Un article du Middle East Eye met la lumière sur l’exploitation par les agences de renseignement occidentales de l’expansion des réseaux de câbles pour la fibre optique au Moyen-Orient pour espionner ses pays. La plupart de ces câbles sont sous-marins et non terrestres, car ils sont considérés comme plus sûrs. Lorsqu’ils touchent la terre pour y tracer leur chemin, ils sont plus vulnérables.
« Il ne fait aucun doute qu’au sens large, la région de Port-Saïd [en Égypte] à Oman est l’une des plus importantes zones de trafic de télécommunications et donc de surveillance. Tout ce qui se passe au Moyen-Orient transite par cette région, à l’exception de la liaison singulière qui traverse la Turquie », explique au MEE Duncan Campbell, journaliste d’investigation spécialisé dans la surveillance depuis 1975.
L’article du MEE parle d’une alliance de services de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) regroupant les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et qui espionne le Moyen-Orient depuis la formation du réseau. Et ce depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle est baptisée Five Eyes. Et ses principaux acteurs sont la National Security Agency (NSA) des États-Unis et le Government Communications Headquarters (GCHQ) du Royaume-Uni, qui utilisent des complexes connus mais aussi secrets dans la région pour recueillir des données.
Ces agences exploitent les câbles optiques pour intercepter de vastes volumes de données, allant des appels téléphoniques au contenu des mails en passant par les historiques de navigation web et les métadonnées. Les données financières, militaires et gouvernementales passent également par ces câbles. Ces données sont passées au crible par les analystes, tandis que les filtres extraient du matériel basé sur les 40.000 termes de recherche de la NSA et du GCHQ – sujets, numéros de téléphone et adresses mail – pour une inspection plus approfondie.
Le MEE précise que l’Égypte est un point d’étranglement majeur : elle traite le trafic de l’Europe vers le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique, et vice versa. La quinzaine de câbles maritimes qui traversent l’Égypte entre la Méditerranée et la mer Rouge traitent entre 17% et 30% du trafic internet de la population mondiale, soit les données de 1,3 milliard à 2,3 milliards de personnes.
Les câbles qui traversent l’Égypte ne donnent toutefois pas la liberté à l’État égyptien d’intercepter les données au nom des Five Eyes, malgré l’importance accordée par le président Abdel Fattah el-Sissi (ancien directeur du renseignement militaire) et son fils Mahmoud, chef adjoint de la Direction générale du renseignement (GID), à la surveillance de masse des citoyens égyptiens.
Les Five Eyes pourraient toutefois exploiter des câbles en Égypte ou dans ses eaux territoriales.
Selon l’article, les câbles reliant l’Europe, l’Afrique et l’Asie traversent l’Égypte, puis descendent la mer Rouge jusqu’au détroit de Bab el-Mandeb entre le Yémen et Djibouti. Les câbles se dirigeant vers l’est dévient vers Oman. À l’ouest de la capitale Mascate se trouve un site de surveillance du GCHQ à Seeb, ayant pour nom de code Circuit.
« C’est très près de l’endroit où les câbles sous-marins arrivent. Pratiquement tous les câbles atterrissent entre Seeb et Mascate», explique Duncan Campbell.
Les documents divulgués par Edward Snowden en 2013 font référence à une base clandestine de la NSA au Moyen-Orient surnommée DancingOasis, également appelée DGO. Selon ses révélations , les écoutes sous-marines sont effectuées par un sous-marin converti à cet effet, l’USS Jimmy Carter.
« On soupçonne fortement que les sous-marins américains ou d’autres pays utilisent des plateformes sous-marines pour intercepter les câbles », rapporte Duncan Campbell.
Selon ce dernier, ‘Israël’ qui est également doté des capacités techniques pour exploiter des câbles sous-marins dans la région ne dispose actuellement d’aucune connexion aux réseaux du Moyen-Orient. Il n’y a pas de câbles qui vont au-delà des deux points d’atterrissage côtiers de Tel Aviv et Haïfa, reliés à l’Europe continentale et à Chypre, avance-t-il.
Campbel estime que cela pourrait changer si les plans de Google qui ont été rapportés concernant son nouveau câble « Blue Raman » qui va de l’Europe à l’Inde en passant par Israël, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et Oman se concrétisent.
Source: Médias