irak a omis de poursuivre en justice l’Arabie saoudite qui a confisqué le pipeline et son pétrole, sans compter que cette dernière a empêché son utilisation pour transporter le gaz de la région Est à la région Ouest du royaume.
Les Irakiens espèrent aujourd’hui que Riyad relance cet accord afin de hausser leurs exportations en énergie. Dans ce contexte, on comprend pourquoi Bagdad cherche à empêcher la séparation du Kurdistan car un tel acte la priverait d’une grande partie de sa production pétrolière dans le Nord (environ 700 mille barils par jour) d’où son intérêt de demander à Riyad de réouvrir l’oléoduc alMouajez.
Cela dit, si le président turc met en œuvre sa menace d’arrêter l’exportation de pétrole dans la région du Kurdistan, une mesure qui ne manque pas d’affecter la Turquie inévitablement, le pétrole de la province restera dans les champs et les puits, à défaut de le transporter à l’extérieur de la région, sachant que l’Iran a aussi interdit l’exportation du pétrole kurdistan via son territoire.
D’où l’intérêt de l’Arabie saoudite à encourager Barzani à avancer rapidement dans les étapes de la séparation afin de provoquer une crise dans l’exportation pétrolière de la région .
Autrement dit, une occasion pour attirer l’attention vers l’oléoduc alMouajez et ainsi disposer d’une carte de pression sur l’Irak pour le contraindre à se démettre de son alliance avec l’Iran.
De plus, l’Irak est un sérieux rival à l’Arabie saoudite dans le domaine des exportations du pétrole brut. En effet, l’Arabie représente la première source de pétrole brut pour les pays consommateurs de pétrole en Asie et en Europe. Depuis le mois d’avril, l’Irak a remplacé l’Arabie en tant que premier fournisseur de pétrole en Inde . Or, ces dernières années, les exportations de brut de l’Arabie saoudite vers les pays de l’UE ont progressivement diminué, et ce, contrairement à l’Irak qui a augmenté les siennes.
Dans le cadre d’un conflit avec le Kurdistan, l’Irak risque de perdre un quart de sa production de pétrole (environ 900 mille barils par jour extrait des champs du nord) . Pis encore, on peut dire que la part des exportations de Bagdad sera réduite au profit d’autres concurrents , notamment l’Arabie Saoudite .
Et en cas de l’éclatement d’un conflit armé dans la région, le prix du baril de pétrole augmentera sans l’ombre d’un doute, et donc, l’ambition de Ben Salamane de pouvoir rehausser les actions de la société pétrolière saoudiene Aramco IPO en 2018 à des prix abordables sera concrétisée. Ce qui lui permettra de réaliser son rêve pour financer le Fonds d’investissement public destiné à son projet «Vision 2030».
Source: Médias