Le médecin Hossam Abou Safiya, directeur de l’hôpital Kamal Adwan dans le nord de la bande de Gaza, est détenu dans des conditions « inhumaines » par Israël et soumis à des « intimidations physiques et psychologiques », a affirmé son avocate à l’AFP.
Agé de 52 ans, ce pédiatre de formation s’est fait connaître lors de l’offensive israélienne dans le nord de Gaza, en témoignant sur les réseaux sociaux du sort des malades, blessés et déplacés au sein de son hôpital.
Il avait refusé d’évacuer son établissement situé à Beit Lahia, malgré les avertissements de l’armée israélienne.
Le 27 décembre, les forces israéliennes ont pris d’assaut l’hôpital, un « centre terroriste » du Hamas, selon elles. Des dizaines de soignants ont été arrêtés, dont Abou Safiya, accusé d’être un membre du Hamas. Le dossier du médecin a été classé « confidentiel » par le parquet militaire qui en a interdit l’accès à la défense.
Son avocate, Ghaid Qassem, a cependant pu lui rendre visite le 19 mars dans la prison d’Ofer, en Cisjordanie occupée. « Il souffre énormément, il est très épuisé par la torture, les pressions et l’humiliation subies pour lui faire avouer des actes qu’il n’a pas commis », raconte-t-elle.
L’armée israélienne n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
Après un passage par la base militaire de Sde Teiman, dans le désert du Neguev, Abou Safiya a été transféré à la prison d’Ofer.
« Réalité effroyable »
Son « calvaire » a commencé à Sde Teiman où il a subi quatre interrogatoires « avec coups, mauvais traitements et torture », avant d’être placé 25 jours dans une cellule exiguë à Ofer, où il a également été longuement interrogé, affirme l’avocate.
Les autorités israéliennes l’ont désigné comme « combattant illégal » pour une période illimitée, dit-elle.
Adoptée en 2002, la loi israélienne sur les « combattants illégaux » permet de détenir des membres présumés de « forces hostiles » en dehors des cadres juridiques habituels. Elle a été modifiée après le début de la guerre à Gaza, rappelle Adalah, le centre pour les droits des minorités arabes en Israël.
Amnesty International a demandé sa libération, citant des témoignages sur « la réalité effroyable » dans les prisons israéliennes, où les détenus palestiniens — y compris des professionnels de santé — subissent « des actes de torture systématique et autres mauvais traitements ».
Une campagne de mobilisation sur les réseaux sociaux a rassemblé des organisations de santé, des personnalités et des responsables onusiens. Sur X, le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a aussi réclamé sa libération immédiate.
Ghaid Qassem s’alarme de l’état de santé « très préoccupant » de son client. « Il souffre de tension artérielle, d’arythmie cardiaque, de problèmes de vision », déclare-t-elle. « Il a perdu plus de 20 kg en deux mois et s’est fracturé quatre côtes durant les interrogatoires, sans recevoir de soins. »
Abou Safiya garde malgré tout « son calme », selon elle. Mais « il se demande quel crime il a commis » pour être emprisonné « dans des conditions inhumaines. »
« Devoir moral »
Selon l’avocate, ses geôliers israéliens « lui demandent d’avouer avoir opéré des membres du Hamas ou des otages israéliens, mais il n’a pas cédé » et rejette les accusations. En tant que pédiatre, « tout ce qu’il a fait, c’était par devoir moral, professionnel et humain envers les patients et les blessés », ajoute-t-elle. Elle dénonce les restrictions imposées aux visites des avocats, qui n’ont pas le droit d’informer les détenus sur « la guerre, le jour, l’heure ou leur localisation géographique ».
Depuis le 7 octobre 2023, environ 5.000 Gazaouis ont été arrêtés par Israël, certains ayant été relâchés dans le cadre d’échanges avec des captifs israéliens détenus par le Hamas.
Ils sont généralement accusés « d’appartenir à une organisation terroriste » ou de représenter « une menace à la sécurité d’Israël ».
Selon Ghaid Qassem, nombre d’entre eux ont été arrêtés sans chef d’inculpation ni procès et les avocats n’ont souvent pas su où se trouvaient leurs clients durant les premiers mois de la guerre.
Sa rencontre avec Abou Safiya, sous étroite surveillance, n’a duré que 17 minutes.
Source: Avec AFP