Face à l’Iran, le président américain Donald Trump et les pontes de son administration multiplient les menaces et affichent de grosses ambitions. Mais dans leur besace, il n’y a que de minces options et de maigres moyens.
Pendant sa campagne électorale, Donald Trump a exprimé une vive hostilité à l’égard de la République islamique d’Iran, assurant qu’il reviendrait sur l’accord nucléaire conclu par l’administration Obama et qu’il prendrait des mesures pour freiner l’influence de Téhéran au Moyen-Orient. Il s’est entouré de personnalités qui appartiennent au groupe «Nous détestons l’Iran». L’ancien analyste de la CIA, Paul Pillar, estime que «le danger est imminent car les nominations de Trump aux postes importants de la sécurité nationale mettent en place, à des niveaux élevés de la nouvelle administration, des gens prédisposés à entretenir un conflit permanent avec l’Iran, une prédisposition qui est beaucoup plus viscérale qu’analytique, et qui incarne la sorte de ferveur et de haine qui risque de mener à un conflit armé».
Parmi les plus belliqueux figure le secrétaire à la Défense, James Mattis, surnommé le «chien fou». Sa haine contre l’Iran remonte aux années 80 du siècle dernier, lorsque 220 Marines et 20 autres Américains ont été tués au Liban dans un attentat suicide commandité par l’Iran, selon les Etats-Unis. Sa haine a augmenté lorsque l’armée américaine était saignée à blanc alors qu’elle occupait l’Irak, accusant Téhéran de soutenir la résistance irakienne. Le général Mattis a récemment déclaré que «l’Iran est le seul plus gros sponsor du terrorisme dans le monde».
L’éphémère conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, n’était guère plus raisonnable. Pétri par des préjugés façonnés par son islamophobie maladive, Flynn était persuadé que l’Iran se tenait derrière l’attaque contre le consulat américain à Benghazi, en 2012, au cours de laquelle l’ambassadeur Christopher Ford a été tué. Selon le New York Times, il aurait ordonné à ses subordonnés de la «Defense Intelligence Agency», qu’il dirigeait, de prouver qu’il avait raison. Evidemment, aucune preuve sur un quelconque rôle de l’Iran n’a été apportée.
Le nouveau directeur de la CIA, Mike Pompeo, n’est pas plus lucide. Son objectif, clairement exprimé, est de vider de son contenu l’accord du nucléaire avec l’Iran.
La guerre des mots
Pour montrer qu’une nouvelle ère vient de s’ouvrir à Washington, l’administration américaine a adressé, le 1er février, une mise en garde à l’Iran dont elle a dénoncé «le comportement déstabilisateur» au Moyen-Orient. Ces propos malveillants sont intervenus après le tir d’un missile par les forces armées iraniennes. «A partir d’aujourd’hui, nous mettons officiellement l’Iran en garde», a déclaré Michael Flynn, quelques jours avant d’être éjecté de son poste pour ses contacts avec l’ambassadeur de Russie à Washington.
La représentante des Etats-Unis à l’Onu, Nikki Haley, a pris le relais, estimant que le missile testé fin janvier, pouvait transporter une charge de 500 kilogrammes et avait un rayon d’action de 300 kilomètres. «C’est plus que suffisant pour emporter une arme nucléaire», a-t-elle estimé, promettant que les Etats-Unis ne resteraient pas «les bras croisés».
L’Iran n’a pas tardé à réagir. Le conseiller en politique étrangère du leader de la révolution, l’Ayatollah Ali Khamenei, a déclaré que Téhéran ne se pliera pas aux menaces américaines. «Ce n’est pas la première fois qu’une personne inexpérimentée menace l’Iran», a déclaré Ali Akbar Velayati, en allusion au président Trump. «Le gouvernement américain comprendra que menacer l’Iran est inutile. L’Iran n’a besoin de la permission de quelque pays que ce soit pays pour se défendre», a ajouté M. Velayati.
«Le test récent était conforme à nos programmes et nous ne permettrons à aucune nation étrangère de s’ingérer dans nos affaires de Défense», avait pour sa part déclaré à l’agence de presse Tasnim le ministre de la Défense iranien, Hossein Dehqan.
Preuve que les menaces américaines n’ont aucun effet, les Gardiens de la Révolution ont procédé, cette semaine, au tir expérimental d’un nouveau missile balistique destiné à équiper la marine iranienne. «Le missile naval appelé Ormuz-2 a réussi à détruire cette semaine une cible située à 250 km», a déclaré Amir Ali Hajizadeh, commandant de la force aérospatiale du corps des Gardiens de la Révolution, cité par l’agence Tasnim.
En outre, plusieurs navires d’attaque rapide iraniens sont récemment passés à 550 mètres seulement du bâtiment de guerre américain USNS Invincible, contraignant ce navire traceur à changer de cap. En janvier, un destroyer (contre-torpilleur) américain, le Mahan, avait tiré à proximité du détroit trois coups de sommation en direction de quatre vedettes iraniennes, qui approchaient à grande vitesse et n’avaient pas tenu compte des demandes répétées de ralentir.
Manque de moyens militaires
Les experts sérieux pensent que les Etats-Unis, qui n’avaient pas osé attaquer l’Iran à l’apogée de leur force, n’ont tout simplement plus les moyens de le faire aujourd’hui. A l’époque de George W. Bush, cinq porte-avions et trois cents mille soldats américains étaient déployés dans le Golfe, mais l’ordre d’attaque n’a jamais été donné.
La décision d’augmenter de 54 milliards de dollars le budget de la défense est interprétée par certains analystes comme une preuve du bellicisme de la nouvelle administration. D’autres y voient simplement le retour de l’influence du complexe militaro-industriel, qui veut rafler des contrats et garnir des carnets de commandes.
Conscients de leurs limites sur le plan militaire, les Etats-Unis ont proposé la création d’une sorte d’Otan arabe, pour faire face à l’Iran. Le problème c’est que Washington souhaite que les pays arabes fassent la guerre pour son compte, alors que les Arabes attendent des Etats-Unis qu’ils se battent à leur place.
Concernant l’accord sur le nucléaire, après avoir promis de le «déchirer», durant sa campagne, Donald Trump n’a pas pris clairement position sur le sujet depuis son installation dans le bureau ovale. Lors d’un entretien téléphonique, le président américain et le roi Salmane d’Arabie saoudite se sont déclarés pour une «application rigoureuse» de l’accord. Il ne s’agit donc plus de le déchirer!
L’ancien ambassadeur de France à Téhéran, François Nicoullaud, explique, dans ce cadre, que les Etats-Unis pourraient se retirer sans difficultés juridiques de l’accord avec l’Iran mais il pense que leur départ ne condamnerait pas le texte, qui a été approuvé par le Conseil de sécurité des Nations unies.
D’ailleurs, même si les États-Unis sortaient de l’accord, celui-ci ne serait pas annulé, car il y a d’autres partenaires, les Européens, la Russie et la Chine, cosignataires du texte. Le retrait unilatéral des Américains replacerait l’Iran dans la situation où il se trouvait au début des années 2000, quand il avait des relations économiques quasi-normales avec tout le monde, à l’exception des États-Unis.
Les incohérences de la politique américaine sont également visibles au niveau de la guerre contre le terrorisme. James Mattis a accusé l’Iran d’utiliser les terroristes de «Daech» comme prétexte pour élargir son influence au Moyen-Orient, laissant entendre qu’une alliance tacite existait entre les deux parties. Dans le même temps, les Américains ne peuvent nier le rôle du gouvernement irakien, allié de l’Iran, et des Forces de la mobilisation populaire, armées et entrainées par Téhéran, dans les défaites décisives infligées à «Daech» en Irak, où l’organisation terroriste a perdu 65% des territoires qu’elle contrôlait.
L’Iran sait pertinemment que les Etats-Unis n’attaquent que les plus faibles, comme ils l’ont fait au Panama, en Grenade et dans l’Irak affaibli de Saddam Hussein. Pour se protéger contre l’agressivité américaine, il faut donc montrer sa force. Une vérité que l’Ayatollah Khamenei a tenu à rappeler cette semaine encore.
Source: Al-Ahed news
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