Dans son dernier discours, le secrétaire général du Hezbollah a qualifié Dorothy Shea, l’ambassadrice des Etats-Unis au Liban, de « vieille chipie ». Il avait employé ce terme dans les années 90 du siècle dernier pour l’ex-secrétaire d’état américaine Madelaine Albright.
Depuis son accréditation au pays du cèdre en avril 2019, durant le mandat de l’ex-président Donald Trump, l’ingérence américaine dans les affaires internes libanaises a pris des proportions flagrantes.
Sa mauvaise réputation l’avait précédée . « Elle va ouvrir contre vous la boite de Pandore », avait averti Elisabeth Richard, celle qui l’avait précédée à la tête de l’ambassade américaine au Liban, rapporte un site libanais, Akhbaroukom.
Dès le début, Shea s’est focalisée sur le Hezbollah, dans l’objectif de l’exclure de la vie politique libanaise, le disqualifier, de monter l’opinion publique contre lui. A peine a-t-elle pris ses fonctions que le Liban s’est vu engouffré dans une crise économique sans précédent. Quoiqu’elle ait été causée, essentiellement par les politiques suivies par les alliés de son pays au Liban, dont son homme de main le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, elle tente, avec leur contribution de la lui adosser. Mais ses efforts sont en deca des attentes de Washington. Ses déboires se font sentir de plus en plus.
Sa dernière qui a fait déborder le vase a été son opposition à ce que le Liban, qui souffre d’une grave pénurie de carburant, ne l’importe de l’Iran.
A peine sayed Nasrallah a-t-il annoncé le jour d’Achoura qu’un navire allait appareiller depuis l’Iran jusqu’au Liban qu’elle a contacté le chef de l’Etat Michel Aoun pour lui faire part qu’elle allait permettre à l’Egypte d’acheminer du gaz, et à la Jordanie de l’approvisionner en électricité. Et lui rappeler les sanctions qu’il encourrait s’il accueille les hydrocarbures iraniens.
Sa démarche a dévoilé au grand jour devant l’opinion publique libanaise le rôle pernicieux que son pays joue dans la crise libanaise, et que le Hezbollah ne cesse de stigmatiser. Ses allégations de vouloir contribuer à fournir l’aide au Liban sont apparues comme une manoeuvre destinée exclusivement à contourner la démarche du parti de la résistance. Elles sont surtout montré en parallère que c’est bien elle et son pays qui sont derrière toute cette pénurie.
Contre toute attente, la réaction la plus virulente est venue d’un député qui fait partie du bloc de la République forte, affilié aux Forces libanaises, un parti pro américain et jouissant d’une aide saoudienne généreuse.
« Bon réveil… elle a pris beaucoup de retard… le Liban coule depuis longtemps », lui a lancé César Maalouf, connu pour son franc parler. Il avait accueilli avec enthousiasme l’envoi de pétrolier iranien pour le Liban.
«Si nos alliés arabes et occidentaux nous ont abandonnés, pourquoi il nous est interdit d’accepter l’aide de l’Iran ? », s’est-il interrogé, lors d’une interview avec la télévision libanaise d’information al-Mayadeen.
Et de poursuivre : « il n’est permis ni éthiquement ni humainement de combattre l’arme du Hezbollah en menant une guerre féroce contre un pays et un peuple. Pourquoi nous serait-il interdit d’accepter l’aide iranienne au moment où les autres veulent humilier notre peuple ? »
« Cette crise démarque l’ennemi de l’ami qui est prêt à aider notre pays… si vous voulez implanter les Palestiniens au Liban, vous allez perdre. Ils ont le droit de rentrer chez eux », a-t-il taclé.
Naturellement, la position de Maalouf se démarque de celle du chef des Forces libanaises Samir Geagea qui a critiqué la décision du Hezbollah et qui n’a pas manqué dans la foulée de l’expulser Maalouf de son bloc.
Or les ingérences de Shea ne s’arrêtent pas là.
Elle interfère dans la formation du gouvernement dont la charge a été confiée à Najib Mikati et est accusée de la compliquer contrairement à ses allégations.
« Si Washington et son ambassadrice avaient le libre choix, elle aurait empêché toute représentation du Hezbollah et de ses alliés au sein du gouvernement en cours de formation », constate le site d’information libanais Lebanon Debate. Selon lequel Shea a exprimé ceci ouvertement aux responsables politiques officiels.
En effet, elle s’enquiert surtout des candidats du Hezbollah, des postes ministériels qui leur devraient être accordés, de leurs prérogatives.
Lors de sa rencontre avec le président de la République, elle l’interrogeait sur la nature du rôle du Hezbollah au sein du gouvernement.
Mais ce n’est pas tout. De nombreuses questions intéressent l’administration américaine : « le programme du gouvernement, la nature de sa collaboration avec la Banque mondiale, et avec les institutions monétaires internationales », précise Lebanon Debate.
De même pour la déclaration ministérielle que le prochain cabinet aura à rédiger, pour son programme d’action, et sa perception des mesures américaines et de l’aide occidentale.
Shea s’immisce aussi dans les désignations dans les hauts postes de l’administration libanaise, voire dans les corps, militaire, financier et judiciaire.
« Washington œuvre pour soumettre ces postes à des changements qui puissent être compatibles avec la nature de sa perception pour sortir le Liban de sa crise afin de donner son assentiment aux Fonds monétaires de prêts », assure le site libanais.
En plus de tout cela, l’action de Shea empiète dans la sphère politique partisane.
Sachant que son pays finance quelque 17 ONG, elle les prépare pour remplacer les partis politiques hostiles dans l’enceinte parlementaire lors des prochaines législatives libanaise en 2022.
Mais leur pronostic demeure défaillant. Elles ont de nouveau échoué dans leurs tentatives de mobiliser des centaines de milliers de manifestants lors de la commémoration de la tragédie de l’explosion meurtrière du port de Beyrouth le 4 août dernier. Elle a récemment rencontré leurs représentants pour les sermonner, rapporte le journal libanais al-Akhbar. Comme l’avait fait l’an dernier David Schenker l’an dernier, pour la même raison. Ell s’est félicitée de ne pas les avoir pris à la lettre.
Face à leur revers, elle leur a prescrit dorénavant une seule mission, rapporte al-Akhbar, celle d’imputer au Hezbollah la responsabilité de l’effondrement au Liban, de le pousser à capituler et de harceler tous ceux qui traitent avec lui.
« Dans cette confrontation, Shea n’est pas seule. Elle jouit de l’assistance des ambassadeurs de Grande Bretagne, de France, d’Allemagne, d’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis et celle non moins furtive d’autres ambassadeurs arabes et européens. Ils œuvrent tous conformément à une seule théorie qui stipule que la défaite du Hezbollah nécessite deux choses : le dissocier de ses alliés, quel que soit le coût, et créer des tensions sur fond de crise, quel que soit le coût aussi », a écrit le rédacteur en chef d’al-Akhbar Ibrahim al-Amine. A l’en croire, c’est la phase des pressions maximales.
Contrairement à ses attentes, la position de Maalouf illustre que le camp pro américain au Liban risque de se disloquer.
D’autant que le Hezbollah ne restera pas les mains croisées. Contre vents et marées, il est passé à l’acte, exécutant son engagement d’apporter des hydrocarbures depuis l’Iran. Une décision qui non seulement contrecarre le blocus des Américains, mais ébranle les structures locales sur lesquelles ils s’appuient pour exercer leurs pressions: accaparement de la banque centrale, cartels… toutes celles qui ont contribué à la crise actuelle.
« Il ne faut pas dissocier la lutte contre l’ennemi sioniste de la lutte contre l’hégémonie des USA », a lancé plus d’une fois sayed Nasrallah. Il l’a réitéré dans son dernier discours persuadé cette fois-ci que la confrontation est passée à un nouveau stade. Curieusement, le navire qui va acheminer le pétrole iranien a été baptisé « Promesse tenue » , le même nom qui avait été donné à la guerre 2006 contre ‘Israël’, celle qui avait inauguré « la fin des défaites », toujours selon le chef du Hezbollah.
Source: Divers