Les pays pétroliers du Golfe assoient progressivement leur influence dans le Pacifique Sud, sur le modèle du programme chinois dit des « Nouvelles routes de la soie », estiment des analystes.
L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, deux des plus grands producteurs de pétrole au monde, se sont ainsi montrés particulièrement généreux envers les Etats insulaires du Pacifique Sud, aux premières loges du changement climatique.
« Ils voient de bonnes choses dans le Pacifique Sud », estime l’homme d’affaires Milroy Cainton, récemment nommé envoyé spécial du Vanuatu aux Emirats arabes unis. « Nous recevons une aide importante de leur part, ainsi que de la Chine. »
Les Emirats arabes unis affirment avoir investi dans la région au moins 50 millions de dollars (46 millions d’euros) depuis 2015 dans des projets d’infrastructures, liés pour la plupart au secteur des énergies renouvelables. Les pétrodollars des Emirats ont notamment financé un parc éolien dans les îles Samoa, des installations de stockage de l’eau dans les îles Marshall ainsi que des projets d’énergie solaire dans les îles du Pacifique de Kiribati, Tuvalu et Salomon.
De son côté, l’Arabie saoudite a également accru ses efforts pour resserrer ses liens avec les Etats insulaires de la région. Riyad a par exemple promis, en juin, de verser 8 millions de dollars (7,3 millions d’euros) aux îles Salomon pour les aider à préparer les jeux du Pacifique qui se tiendront dans la capitale, à Honiara, fin 2023.
Plus tôt cette année, de nombreux hauts dignitaires du Pacifique se sont rendus à Riyad, la capitale saoudienne, où il a notamment été question du financement de la lutte contre le changement climatique.
Comme l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, qui accueilleront cette année à Dubaï la conférence de l’ONU sur le climat, tentent de rattraper leur retard dans le secteur des énergies renouvelables.
« Cela reflète les nouvelles ambitions de ces Etats du Golfe, qui étaient traditionnellement des acteurs passifs sur la scène internationale », analyse Jean-Loup Samaan, de l’Institut du Moyen-Orient de l’Université nationale de Singapour.
« Ces dix dernières années, ils ont progressivement investi le Golfe persique, l’océan Indien et l’Indopacifique. Et pour cela, « ils utilisent ce qu’ils ont, des actifs financiers », précise l’analyste.
Selon M. Samaan, les Emirats arabes unis sont plus « avancés que les Saoudiens ». Leur modus operandi consiste à se « rendre dans ces pays, à établir des relations diplomatiques solides, puis à investir dans les infrastructures locales ».
Pour l’analyste, l’opération de charme de ces Etats du Golfe est comparable au programme chinois dit des « Nouvelles routes de la soie ». Officiellement appelé « la Ceinture et la Route », ce projet vise à développer les infrastructures terrestres et maritimes pour mieux relier la Chine au reste de l’Asie et à l’Europe et l’Afrique.
« C’est comme une version à plus petite échelle de +La Ceinture et la Route+ pour les pays du Golfe », conclut-il.
Selon M. Samaan, l’argent et le profit ne sont pas les principales raisons de cette opération de séduction. « Ils veulent s’assurer des partenaires diplomatiques qui s’alignent sur leurs intérêts plus tard », souligne-t-il.
Malgré leur faible poids démographique et économique, les îles du Pacifique pourraient constituer de précieux alliés, notamment au sein de l’ONU, où elles représentent 12 des 55 voix de la région Asie-Pacifique, qui inclut l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.
Par ailleurs, élargir leur influence dans cette région « ne coûte pas cher », souligne l’analyste Stewart Firth, de l’Université nationale d’Australie à Canberra, qui a été emprisonné en 2018 aux Emirats arabes unis pour espionnage avant d’être gracié et libéré.
Pour Matthew Hedges, auteur et analyste sur le Moyen-Orient, c’est un moyen pour les Etats du Golfe, producteurs incontournables d’énergies fossiles, de redorer leur image en matière de lutte contre le changement climatique.
« Ils communiquent de manière délibérée et intelligente sur ce qu’ils font », relève M. Hedges. « C’est pragmatique et c’est pour le long terme ».
Source: AFP