Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a refusé de prolonger le mandat des experts chargés d’enquêter sur les violations des droits humains au Yémen, des ONG accusant l’Arabie saoudite d’avoir tout fait pour obtenir ce rejet.
En réaction, le porte-parole du Conseil suprême yéménite pour la gestion et la coordination des affaires humanitaires, Talaat Al-Sharjabi, a déclaré, vendredi 8 octobre, que « le fait de ne pas prolonger la mission des experts sur les violations et les crimes commis au Yémen est le nouveau moyen des Nations Unies de conspirer contre le peuple yéménite ».
Dans une interview avec la télévision yéménite AlMasirah, M.Sharjabi a appelé à « la mise en place d’un comité d’enquête international indépendant doté des pleins pouvoirs pour enquêter sur les crimes de guerre au Yémen ».
Il a souligné que « le Qatar a joué un sale rôle aux côtés des Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite en exerçant des pressions pour mettre fin à la mission des experts. Et ce, pour ne pas condamner les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France dans les crimes de guerre commis au Yémen ».
Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France soutiennent la coalition, dirigée par l’Arabie, dans sa guerre lancée contre le Yémen depuis mars 2015.
« L’Arabie saoudite a réussi à échapper à la punition jusqu’à ce stade. L’argent saoudien a réussi à acheter les positions des pays », a-t-il regretté. Et de promettre : » les auteurs de crimes de guerre n’échapperont jamais à la punition ».
C’est la première fois que le Conseil rejette un projet de résolution depuis sa création en 2006, a indiqué un porte-parole basé à Genève.
Le projet de résolution qui prévoyait de « proroger le mandat du Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux pour une nouvelle période de deux ans ».
Le texte a été rejeté par 21 pays, contre 18 favorables et 7 abstentions.
« Les gens au Yémen ont été abandonnés. Trahis. Une fois de plus », a réagi dans un tweet la secrétaire générale d’Amnesty International Agnès Callamard.
Prenant la parole après le vote au nom des pays ayant proposé la résolution, le nouvel ambassadeur des Pays-Bas, Paul Bekkers, n’a pu que constater l’échec du Conseil à renouveler le mandat des experts de l’ONU.
« Avec son vote d’aujourd’hui, le Conseil (…) a coupé cette bouée de sauvetage du peuple yéménite », a-t-il déploré.
Plusieurs ONG avaient dénoncé cette semaine une tentative de l’Arabie saoudite de faire échouer la résolution. À la tête d’une coalition militaire depuis 2015, l’Arabie saoudite mène une guerre sans merci contre le Yémen, qui a couté la vie à des dizaines de milliers de victimes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l’ONU.
« Le vote d’aujourd’hui représente un grave échec – qui conduira inévitablement à davantage de violences et de souffrances au Yémen. Pour être clair – les États qui ont voté contre le renouvellement ou se sont abstenus ont choisi de satisfaire l’Arabie saoudite au lieu de protéger la vie de millions de personnes », a affirmé Jeremie Smith, représentant à Genève du Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS).
L’ONG Human Rights Watch (HRW) a également critiqué le vote.
Son directeur à Genève, John Fisher, a dénoncé une « tache au bilan du Conseil » et pointé du doigt les « nombreux États (qui) ont tourné le dos aux victimes, cédé aux pressions de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et fait passer la politique avant les principes ».
La Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Michelle Bachelet, a également souligné que 4 millions de personnes ont été déplacées par les affrontements, dont 83 % sont des femmes et des enfants.
« Des financements urgents dans tous les secteurs sont nécessaires pour éviter une famine à grande échelle et j’appelle tous les donateurs à intensifier leurs efforts », a-t-elle lancé.