Depuis lundi 28 avril et jusqu’au 2 mai, La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert sa semaine d’audiences, plus de 50 jours après l’instauration d’un blocus total sur l’accès de l’aide humanitaire entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.
Plusieurs États sur les 39, dont l’Afrique du sud, l’Algérie, l’Arabie saoudite, la Belgique, la Colombie ont présenté depuis leurs dépositions. L’écrasante majorité sont unanimes pour accuser l’entité sioniste de violer ses obligations en tant que « puissance occupante ». Les Etats-Unis se sont démarqués en s’alignant sur les positions israéliennes notamment concernant l’UNRWA.
Afrique du sud : « toute la gamme des techniques de la faim »
Mardi, l’Afrique du Sud a déclaré devant la CIJ qu’Israël utilise la famine comme arme contre les Palestiniens dans les territoires occupés, violant ainsi ses obligations internationales.
Lors du deuxième jour d’audiences publiques à La Haye, Jaymion Hendricks, représentant sud-africain, a affirmé : « Le droit international interdit à Israël d’utiliser la famine comme méthode de guerre. Même sous siège ou blocus, Israël ne peut pas punir collectivement la population palestinienne qu’il maintient sous occupation illégale. »
Poursuivant son intervention, Hendricks a accusé Israël d’avoir « déployé toute la gamme des techniques de la faim et de l’inanition, perfectionnant le degré de contrôle de la souffrance et de la mort qu’il peut causer par le biais des systèmes alimentaires, ce qui a conduit à cet épisode de génocide. Malgré les tentatives horribles des responsables israéliens de les qualifier autrement, les Palestiniens sont des êtres humains. »
Il a souligné qu’Israël devait « coopérer de bonne foi avec les Nations unies et lui prêter toute l’assistance nécessaire », et respecter ses obligations d’occupant en « garantissant l’approvisionnement en nourriture et en soins médicaux ainsi que la libre circulation de l’aide humanitaire, des services essentiels et de l’assistance au développement fournis par l’ONU, les États tiers et d’autres organisations internationales. »
Hendricks a également insisté sur la nécessité pour Israël de « cesser totalement les hostilités » et « d’annuler immédiatement sa décision d’expulser l’UNRWA ainsi que d’autres organes onusiens chargés de missions humanitaires. »
Concernant le rôle des Nations unies, Hendricks a affirmé que l’organisation « doit exiger et négocier la levée des barrières imposées par Israël » et « continuer de fournir une assistance humanitaire au peuple palestinien malgré les restrictions israéliennes. »
Par ailleurs, il a rappelé que les États tiers ont « l’obligation de ne pas reconnaître les actes internationalement illicites d’Israël, y compris l’interdiction de l’UNRWA », et a exhorté ces États à « coopérer pour mettre fin à de tels actes » en s’abstenant de fournir des armes à Israël.
Algérie : absence de réaction effective
La représentante algérienne Samia Bourouba a appelé CIJ à « déclarer qu’Israël viole ses obligations légales en tant que membre de l’ONU et en tant que puissance occupante. »
Bourouba a dénoncé l’absence de réaction efficace face aux actions israéliennes. « Face aux violations commises par Israël, nous assistons à une absence de réaction effective de la communauté internationale », a-t-elle déploré.
De son côté, Maya Sahli Fadel, également représentante de l’Algérie, a souligné que l’aide humanitaire ne devrait jamais être utilisée comme « monnaie d’échange politique ou arme de guerre. »
« Sauver des vies ne devrait jamais faire l’objet de controverses », a-t-elle insisté, rappelant que « les principes du droit international élaborés depuis des siècles pour protéger les civils ne doivent pas être écartés et que l’impunité ne doit pas perdurer. »
Arabie saoudite : Israël aggrave la crise à Gaza
L’Arabie saoudite a déclaré qu’Israël avait ignoré les ordonnances juridiquement contraignantes de la Cour et aggravé la crise humanitaire dans la bande de Gaza.
« Le jugement de la Cour traçait une voie claire qu’Israël devait suivre pour se conformer enfin à la légalité internationale », a affirmé Mohammed Saud Alnasser, représentant saoudien aux audiences, en référence à la décision de mars 2024 ordonnant à Israël de permettre « l’acheminement sans entrave de l’aide » vers Gaza.
« Hélas, mais sans surprise, Israël a choisi d’ignorer cette décision, démontrant qu’il se considère au-dessus des lois », a-t-il ajouté.
Alnasser a précisé qu’Israël avait « ignoré ces mesures conservatoires, tout comme d’autres appels émanant d’organes onusiens, d’organisations internationales et d’États concernés », préférant « aggraver la crise humanitaire et transformer Gaza en un amas de ruines invivable, tout en tuant des milliers d’innocents et de personnes vulnérables. »
Évoquant les responsabilités d’Israël concernant les installations de l’ONU à Gaza, il a déclaré : « L’incapacité d’Israël à garantir l’inviolabilité des locaux onusiens ne saurait être justifiée par des considérations de sécurité nationale ou de nécessité militaire. »
Il a en outre rappelé que l’Arabie saoudite « réaffirme son engagement inconditionnel en faveur de la création d’un État palestinien indépendant et souverain, dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Cette position est ferme et non négociable. »
Belgique : intérêts , dans le respect du droit international
Le professeur Vaios Koutroulis, représentant la Belgique, a averti que Gaza fait de nouveau face au risque de famine et de malnutrition, tout en soulignant que l’accès à l’eau et aux installations sanitaires demeure « très limité et très inégal. »
Il a insisté sur le fait que « les obligations humanitaires d’Israël doivent être interprétées et appliquées de bonne foi », ajoutant qu’« il est interdit d’attaquer les personnels paramédicaux et humanitaires. »
Selon Koutroulis, « les intérêts militaires et sécuritaires d’Israël doivent être exercés dans le respect du droit international, et non en dépit de celui-ci. »
Colombie : violations des devoirs humanitaires par Israël
Pour sa part, Mauricio Jaramillo Jassir, représentant de la Colombie, a affirmé qu’Israël viole ses obligations en « entravant l’accès aux services de base et à l’aide humanitaire pour la population palestinienne. »
Il a précisé qu’Israël devait « s’abstenir d’attaquer, de détruire, de confisquer ou de rendre inutilisables les biens essentiels à la survie des civils », et garantir « un accès sécurisé aux personnels médicaux et aux ambulances. »
Jassir a également dénoncé les actions d’Israël contre l’UNRWA, soulignant que, « en entravant le travail des organisations internationales, Israël condamne la population de Gaza à une aggravation de la crise humanitaire. »
Palestine : l’aide humanitaire, « une arme de guerre »
Le représentant de l’État de Palestine a affirmé lundi devant la CIJ qu’Israël utilisait le blocage de l’aide humanitaire comme « arme de guerre » à Gaza.
« Toutes les boulangeries de Gaza soutenues par les Nations unies ont été contraintes de fermer leurs portes. Neuf Palestiniens sur dix n’ont pas accès à l’eau potable », a déclaré lundi Ammar Hijazi, représentant de l’État de Palestine auprès des organisations internationales, lors de l’ouverture de l’audience.
« Les locaux des Nations unies et d’autres agences internationales sont vides… La faim est ici. L’aide humanitaire est en train d’être utilisée comme une arme de guerre », a-t-il ajouté devant le panel de 15 juges.
USA : Aucune obligation pour l’UNRWA
A contre-courant, les Etats-Unis se sont démarqués ce mercredi en s’alignant sur les positions israéliennes.
Leur représentant a fait part à la CIJ de « sérieux doutes » concernant l’impartialité de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
« L’impartialité de l’UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d’informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l’UNRWA et que le personnel de l’UNRWA a participé à l’attentat terroriste du 7 octobre contre Israël », a déclaré Josh Simmons, de l’équipe juridique du département d’État américain.
« Il est clair qu’Israël n’a aucune obligation d’autoriser l’UNRWA à fournir une assistance humanitaire », a-t-il déclaré, ajoutant que l’UNRWA n’était pas la seule option d’aide humanitaire.
Israël a promulgué « une loi interdisant à l’UNRWA, d’opérer sur le sol israélien », après avoir accusé certains membres du personnel d’avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023.
Une série d’enquêtes, dont l’une menée par l’ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des « problèmes de neutralité » à l’UNRWA, mais a souligné qu’Israël n’avait pas fourni de preuves de son allégation principale.
Israël : C’est l’ONU qui doit être jugée
A noter que l’entité sioniste s’abstient de participer à ces audiences.
Son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, a estimé que la procédure « s’inscrit dans le cadre d’une persécution et d’une délégitimation systématiques d’Israël ».
« Ce n’est pas Israël qui devrait être jugé. C’est l’ONU et l’Unrwa », a-t-il déclaré aux journalistes.
Pour rappel, l’armée d’occupation israélienne a relancé son offensive contre Gaza le 18 mars, rompant l’accord de cessez-le-feu et d’échange de prisonniers conclu le 19 janvier.
Depuis octobre 2023, plus de 52 400 Palestiniens, majoritairement des femmes et des enfants, ont été tués et 118.014 blessés.
Sources : AFP, AA