Une victoire, mais a minima: le président turc Recep Tayyip Erdogan à certes obtenu le « oui » qu’il recherchait au référendum sur le renforcement de ses pouvoirs, mais l’opposition, qui l’accuse de dérive autoritaire, crie déjà à la fraude.
Erdogan, 63 ans, recherchait un plébiscite. Toutefois, selon les chiffres de l’agence de presse progouvernementale Anadolu dans la nuit de dimanche à lundi, il n’aurait obtenu que 51,37% des suffrages dimanche, après dépouillement des bulletins dans 99,45% des urnes.
Le chef du Haut-Conseil électoral (YSK) a cependant confirmé la victoire du « oui », précisant qu’il devançait le « non » de quelque 1,25 million de voix, avec seulement 600.000 bulletins de vote restant à dépouiller.
Au total, quelque 55,3 millions de Turcs étaient appelés à voter dimanche, et le taux de participation s’est établi à 85%, selon le YSK, cité par l’AFP.
Réagissant à cette étroite victoire du oui, l’UE a immédiatement pressé la Turquie de chercher un « consensus national ». Une crise diplomatique avait opposé Ankara à plusieurs pays de l’UE, notamment l’Allemagne et les Pays-Bas, après l’interdiction de meeting de soutien à M. Erdogan sur leur sol pendant la campagne.
Nouveau référendum sur le rétablissement de la peine de mort
Dans un discours télévisé, le chef de l’Etat a salué une « décision historique » du peuple turc et appelé les pays étrangers à « respecter » le résultat du scrutin.
Peu après, il a évoqué la possibilité d’organiser un nouveau référendum, cette fois-ci sur le rétablissement de la peine capitale.
Avec cette victoire, M. Erdogan, qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet, disposera non seulement de pouvoirs considérablement renforcés, mais pourrait en théorie rester à la tête de l’Etat jusqu’en 2029. Il a occupé le poste de chef du gouvernement entre 2003 et 2014, avant d’être élu président.
Le ‘Non’ l’emporte à Istanbul et Ankara
Quant aux deux principaux partis d’opposition, le CHP et le HDP (prokurde), ils ont dénoncé des « manipulations » au cours du référendum et annoncé qu’ils feraient appel du résultat.
Ils fustigent notamment une mesure annoncée à la dernière minute par le Haut-Conseil électoral considérant comme valides les bulletins ne comportant pas le tampon officiel du bureau de vote dans lequel ils ont été glissés dans l’urne.
L’opposition dénonce des manipulations
Cette mesure a « rendu sujet à débat la légitimité du référendum » et « jeté une ombre sur la décision de la nation », a affirmé le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu.
Quelques milliers de manifestants contestant la victoire du « oui » ont scandé des slogans hostiles à M. Erdogan dans les quartiers de Besiktas et Kadikِy à Istanbul, selon des photographes de l’AFP. Aucun incident n’a cependant été signalé lors de ces manifestations.
En dépit de la victoire annoncée du oui dans l’ensemble du pays, le camp du non l’a emporté dans les trois principales villes, Istanbul, Ankara et Izmir.
Les régions du sud-est, peuplées en majorité de Kurdes, ont aussi massivement voté contre l’accroissement des prérogatives du chef de l’Etat.
« C’est une victoire pour Erdogan, mais aussi une défaite. Il a perdu Istanbul, là où il a entamé sa carrière politique » en devenant maire en 1994, a écrit sur Twitter Soner Cagaptay, analyste spécialiste de la Turquie au Washington Institute.
Source: Agences