De nouveau, des combats fratricides ont ravagé le nord syrien ces dix derniers jours : ANS contre HDS ; ANS contre ANS; ANS contre FDS… Sans compter l’intervention turque sur le terrain et celle des Etats-Unis sur Facebook et ailleurs.
Près d’une soixantaine de personnes ont été tuées, a rapporté l’AFP, faisant état d’affrontements entre la principale organisation jihadiste du nord de la Syrie et des groupes pro turcs.
ANS contre HTS
Ces affrontements, les plus meurtriers depuis des années selon l’AFP, ont permis au groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS/HTC), ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, de gagner du terrain dans les zones d’influence d’Ankara, proches de la frontière avec la Turquie, face à ceux affiliés de l’Armée nationale syrienne (ANS). Cette coalition de milices est contrôlée par la Troisième Légion (al-Faylaq al-Thaleth), dont la colonne vertébrale de cette faction formée de plusieurs groupes n’est autre que le Front Levantin (al-Jabhat al-Chamiat), qui est soutenu par les Frères Musulmans, d’après Orient news.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), rapporte l’AFP, 28 combattants de HTS et 20 autres des factions pros turques ont été tués, ainsi que dix civils.
Les combats ont éclaté le 8 octobre et l’armée turque, déployée dans la région, n’est pas intervenue, selon des sources concordantes, rapporte l’AFP.
En quelques jours, HTS a pu prendre le contrôle total de la région d’Afrine, proche de la frontière turque, ont indiqué le correspondant de l’AFP et le porte-parole d’un groupe armé pro turc local.
Selon l’OSDH, un accord a été conclu entre les belligérants, stipulant que HTS administrera Afrine, y sera chargée de la sécurité et se déploiera aux postes de contrôle séparant cette zone des régions tenues par le pouvoir syrien et les Kurdes.
« HTS n’aurait pas pu entrer dans cette région sans l’accord de la Turquie », estime l’OSDH.
ANS contre ANS
Une version des faits quelque peu différente a été livrée par le site web d’informations al-Araby al-Jadeed (pro Qatar), selon lequel les combats ont commencé il y a deux semaines, entre deux milices de l’ANS, après l’assassinat d’un activiste des médias.
Il s’est avéré que la cellule qui était derrière est affiliée à la faction Division Hamzat qui fait partie de la Deuxième légion de l’ANS et avait été formée et entrainée par les USA. C’est alors que l’autre faction Troisième Légion a attaqué son quartier général dans la ville d’al-Bab et dans d’autres régions.
Réaction US
Dans une première réaction du genre, l’ambassade des Etats-Unis à Damas a fait part de « son inquiétude de l’extension dans le nord-ouest syrien de HTS aux dépens de la Troisième Légion ». Après que ce dernier a annoncé lundi l’effondrement de l’accord de cessez-le-feu en raison du bombardement intensif sur le village Kfar Jannat de la part de HTS qui l’a conquis après avoir pris les villages avoisinants dans cette région d’Afrine.
« Nous sommes profondément préoccupés par la récente incursion de Hayat Tahrir al-Sham, une organisation terroriste désignée, dans le nord d’Alep. Il faut retirer les forces de HTS immédiatement de la zone», a écrit l’ambassade sur sa page Facebook. Laquelle n’a pas fait allusion au conflit qui a opposé la Troisième Légion à la Division Hamzat.
Intervention turque
En effet, rapporte l’AFP, après une brève accalmie suite à la conclusion d’un accord, qui devait s’étendre à d’autres régions proches de la frontière turque, les combats ont repris lundi soir, près de la ville voisine d’Azaz, bastion d’un groupe pro turc, al-Jabhat al-Chamiat.
Selon al-Araby al-Jadeed, les forces turques sont intervenues pour faire cesser les combats lorsque ces derniers sont arrivés au niveau de leur check-point, situé aux confins de ce village stratégique. Par la suite, la milice de la Troisième Légion s’est retirée de Qatamat sans combats et HTS lui a légué les quartiers qu’elle avait occupés et s’est retirée vers Afrine.
Mais le responsable des relations au sein de la Troisième Légion, Hicham Eskif, a par la suite assuré pour le site pro Qatar que HTS ne s’est pas retiré des régions qu’il a occupées lundi à proximité d’Azaz. Des pourparlers ont lieu pour ce fait, ont affirmé des sources de l’ANS.
Des chars et des véhicules militaires lourds de l’armée turque ont été vus se déplaçant dans les régions de Mushailat et Qatamat près de Kfar Jannat, indiquent des sources locales pour al-Araby al-Jadeed selon lequel cette zone étant considérée comme une zone d’influence turque sous le nom de zone d’opérations « Rameau d’olivier », la deuxième région conquise après celle des opérations « Bouclier de l’Euphrate ».
« Le sort de ces zones saisies par HTS dans la région d’Olive Branch va se transformer en un pôle d’attraction pour la coalition internationale ou les Russes », a estimé Eskif. Des raids russes avaient bombardé des sites de l’ANS dans la région d’Afrine, le 16 octobre, selon al-Araby al-Jadeed.
ANS contre FDS
D’autre part, l’armée turque a bombardé des zones sous contrôle des milices kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) aux alentours de la ville de Tal Rifaat.
Auparavant, l’axe Kfar Khasher dans la province nord d’Alep avait été le théâtre d’affrontements entre l’ANS et les FDS lorsque ces derniers ont tenté de l’infiltrer.
Turcs contre Kurdes
La Turquie, qui s’est opposée au pouvoir de Bachar al-Assad au début de la guerre, soutenant les groupes armés toutes tendances confondues, aussi bien les jihadistes que ceux de l’Armée libre syrienne (ALS génératrice de l’ANS), a commencé à déployer des troupes dans le nord de la Syrie en 2020 où elle occupe des zones avec ses supplétifs syriens, alors qu’elle contrôle en même temps le nord-ouest syrien, notamment la province d’Idleb. Elle se trouve depuis en conflit avec les FDS qui occupent des régions vastes dans le nord-est syrien, lui faisant craindre le spectre d’une entité kurde dans la prolongement du Kurdistan irakien.
Ses craintes sont d’autant plus plausibles que les FDS sont soutenus par les USA qui sont intervenus en Syrie dans la cadre d’une « Coalition internationale », avec pour prétexte de combattre Daech (Etat islamique-EI) et qui ont depuis établi une douzaine de bases militaires, notamment dans les zones pétrolifères qu’ils pillent quotidiennement avec l’aide des FDS en direction des régions du Kurdistan irakien.
Manif contre HTS
Selon l’AFP, depuis l’offensive de HTS, des centaines de personnes ont manifesté dans plusieurs villes de la région contre ce groupe jihadiste.
Connu pendant longtemps sous l’appellation Front al-Nosra, et célèbre pour les crimes et les horreurs qu’il a commis dans plusieurs régions syriennes pro pouvoir, ce dernier a changé de nom et s’est démarqué d’al-Qaïda avec l’accord de son ex-chef Ayman al-Zawahiri, pour échapper aux sanctions décrétées par l’ONU le classant sur la liste des organisations terroristes. Ayant été délogée de la plupart des régions syriennes par l’Armée arabe syrienne et ses alliés, cette organisation se trouve confinée dans la province d’Idleb, dernier grand bastion rebelle et jihadiste en Syrie.
La guerre en Syrie qui a éclaté en Syrie en 2011 pour évincer le président syrien Bachar al-Assad s’est marquée par l’émergence de plusieurs centaines de groupes armés, soutenus par la Turquie, les pays du Golfe et l’Occident, aux côtés de ceux d’al-Qaïda. Ils se sont livrés des combats meurtriers pour le pouvoir et la conquête de terrain et continuent à le faire.
Source: Divers