Les caméras rotatives sont positionnées aux quatre coins de son toit-terrasse, dans la ville al-Khalil (Hébron).
Installées dans tous les recoins de la Cisjordanie occupée, elles ont facilité les arrestations des Palestiniens et leur liquidation. Les chiffres connaissent une hausse vertigineuse depuis leur installation,
« Elles suivent tous nos mouvements », assure Oum Nasser à l’AFP, et pour qui cette surveillance dopée à l’intelligence artificielle est « plus difficile depuis la guerre » israélienne contre la bande de Gaza destinée selon le gouvernement de Netanyahu à éradiquer le Hamas.
« Je suis fatiguée psychologiquement », explique cette Palestinienne de 55 ans qui vit au-dessus du poste de contrôle Abou Al-Rish, point de violences récurrentes au cœur de la vieille ville où les guérites s’imbriquent inextricablement entre rues palestiniennes et enclaves occupées par des colons israéliens.
Le quartier abrite la mosquée d’Ibrahim (le Caveau des Patriarches), lieu saint pour les juifs et les musulmans, sous la protection de dizaines de soldats de l’occupation lourdement armés, et autant de caméras. Selon le site web de la chaine qatarie al-Jazeera, l’appel à la prière, al-azane, a été interdit 600 fois en 10 mois de l’an 2023. Le prélude de sa confiscation, appréhendent les habitants.
Ces caméras sont pour Oum Nasser une intrusion étouffante. « Nous avons essayé de placer des morceaux de bois ou des tissus autour des caméras, afin de préserver notre intimité, mais à chaque fois, l’armée les a enlevés », assure-t-elle. « Un jour, des soldats sont venus prendre nos cartes d’identité et ont dit qu’ils allaient les utiliser pour un système de reconnaissance faciale », rapporte-t-elle.
A l’inverse, dit Shai Cohen, colon israélien de 23 ans, les caméras « nous aident beaucoup » à nous sentir en sécurité. Plus de 450 mille colons vivent en Cisjordanie et continuent d’édifier ou d’élargir les colonies avec l’autorisation gouvernementale israélienne. Alors que selon les accords d’Oslo, ils auraient du évacuer la Cisjordanie qui aurait dû faire partie du future Etat palestinien qui n’a jamais été édifié.
Selon l’AFP, « Israël » s’est positionné comme une « start-up nation » forte de ses outils de cybersécurité, systèmes de surveillance et armements ultra-modernes. Si plusieurs projets civils utilisent la reconnaissance faciale, l’armée en déploie d’autres dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
Parmi eux, l’application dite « Blue Wolf » (Loup Bleu) par laquelle des soldats photographient les visages de Palestiniens avec leurs téléphones, avant que les images ne soient confrontées à une base de données qui indique si la personne doit être arrêtée ou non.
En 2022, s’est ajouté le système « Red Wolf » (Loup Rouge), un logiciel intégré aux postes de contrôle, documenté en mai dernier par Amnesty International.
« Les soldats savent avant même que j’arrive au checkpoint que je suis +rouge+ (…) donc +une menace+ », témoigne Issa Amro, militant des droits humains, qui dénonce « une couche d’humiliation supplémentaire. Les photos ont été prises sans notre consentement, nous ne savons pas comment les données sont utilisées ».
En 2023, 10.276 Palestiniens ont été arrêtés en Cisjordanie dont près de 6.000 après le 7 octobre.
L’armée a également indiqué fin 2022 tester une technologie de surveillance appliquée à des « moyens de dispersion » d’une foule, développée par la société Smart Shooter. Le dispositif, qui permet de déclencher des tirs, est contrôlé à distance et n’est pas létal, selon l’armée.
Interrogée par l’AFP sur cet outil et sur le nombre de colonies et de postes de contrôle équipés des systèmes « Wolf », l’armée n’a pas répondu.
En 2023, l’armée israélienne a tué 532 Palestiniens en Cisjordanie dont 318 après le 7 octobre. 171 martyrs avaient été recensés en 2022, année qui avait alors été considérée comme la plus sanguinaire en comparaison avec les précédentes. Mais pas par apport à 2023.
L’automatisation fait « gagner en efficacité » ce qui « facilite l’occupation » au prix d’une « déshumanisation » des Palestiniens, relève l’ONG israélienne de vétérans Breaking the silence.
« Le propre du système est de créer de l’anxiété et de la peur. Nos comportements et nos déplacements sont scrutés. Il existe aussi un système qui scanne nos plaques d’immatriculation », dénonce de son côté Adel, un défenseur des droits humains qui utilise un prénom d’emprunt.
Il habite Jérusalem-est, où la reconnaissance faciale est notamment appliquée, selon lui, pendant les manifestations.
« Un jour, lors d’un contrôle, des pages entières de données sont apparues sur la tablette » que consultaient les soldats, ajoute Adel : « Ils m’ont parlé d’une arrestation vieille de plusieurs années et pour laquelle j’avais été innocenté par la justice ».
L’ambiance s’est encore tendue depuis le 7 octobre, date de l’opération du Hamas dans l’enveloppe de Gaza, qui a entraîné la mort de plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes. Alors qu’Israël accuse le Hamas d’avoir tué ces Israéliens, ce mouvement dément et assure qu’ils ont soient été tués dans des affrontements ou dans des tirs de l’armée israélienne qui a abattu combattants palestiniens et civils israéliens lors de son intervention.
En riposte, Israël a lancé une offensive militaire dans la bande de Gaza qui s’apparente à un génocide et l’affaire a été portée par l’Afrique du sud devant la Cour internationale de justice. Cette offensive a fait plus de 27.000 morts, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé de Gaza.
A la mi-novembre, des allégations sur l’usage de la reconnaissance faciale ont émergé à Gaza : des vidéos ont montré une foule de Palestiniens fuyant vers le sud en passant à travers des portiques. L’agence palestinienne Wafa a pour sa part fait mention de caméras « intelligentes » dans la cour de l’hôpital al-Chifa.
L’armée, elle, indique « mener des opérations de sécurité et de renseignements » dans le cadre de la guerre.
Par le passé, elle avait déjà évoqué des systèmes autonomes, notamment des drones et des jeeps robotisées pour patrouiller le long de la frontière avec Gaza.
C’est justement des caméras et des mitrailleuses actionnables à distance que les commandos du Hamas ont détruit en premier, le 7 octobre.
Source: Divers