Contrairement aux apparences, la livre libanaise n’en finit pas de connaitre des chutes vertigineuses, quoiqu’émaillées par quelque hausse timide. Pour cause, celui qui devrait la redresser est celui qui cause sa perte. Via sa gestion de transactions spéculatives les plus perverses, lesquelles lui apportent des profits ainsi qu’à ses complices.
Pour les experts avisés, Riad Salameh (Salameh) le directeur de la Banque du Liban depuis la fin de la guerre civile et qui est tenu pour responsable de la crise économique et financière qui ravage le Liban, est lui aussi impliqué de fond en comble dans cette sinistre manipulation qui a fait plonger plus de 90% des Libanais dans la pauvreté et provoqué la plus grande inflation dans l’histoire du pays du cèdre.
La livre monte… puis chute
Durant ces derniers jours, deux phénomènes paradoxaux ont eu lieu. Ils illustrent parfaitement ce qui s’est passé ces quatre dernières années.
Le premier est une nouvelle chute du taux de change de la livre libanaise par rapport au dollar américain. Cette dépréciation qui n’a rien de nouveau et se poursuit depuis 2020, a atteint le lundi 26 décembre son summum. En l’espace de quelques heures, la monnaie libanaise est passée de 46 mille à près de 47.800. Sans aucune cause apparente.
Et puis, le mardi 27 décembre, c’est tout le contraire qui s’est passé. La livre est tout-à-coup montée, légèrement, pour être échangée à 42 mille dans le marché noir.
Salameh, l’ingénieur de l’effondrement
Ceci aurait dû réjouir les Libanais normaux, s’ils ne connaissaient pas le jeu qui leur est livré : chaque petite appréciation de la livre libanaise est suivie d’une dépréciation qui n’est jamais du même niveau, mais bien supérieur. Et ainsi de suite.
Il faut rappeler qu’en 2019, la livre s’échangeait à 1.500 contre le dollar et ce depuis 1993. La fixation de ce taux, conjuguée à la hausse du taux d’intérêt a favorisé une économie rentière et provoqué l’endettement de l’Etat libanais, qui a sombré dans l’effondrement, selon les experts.
Et dans tout cela, c’est Salamé qui en est l’ingénieur.
Décisions louches de Salameh
Naturellement il est aussi responsable des deux phénomènes survenus ces deux derniers jours.
La hausse de la livre, mardi, est la conséquence inéluctable de la double décision qu’il a prise ce jour-là :
* La première consistait en une nouvelle dévaluation de la livre sur la plateforme bancaire, communément appelée la Sayrafa. Cette plateforme se devrait en principe d’accorder des dollars aux particuliers et aux sociétés surtout pour des fins de transaction commerciales, à des fins d’importation de biens et de services. Salamé y a baissé le taux de la livre de 31 mille à 38 mille.
* La seconde est qu’il a déclaré avoir sommé toutes les banques de vendre des dollars aux particuliers comme aux sociétés, avec ce nouveau tarif, sans aucun plafond, et de prolonger leurs heures de travail, en relation avec les opérations susmentionnées jusqu’à cinq heures du soir de chaque jour ouvrable jusqu’à la fin de janvier 2023.
Selon ses propos, ces décisions auraient dû faire baisser le dollar. Résultat médiocre : à peine la livre a connu une appréciation pour s’échanger à 42.000 qu’elle a rechuté à 44 mille ce mercredi.
Loin de ses déclarations pompeuses, les faits sont tout autre…
La plateforme bancaire, « crime financier » de Salameh.
Interrogé par la télévision al-Manar, l’économiste libanais D. Elie Yachou’i estime que c’est le chef de la BDL qui est derrière toute cette manigance.
Il qualifie la plateforme bancaire qu’il a créée « de crime financier et de source de gains illégitimes » en expliquant :
« Lorsqu’un commerçant achète des dollars au tarif de la plateforme qui est en deca de celui du marché réel, rien n’assure qu’il va vendre les marchandises qu’il importe en prenant en compte ce tarif », explique-t-il. Mais selon lui, ceux qui profitent de cette plateforme ce sont les sociétés de Salameh et ses complices.
C’est « un spéculateur cambio », a-t-il taclé.
« Il possède des sociétés d’échange de monnaies à qui il fournit des livres libanaises avec lesquelles elles achètent des dollars du marché réel, provoquant sa hausse à 42 mille, puis 43 mille, et ainsi de suite. Par la suite elles les ont vendues pour 47 mille ou plus, baissant son taux, pour le racheter ensuite a 42 mille voire pour 31 mille, selon le tarif de la plateforme bancaire avant sa hausse à 38 mille… Et ainsi de suite ce qui permet à ces sociétés de réaliser des profits aux dépens des gens ».
Salameh, sans morale ni éthique
Il a poursuivi en accusant Salameh de manquer d’éthique et de morale.
« Celui qui est chargé des finances devrait faire preuve d’une immunité éthique. Nous avons une crise morale dans la Banque centrale. C’est inadmissible de la banque centrale c’est pour cela je l’ai qualifié de crime financier. Il est inadmissible de réaliser tous ces profits aux dépens des gens pauvres, aux dépens de l’aggravation de la pauvreté au Liban. Ceci est inadmissible. S’il y avait une juridiction au Liban, elle aurait agi ».
Les singeries de Salameh et les deux dollars
Même analyse de la part du journal libanais al-Akhbar qui a interviewé le conseiller financier Ghassan Chammas.
Le directeur de la BDL est « le premier spéculateur » du Liban, a écrit le journal dans son édition de ce mercredi, estimant que ce sont « ses singeries » qui provoquent l’effondrement de la livre libanaise.
La première de ces singeries étant la création même de la plateforme bancaire qui permet aux plus gros commerçants de se procurer des dollars à un tarif inférieur de celui du marché, et à tout ceux qui en possèdent le plus de spéculer avec , « faisant gonfler les profits des banques, des membres de leurs conseil d’administration et des grands commerçants et changeurs de monnaies ».
Planche d’imprimerie: 75 trillions de L.L.
Le journal reproche à Salameh d’avoir auparavant ouvert la manne pour la planche d’imprimerie de la monnaie nationale et de la pomper dans le marché libanais en quantités énormes. La masse monétaire s’évalue à 75 trillions de livres libanaises. Pour le seul mois d’octobre dernier, Salameh en a pompé 16 trillions.
En plus, précise M. Chammas, la BDL est aussi capable de manipuler l’écrasante majorité de cette masse monétaire, l’équivalent de 70 trillions de L.L. par jour, dans des opérations de ventes et d’achat pendant deux semaines.
Il y a « une spéculation terrible qui provoque la folie du dollar, par les plus grands et non pas par les Libanais qui se précipitent pour échanger 100 ou 200 dollars. Sachant que le volume quotidien des transactions via la plateforme d’échange n’est jamais inférieur à 40 millions de dollars par jour », a-t-il affirmé.
Salameh et ses complices
M. Chammas aussi est d’accord avec M. Yachou’i que c’est Salamé qui est le plus grand bénéficiaire de ces opérations. Assurant que la plus grande partie des bénéficiaires de la plateforme bancaire sont « les propriétaires des grands comptes qui possèdent une grande quantité de livres libanaises, et que la plateforme est utilisée pour les servir, en collusion avec Salamé, en leur donnant un bénéfice net pouvant aller jusqu’à 30% ».
Chammas révèle que certains d’entre eux agissent sous de faux comptes alors qu’ils peuvent très bien appartenir aux banques elles-mêmes.
Bénéfices des banques, pertes de la BDL
Et le pire de tout selon lui : la différence entre le dollar de la plateforme et celui du marché réel, est enregistrée par Salamé comme étant « des pertes en livres libanaises sur le compte de la Banque centrale en même temps qu’elle est accordée aux banques pour réaliser une partie de leurs bénéfices servant à leur recapitalisation ».
L’expert libanais rejette les allégations qui attribuent l’effondrement de la livre libanaise à des facteurs aléatoires, notamment la contrebande vers la Syrie. Il signe et persiste que c’est surtout la politique de Salameh d’imprimer et de pomper des livres libanaises dans le marché qui en est la véritable cause.
Alors que ses spéculations et ses opérations louches font le reste.
Et en Europe aussi
Les malversations de Salameh ne se cantonnent pas au Liban mais atteignent aussi l’Europe.
Des enquêteurs européens devraient venir au Liban entre les 9 et 20 du mois de janvier prochain, a assuré un responsable judiciaire libanais sous le couvert de l’anonymat.
Ce dernier rapporte que les délégations comprenant des juges, des procureurs généraux et financiers de trois pays européens, la France, le Luxembourg et l’Allemagne ont informé le procureur général de la Cour d’appel au Liban, Ghassan Oweidat, qu’elles avaient l’intention « d’enquêter sur Salameh, des responsables de la Banque du Liban et sur les dirigeants de banques commerciales ».
Ces délégations judiciaires n’ont pas demandé l’assistance de la justice libanaise, mais se sont contentées d’informer le Liban des dates de leur arrivée, de la date des interrogatoires qu’elles mèneront et des noms de ceux qui feront l’objet d’une enquête », a-t-il indiqué.
Dans ces trois pays, Salameh fait l’objet de plaintes pour détournement de fonds, transfert illégal de fonds, blanchiment d’argent, fraude fiscale et enrichissement illicite.
120 millions d’euros de ses biens ont été gelés en France qui suspecte sa collaboratrice ukrainienne de complicité dans certaines de ses malversations. De même pour son autre collaboratrice, une actrice libanaise qui est sous le coup d’une enquête judiciaire au Liban lequel a interdit Salameh de voyage.
Salameh pas du tout inquiet
En dépit de cela, Salameh ne semble pas pour autant inquiet. Au Liban, personne ne peut l’ôter de son comme numéro un de la BDL qu’il occupe depuis 1993, Intrépide qu’il est à l’effondrement catastrophique qu’il a causé, aux côtés de ses complices. Rien ne de continuer à commettre ses mille et une malversations.
En 2020, l’ex-vice-secrétaire d’état américain David Schenker a assuré pour Sky News que « ce n’est pas un secret que Washington entretient avec le directeur de la BDL des relations fructueuses ».
Dans une interview avec al-Manar, le 10 décembre dernier, l’expert économique Yachoui’ a affirmé en toute insistance que Salameh a fait tout ce qu’il a fait en toute connaissance et qu’il ne peut ne pas savoir que les politiques qu’il a exécutées depuis 1993 allaient mener le pays au gouffre.
Il le qualifie « d’agent des sionistes », et explique les raisons pour lesquelles il est sans aucun état d’âme, en disant: « Ne commet ce qu’il a commis un homme ayant un minimum de patriotisme ».
Source: Divers