La loi contre un prétendu séparatisme votée fin juillet par le parlement français « n’a pas été voulue ni adoptée pour lutter contre les terroristes, mais pour s’en prendre aux musulmans », a déclaré le journaliste et fondateur du site d’information Al-Kanz, Fateh Kimouche.
Dans un entretien accordé au correspondant de l’Agence Anadolu à Paris Alaeddin Dogru, il estime que le président Emmanuel Macron « s’inscrit en cela dans un amalgame cher aux islamophobes pour qui il existe un continuum entre les terroristes et les musulmans ».
Selon le fondateur d’Al-Kanz, cette loi contre le séparatisme « criminalise les musulmans et restreint un certain nombre de leurs libertés (liberté d’expression, liberté religieuse, liberté d’association, etc.), pour ensuite permettre à l’Etat de les traquer et les punir ».
« Avant même son adoption, cette loi a eu entre autres conséquences très concrètes une libération de la parole islamophobe dans les médias et les réseaux sociaux, le licenciement d’imams après la pression de préfets, la fermeture arbitraire de lieux dits « séparatistes ».
La campagne délirante contre la mosquée Eyyûb-Sultan de Strasbourg est à cet égard un cas d’école » souligne le journaliste.
Il met par ailleurs les postures du chef de l’Etat en perspective avec la prochaine élection présidentielle au cours de laquelle il devrait en toute logique être à nouveau opposé à Marine Le Pen au deuxième tour.
« Cette loi est dangereuse, certes parce qu’elle s’en prend à une partie de la population du fait de leur religion réelle ou supposée, mais aussi et surtout parce que ces fameux « principes républicains » ne sont jamais vraiment définis ; ce qui ouvre la voie à des dérives, dont on peut craindre qu’elles seront à l’avenir nombreuses » prévient Fateh Kimouche.
Il assure que l’exécutif pourrait « ainsi nuire à un individu (comme ces deux imams récemment licenciés), une association, une entreprise ou une mosquée simplement en l’accusant de contrevenir aux principes républicains, concept flou mais redoutablement efficace en ces temps où être musulman est déjà un problème ».
Pour rappel, après plusieurs mois de controverse et d’indignation dans les rangs musulmans, le Conseil Constitutionnel, saisi pour examiner 7 articles de cette loi contre le séparatisme, en a validé 5 dans une décision rendue publique vendredi.
Deux mesures importantes ont néanmoins été censurées par les sages.
La première concerne l’article 26 « prévoyant que la délivrance ou le renouvellement de tout titre de séjour peut être refusé à un étranger ou qu’un titre de séjour peut lui être retiré s’il est établi qu’il a manifesté un rejet des principes de la République ».
Le Conseil Constitutionnel estime que le législateur n’a pas « adopté des dispositions permettant de déterminer avec suffisamment de précision les comportements justifiant le refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour ou le retrait d’un tel titre ».
Les Sages considèrent ainsi qu’il n’est pas possible de retirer ou refuser un titre de séjour « en faisant référence aux principes de la République, sans autre précision, et en se bornant à exiger que la personne étrangère ait manifesté un rejet de ces principes ».
La seconde mesure censurée concerne la suspension des activités des associations visées par une procédure de dissolution.
Le Conseil Constitutionnel considère en effet qu’en adoptant une telle mesure « le législateur a porté à la liberté d’association une atteinte qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».
Si la loi a bien été adoptée, la plupart des articles n’ont pas été examinés et restent donc ouverts à d’éventuelles questions prioritaires de constitutionnalité.