La Syrie connaît actuellement des transformations politiques et sur le terrain majeures qui créeront une nouvelle réalité au niveau politique et sécuritaire du pays, dans le cadre d’accords séparés conclus par la nouvelle administration avec les forces influentes sur le terrain.
Cela survient après les massacres qui ont secoué le littoral, où plus de 1000 civils de la communauté alaouite ont été tués par les forces de sécurité et groupes alliés.
Les détails de ces massacres continuent d’être révélés malgré les efforts de dissimulation menés par les autorités de Damas. Ces dernières ont promis de traduire en justice tous les auteurs de ces crimes, afin d’apaiser la colère internationale.
Un jour seulement après l’annonce de la signature d’un accord entre Damas et les Forces démocratiques syriennes (FDS), pour que ces dernières rejoignent l’armée syrienne naissante, les travaux ont commencé pour coordonner l’annexion du gouvernorat de Soueida, dirigée par des factions druzes et qu’Israël cherche à exploiter dans le cadre d’une campagne militaro-sécuritaire visant à diviser la Syrie.
Mardi, le gouvernorat de Soueida a envoyé une délégation à Damas pour mener des pourparlers avec Charaa. Les deux parties sont convenu à un accord en vertu duquel le drapeau syrien a été hissé sur le bâtiment du gouvernorat, quelques jours après que la bannière des druzes ait été brandie.
Cette situation s’accompagne d’un processus de redéploiement et de redistribution des forces, notamment le déploiement de l’Armée syrienne libre (ASL), fondée par les États-Unis dans la région d’al-Tanf, à la frontière entre l’Irak et la Jordanie, pour jouer deux rôles complexes dans le sud-est du pays.
Elle est chargée de surveiller la frontière syrienne avec la Jordanie et une partie de la frontière irakienne, et de sécuriser les sites pétroliers dont le gouvernement syrien a annoncé la reprise, dans le cadre de l’accord qui rétablira le contrôle gouvernemental sur les zones contrôlées par l’Administration autonome.
Bien que les termes de l’accord signé entre le président syrien de transition Ahmad al-Charaa et le chef des FDS Mazloum Abdi – dont la mise en œuvre doit prendre neuf mois – étaient vagues et imprécis à certains égards, les données, en particulier les déclarations qui ont suivi cet accord, parrainé par les États-Unis et auquel la France a participé, indiquent que la tendance générale vers la formation de l’État syrien s’oriente vers l’établissement d’un système de gouvernement décentralisé, à mi-chemin entre le gouvernement central existant et les tentatives de fédéralisation du pays.
Les accords actuellement en cours d’élaboration, s’ils aboutissent, permettraient de réunir la Syrie sous une seule bannière, sans la soumettre totalement au contrôle de Damas, comme l’a confirmé le Conseil démocratique syrien, le bras politique des FDS.
L’accord entre Damas et les Kurdes: quel intérêt pour les deux parties?
L’accord entre Damas et les Kurdes permet au nouveau pouvoir en Syrie d’étendre son autorité sur le territoire et les ressources du nord-est, et aux Kurdes de conserver leurs forces dans le cadre de la future armée et de voir leurs droits nationaux enfin reconnus.
Signé lundi soir par le président intérimaire, Ahmad al-Chareh, et le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi, l’accord sert les intérêts des deux parties dans le pays engagé dans une transition délicate, estiment des analystes.
Quels sont les principaux points de cet accord en huit points, dont le mécanisme d’application doit encore décidé, et qui doit être appliqué d’ici la fin de l’année?
– Que prévoit l’accord ? –
Le texte prévoit « l’intégration de toutes les institutions civiles et militaires du nord-est de la Syrie au sein de l’administration de l’Etat syrien, y compris les postes-frontières, l’aéroport ainsi que les champs pétroliers et gaziers ».
L’administration autonome kurde, dont les FDS sont le bras armé, contrôle de vastes territoires dans le nord et l’est de la Syrie, riches en blé, pétrole et gaz.
En revanche, le texte ne mentionne pas la dissolution des FDS, soutenues par les Etats-Unis, ou leur dissolution.
De son côté, le pouvoir central reconnaît les Kurdes, marginalisés pendant des décennies, comme « une composante essentielle de l’Etat syrien », et garantit leurs « droits à la citoyenneté et l’ensemble de leurs droits constitutionnels ».
Des responsables kurdes, notamment le chef des FDS, ont considéré l’accord comme une « opportunité historique », et des manifestations de joie ont éclaté dans les zones kurdes.
– Quel intérêt pour Damas?
L’accord est intervenu alors que des violences d’une ampleur inégalée depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre ont secoué l’ouest de la Syrie, faisant plus de 1.000 morts parmi les civils, en majorité des Alaouites, tués par les forces de sécurité et groupes alliés.
Cette escalade a constitué un test pour Ahmad al-Chareh, qui tente de consolider son pouvoir sur le territoire syrien.
Selon le spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche, la zone contrôlée par l’administration kurde comprend 90% des champs pétroliers de la Syrie et constitue son grenier à blé.
La nouvelle armée syrienne gagne également un contingent kurde très organisé et entraîné avec lequel elle peut se coordonner face aux défis de sécurité.
Le sort des prisons dirigées par les forces kurdes et abritant des milliers d’anciens terroristes n’est pas encore décidé. M. Abdi avait indiqué en février que les autorités de Damas voulaient les placer sous leur contrôle.
– Quels gains pour les Kurdes?
Même si l’accord ne le dit pas explicitement, il semble que les Kurdes vont pouvoir conserver leur structure militaire, ce qui était l’une de leurs principales conditions.
Les FDS vont coordonner avec Damas la lutte contre Daesh
L’accord, signé sous parrainage des Etats-Unis et participation de la France, reconnaît les droits des Kurdes, qui sont la plus importante minorité ethnique en Syrie.
Désormais, les Kurdes « ne peuvent plus être mis à l’écart dans l’édification de la future Syrie », selon des analystes.
L’accord est intervenu près de deux semaines après un appel historique du leader du PKK, Abdullah Öcalan, à la dissolution du parti et à l’abandon de la lutte armée.