Sous les arches en marbre d’une église de Qaraqosh, plusieurs dizaines de fidèles ont assisté jeudi dans la douleur et la colère à une messe en mémoire des victimes de l’incendie ayant endeuillé un mariage dans le nord de l’Irak.
Arrivé dans la province de Ninive, où se trouve Qaraqosh, le Premier ministre irakien Mohamed Chia al-Soudani s’est rendu dans la matinée au chevet des blessés soignés dans deux hôpitaux de la région.
Le feu ayant ravagé mardi soir une salle des fêtes de Qaraqosh –également connue sous le nom de Hamdaniyah– a fait une centaine de morts et 150 blessés selon un bilan toujours provisoire. Quelque 900 invités se trouvaient dans ce bâtiment qui n’était pas aux normes de sécurité, d’après le ministère de l’Intérieur.
Jeudi matin à Qaraqosh, dans l’église syriaque catholique d’al-Tahira, des femmes aux traits tirés sont enlacées sur un banc. Non loin, une femme prend dans ses bras un homme qui ne peut retenir ses larmes.
Des survivants sont présents à la messe, parmi lesquels un homme au bras bandé pour des brûlures, d’après un journaliste de l’AFP.
Les portraits des victimes, dont des enfants, sont alignés au pied de l’escalier menant au chœur.
Après la messe, Najiba Youhana, 55 ans, égrène d’une voix triste les noms de proches disparus.
« Je ne sais pas quoi dire, c’est une douleur dans notre cœur, une tragédie qui ne sera jamais oubliée », lâche-t-elle. « Il y a de la colère et une tristesse indescriptible ».
Mercredi, des centaines de personnes s’étaient rassemblées au cimetière de Qaraqosh pour enterrer des proches. D’autres funérailles sont prévues ces prochains jours.
Les témoignages récoltés par l’AFP s’accordent à dire que l’incendie s’est propagé à une vitesse ahurissante. Sur les réseaux sociaux, des vidéos reprises par des médias irakiens montrent des engins pyrotechniques projeter de hautes gerbes d’étincelles, mettant le feu aux décorations ornant le plafond.
Outre un nombre insuffisant d’issues de secours, la Défense civile a dénoncé, dans la construction du bâtiment, le recours à des panneaux en préfabriqué « hautement inflammables et contrevenant aux normes de sécurité ».
Ces matériaux ont immédiatement pris feu au contact de « feux d’artifice » d’intérieur, des engins pyrotechniques projetant de hautes gerbes d’étincelles, largement utilisés pour égayer les mariages.
Les services de sécurité ont arrêté 14 personnes, « dont 10 employés (de la salle), le propriétaire et trois personnes impliquées dans l’activation des feux d’artifice », selon le ministère de l’Intérieur.
Saccagée par les jihadistes du groupe Daech (Etat islamique) en 2014, Qaraqosh a depuis été lentement reconstruite et 26.000 chrétiens sont retournés y vivre, soit la moitié de sa population originelle.
Mais dans un pays ravagé par des décennies de conflits et de guerres, il y a aussi les drames du quotidien.
L’Irak est régulièrement le théâtre d’incendies ou d’accidents domestiques mortels, bien souvent à cause du manque de respect des normes de sécurité, notamment dans les secteurs de la construction et du transport.
En 2021, à quelques mois d’intervalles, deux incendies avaient fait plusieurs dizaines de morts dans des hôpitaux, illustrant aussi la gabegie des services publics après des décennies de mauvaise gestion et de corruption.
A l’église d’Al-Tahira, Riad Bahnam, 53 ans, est venu prier en mémoire de sa belle-sœur et sa petite-nièce de six ans.
« C’était de la joie qui s’est transformée en tristesse et en colère », lâche-t-il, fustigeant une « erreur humaine » et des « manquements » à l’origine de la tragédie.
Pour lui, tout fonctionnaire « ayant commis une négligence en donnant les autorisations requises au propriétaire est aussi responsable: il est censé réclamer le respect des normes de sécurité », fustige-t-il.
Il compare le drame à « la tragédie du bateau à Mossoul »: en mars 2019 un bac s’était retourné sur le fleuve Tigre, dans la grande métropole située à quelques dizaines de kilomètres de Qaraqosh.
Au moins 100 personnes, quasiment toutes des femmes et des enfants, avaient péri. Le bateau, en surcharge au moment du drame, naviguait alors même que les autorités avaient prévenu du danger en raison du haut niveau des eaux.
Source: AFP