Pendant que les beaux parleurs du Congrès US s’adonnent à des discours auto-promoteurs régurgitant le mensonge de la « menace russe » et poussent à de plus sévères sanctions et actions contre la seule autre superpuissance planétaire, le journaliste chevronné Seymour Hersh a une fois de plus lâché une bombe médiatique qui pulvérise la version officielle de l’attaque aux armes chimiques de Khan Cheikhoun. L’article est un « protocole de conversation » entre un soldat US et un analyste US de la sécurité. Le soldat est en service actif, en poste sur une base aérienne stratégique de la région, bien que le lieu exact de son déploiement soit tenu secret pour des raisons évidentes.
L’échange révèle non seulement que le gouvernement syrien n’a pas lancé d’attaque chimique à Khan Cheikhoun, mais que les États-Unis savaient qu’il n’y avait pas eu d’attaque chimique. De plus, l’échange démontre que tout le personnel concerné n’adhère pas au choix de lancer des missiles Tomahawk sur al-Sha’aryat, ou même à l’ensemble de la mission en Syrie et en Irak. Il révèle de réelles inquiétudes parmi du personnel bien renseigné, selon quoi les Russes ne continueront pas éternellement à jouer les têtes froides, et que la Russie a depuis longtemps désiré la paix dans la région. Plus notablement, l’échange révèle qu’il existe un « agenda secret » en cours de déploiement concernant la Syrie, l’Irak et la Russie.
Une analyse plus détaillée suivra. Pour l’instant toutefois, il importe de lire l’échange tel qu’originellement publié par Welt am Sonntag et Seymour Hersh. Le voici ci-dessous:
6 avril 2017
Soldat US [AS, American Soldier]: On a un p*tain de problème.
Analyste de la Sécurité [SA, Security Advisor]: Qu’est-ce qui s’est passé? C’est le Trump, qui ignore les renseignements et qui va essayer de frapper les Syriens? Et que nous pissons sur les Russes?
AS: Ça craint… Les choses s’accumulent.
SA: Tu n’as peut-être pas vu la conférence de presse de Trump aujourd’hui. Il a gobé le récit médiatique sans demander à voir les renseignements. Nous allons probablement nous faire botter le cul par les Russes. Putain c’est dangereux. Où sont les adultes, bordel? L’échec de la chaîne de commandement à dire la vérité au Président, qu’il veuille ou non l’entendre, restera dans l’histoire comme l’un de nos pires instants.
AS: Je sais pas. Rien de tout ça n’a de sens. Nous SAVONS qu’il n’y a pas eu d’attaque chimique. Les Syriens ont frappé une cache d’armes (une cible militaire légitime) et il y a eu des dommages collatéraux. C’est tout. Ils n’ont pas mené la moindre espèce d’attaque chimique.
Et maintenant nous leur balançons tout un tas de TLAMs (missiles Tomahawk) dans le fion.
SA: Ça a toujours été leur agenda secret. En fin de compte, c’est pour pouvoir s’en prendre à l’Iran. Ce que les gens autour de Trump ne comprennent pas, c’est que les Russes ne sont pas un tigre de papier et qu’ils disposent d’une capacité militaire plus robuste que la nôtre.
AS: Je ne sais pas ce que vont faire les Russes. Ils peuvent rester en retrait et laisser les Syriens défendre leurs propres frontières, ou ils peuvent fournir une quelconque forme de soutien tiède, ou encore ils pourraient nous virer de l’espace aérien par la force et nous renvoyer en Irak. Honnêtement, là tout de suite je ne sais pas à quoi m’attendre. J’ai l’impression que tout est possible. Le système de défense aérienne russe est capable de dégommer nos TLAMs. C’est un énorme putain de problème… Nous sommes toujours sur le pied de guerre…
SA: Tu as tellement raison. La Russie ne va pas encaisser ça sans rien faire.
Qui est derrière tout ça? Est-ce que ça vient de Votel? [le Général Joseph L. Votel, Commandant du Central Command US, NdlR]
AS: Je sais pas. C’est d’un gros bonnet en tout cas… C’est un énorme putain de problème.
Il faut que ce soit le POTUS [President Of The United States, NdT].
Ils [les Russes] soupèsent leurs options. Les indices démontrent qu’ils vont se cantonner à être des soutiens passifs de la Syrie, et ne pas s’engager à moins que leurs propres actifs soient menacés… En d’autres termes putain, le ciel est bleu.
7 avril 2017
SA: Que disent, ou que font les Russes? Ai-je raison de dire que nous avons causé peu, ou pas de dommages à la Russie et à la Syrie?
AS: Nous n’avons rien touché du tout, et tant mieux. Ils avaient rétrogradé tous leurs avions, et tout leur personnel. En gros, nous leur avons offert un feu d’artifice extrêmement cher.
Ils savaient où se trouvaient les navires et ont observé toute l’opération, du lancement à son terme.
Les Russes sont furieux. Ils affirment que nous possédons les bons renseignements, et que nous connaissons la vérité sur la frappe contre la cache d’armes.
Ils ont raison.
J’imagine que ça ne comptait pas, que nous ayons élu Clinton ou Trump. Merde.
Personne ne parle de la raison qui nous a fait venir en Irak et en Syrie dès le départ. Cette mission-là est foutue.
SA: Certains de tes collègues sont-ils en colère, ou tout le monde suit-il le script en disant que c’est OK?
AS: C’est une maison de dingues… Bordel, nous avons même informé les Russes une heure avant l’impact.
SA: Mais clairement, ils savaient ce qui allait venir.
AS: Oh bien sûr.
Maintenant, la Fox raconte que nous avons choisi de frapper la base aérienne syrienne parce que c’est de là qu’avaient été lancées les attaques chimiques. Wow. Pas possible d’inventer une merde pareille.
SA: C’est ce qu’ils font. Je veux dire, ils l’inventent.
AS: Putain, c’est tellement vicieux.
SA: Amen!!!
8 avril 2017
AS: Les Russes sont extrêmement raisonnables. En dépit de ce que racontent les infos, ils essayent encore d’apaiser les choses et de coordonner la campagne aérienne.
SA: Je ne crois pas que les Russes comprennent à quel point Trump s’est emballé là-dessus. Et je ne pense pas que nous appréhendons tous les dommages que les Russes peuvent nous infliger.
AS: Ils font preuve d’une retenue extraordinaire, et sont restés incroyablement calmes. Ils semblent surtout intéressés par la désescalade, dans tous les domaines. Ils ne veulent pas perdre notre soutien pour les aider à détruire ISIS [l’État Islamique, NdT].
SA: Mais j’ai le sentiment qu’ils essayent simplement cette approche tant qu’ils sentent qu’elle peut porter ses fruits. Si nous persistons avec cette attitude agressive, ils vont répliquer.
Par Brandon Turbeville
Sources : Welt ; Activist Post ; Traduit par Réseau international